Enfants et écrans : quelles stratégies mettent en place les parents ?

De nombreux parents expriment un manque de soutien concernant l'éducation numérique de leurs enfants. Pour Thomas Rohmer, directeur de l'Open, l'accent devrait être mis sur l'usage qu'en font les enfants eux-mêmes.

Un manque de soutien ressenti par les parents

Aujourd'hui, plus d'un parent sur deux estime ne pas être suffisamment accompagné dans l'éducation numérique de leurs enfants, et certains se disent même dépassés. Une étude publiée par l'Observatoire de la parentalité et de l'éducation numérique (Open) le 8 octobre met en lumière cette situation, en détaillant les diverses stratégies mises en place par les parents pour gérer le temps d'écran de leurs enfants. Cependant, Thomas Rohmer, directeur et fondateur de l'Observatoire, souligne que si cette surveillance est louable, l'attention devrait plutôt se porter sur les pratiques numériques des enfants.

Les écrans occupent une place croissante dans la vie des enfants, surtout avec l'utilisation massive des smartphones par les jeunes. Selon l'étude, aujourd'hui, la moitié des enfants âgés de 7 à 17 ans possèdent un smartphone. Cette étude, menée du 8 au 16 février 2024, a rassemblé 1200 parents et 600 enfants. Si les deux groupes admettent passer trop de temps devant les écrans, les parents reconnaissent que ces outils, comme les smartphones, montres connectées ou ordinateurs, sont majoritairement utilisés par les enfants en l'absence d'adultes. Ainsi, 65 % des enfants de 7 à 10 ans et 93 % des 11 à 14 ans utilisent leur smartphone seuls, selon les parents. De plus, l'étude révèle que les frères et sœurs jouent un rôle important en accompagnant les plus jeunes, souvent plus que les parents eux-mêmes.

Des perceptions différentes entre parents et enfants

L'étude montre également que parents et enfants ne perçoivent pas de la même manière les problèmes liés aux écrans. Les enfants évoquent principalement des symptômes physiques tels que des difficultés à s'endormir (30 % des 7-17 ans), l'abandon d'autres loisirs (28 %), des maux de tête ou des douleurs oculaires (27 %), ainsi que des difficultés à se détacher des outils numériques (27 %). De leur côté, les parents s'inquiètent davantage de la dépendance aux écrans (36 %), du risque de délaisser d'autres activités (33 %), de la rencontre d'inconnus (32 %) et de l'exposition aux fausses informations (32 %).

Les stratégies adoptées par les parents

Depuis 2021, les parents s'engagent plus activement dans l'éducation numérique de leurs enfants. «On perçoit une réelle volonté des parents de prendre en main ce sujet», déclare Thomas Rohmer.

Voici quelques-unes des stratégies mises en place par les familles :

• Une famille sur deux interdit l'utilisation du téléphone à table.
• Une famille sur deux discute des bonnes pratiques numériques avec son enfant.
• Près de la moitié des familles limite le temps d'écran quotidien.
• Quatre familles sur dix favorisent les activités ou jeux non-numériques pour détourner l’attention des écrans.
• Trois familles sur dix utilisent des logiciels de surveillance.
• Deux familles sur dix ont recours à un contrôle parental via des outils comme Family Link ou Microsoft Family Safety.

Cependant, 70 % des parents préfèrent gérer les paramètres de contrôle parental à distance. Thomas Rohmer estime que cette approche ne permet pas une réelle implication dans le numérique. «Cela se traduit souvent par un désir de contrôler le temps passé ou de surveiller les enfants, dans le but de prévenir tout danger», explique-t-il. «Si cette volonté de protection est compréhensible, elle ne peut constituer la base d'une éducation numérique.»

Comment éduquer numériquement nos enfants ?

«Il n'existe pas de solution miracle», affirme Thomas Rohmer. Chaque famille et chaque enfant est unique. Par exemple, le numérique n'occupe pas la même place dans une famille où les parents sont séparés ou monoparentaux. Pour lui, l'essentiel est de s'intéresser à ce que font les enfants sur leurs appareils plutôt que de surveiller uniquement le temps passé. «Quand ils jouent à un jeu vidéo, demandez-leur comment s'est déroulée leur partie», propose-t-il. Il ajoute : «Le rôle de tout éducateur est d'autonomiser ceux dont il a la charge, ici les enfants, afin qu'ils puissent voler de leurs propres ailes, plutôt que de les surveiller ou leur transmettre ses propres inquiétudes.»

Un manque de cohérence dans l’éducation numérique

Thomas Rohmer pointe également du doigt un manque de cohérence dans les messages transmis aux enfants. «Cette rentrée a vu l'instauration de pauses numériques dans les écoles, mais dans le même temps, les élèves de sixième ont passé des évaluations nationales sur ordinateur. Ces contradictions se retrouvent partout dans la société», note-t-il. Il conclut : «Les enfants ont-ils déjà croisé quelqu'un qui leur explique non pas ce qu’ils ne doivent pas faire, mais ce qu'ils devraient faire pour bien utiliser ces outils ?»

SOURCE : LE FIGARO