Comment le Cnam développe sa stratégie de formation à l’intelligence artificielle

Une ambition portée par la direction de l’innovation pédagogique

Le Conservatoire national des arts et métiers s’apprête à généraliser le module de formation Caire, un projet coordonné par l’Ensam dans le cadre du dispositif CMA. Objectif : former toute la communauté du Cnam aux usages de l’intelligence artificielle, explique Sophie Guichard, directrice nationale de l’appui à la pédagogie et à l’innovation. Cette stratégie globale repose sur plusieurs leviers : élaboration d’une charte des bonnes pratiques, adaptation du règlement des examens, recrutement d’un ingénieur pédagogique dédié... L’établissement mise aussi sur ses "rencontres nationales de l’innovation pédagogique", organisées du 25 au 27 juin 2025. Dans le contexte de l’enseignement supérieur, Sophie Guichard déplore que "trop souvent encore, les ingénieurs pédagogiques soient perçus comme de simples 'référents Moodle'".

L’innovation pédagogique, pilier de l’identité du Cnam

Selon Sophie Guichard, les rencontres nationales illustrent la place centrale de l’innovation pédagogique au sein du Cnam depuis des décennies. Coorganisées avec les référents Living Lab, elles visent à revenir sur plus de 40 ans de pratiques avant-gardistes : des formations à distance dès les années 60, aux Moocs des années 2010, jusqu’aux démarches actuelles mêlant IA, jumeaux numériques, ludopédagogie et accessibilité numérique. Ces journées favoriseront le partage et l’enrichissement mutuel entre les acteurs de la formation, pour répondre aux enjeux d’inclusion, de territoire et d’évolution des parcours d’apprentissage.

Un changement d’intitulé révélateur d’une évolution stratégique

Le changement de fonction de Sophie Guichard, passée de directrice nationale des usages du numérique à directrice nationale de l’appui à la pédagogie et à l’innovation, n’est pas anodin. Il incarne un glissement stratégique : le numérique n’est plus une fin en soi, mais un outil au service de l’innovation pédagogique. La direction joue un rôle clé dans le déploiement de plateformes, la formation des enseignants et la coordination de projets pédagogiques dans l’ensemble du réseau Cnam.

Une formation à l’IA pensée pour tous les enseignants

Le Cnam entend accompagner ses enseignants dans la montée en compétences face à l’IA. Face à des étudiants déjà utilisateurs, les enseignants doivent comprendre et maîtriser ces outils. Une charte de bonnes pratiques est en préparation et le règlement des examens a été ajusté. Depuis l’année dernière, des formations liées aux pratiques pédagogiques ont été proposées. Le programme Caire viendra compléter cette offre, en lien avec l’Alliance signée avec Mistral AI, Edtech France et plusieurs établissements partenaires.

Un partenariat national pour structurer l’usage de l’IA

L’Alliance Mistral - Edtech, signée avec une quinzaine d’établissements, vise à structurer l’intégration responsable de l’IA dans l’enseignement supérieur. Elle s’appuie sur plusieurs groupes de travail : stratégie, pédagogie, inclusion, achats publics, systèmes d’information et RH. L’objectif est de proposer une première solution pour septembre et une offre ESR complète en mars 2026.

Un accompagnement structuré pour les personnels du Cnam

Le module de formation Caire, coordonné par l’Ensam, sera proposé à tous les personnels du Cnam. Il prévoit plusieurs niveaux :

• Niveau 1 : sensibilisation via 3,5h d’e-learning et 3,5h d’atelier, validé par un badge Caire,
• Niveau 2 : "professionnels éclairés", avec un jeu sérieux,
• Niveau 3 : "professionnels responsables".

Un réseau de formateurs internes sera constitué avant l’été 2025, avec des référents IA identifiés dans chaque entité. La phase test démarre en juin, avec une généralisation prévue pour la rentrée 2025-2026. Un format pour les auditeurs est en cours de réflexion.

Le programme Caire, une ambition nationale

Porté par l’Ensam, le programme Caire (Citizen-oriented artificial intelligence training for a responsible education)est lauréat de l’appel à projets CMA pour un financement de 12,5 millions d’euros. Il vise à former 28 000 personnes en 5 ans, dans cinq établissements dont le Cnam, le Cesi, PSB et l’université Bourgogne Europe.

Redonner du sens au métier d’ingénieur pédagogique

L’ingénieur pédagogique est un acteur fondamental de la transformation des formations. Loin d’un simple rôle technique, il conçoit des scénarios pédagogiques, adapte les contenus, anime les interactions et garantit la cohérence des dispositifs numériques. Il joue un double rôle, à la fois pédagogique et technique, et doit lui aussi être formé à l’innovation. Son expertise croise stratégie d’apprentissage et compétence sur les outils, en collaboration avec les enseignants.

Un rôle encore trop peu reconnu dans les établissements

Durant la crise du Covid, les ingénieurs pédagogiques ont été sollicités en urgence, souvent perçus comme techniciens de dépannage, au détriment de leur cœur de métier. Cette image persiste encore aujourd’hui. Le manque de reconnaissance statutaire et institutionnelle freine l’évolution de la profession. Très peu de postes sont ouverts dans les concours ITRF, et aucun poste d’ingénieur de recherche n’est prévu pour 2025.

Face à cela, un rattachement aux vice-présidences formation, comme au Cnam, permet une meilleure intégration aux politiques pédagogiques et une valorisation du rôle de ces professionnels.

Quelle place pour la réalité virtuelle dans l’enseignement ?

Sophie Guichard souligne que la réalité virtuelle représente un investissement à réfléchir : coûts durables, impact environnemental, obsolescence rapide… Si l’immersion peut séduire, ses bénéfices pédagogiques restent à démontrer, sauf dans les cas précis d’apprentissage de gestes techniques complexes ou de simulation de situations à risque.

SOURCE : AEF INFO