Être élève et malade : le défi de « l’école à l’hôpital » à Necker

Depuis 1929, l'association « l'école à l'hôpital » s'engage à faciliter la scolarité des enfants malades. Le Figaro s'est rendu à l'hôpital Necker, situé dans le 15e arrondissement de Paris, pour découvrir le travail de ses bénévoles.
Dans une chambre d'hôpital, le cadre scolaire ne s'installe pas aisément : ni cartables, ni trousses, juste le murmure des machines et le bruit des chariots en fond sonore. Chaque année, des milliers d’enfants sont accueillis dans les services pédiatriques de l’hôpital Necker. Pour redonner un peu d’insouciance à ces jeunes, de nombreux bénévoles se mobilisent. Parmi eux, « l'École à l'hôpital » œuvre depuis près d’un siècle pour maintenir une continuité scolaire malgré la maladie.
« Enseigner est un véritable plaisir. C'est un désir constant de transmettre », confie Emmanuelle Vanborre, professeure de lettres, qui consacre une demi-journée par semaine à ces écoliers. Dante Beccaria, quant à lui, enseigne l’anglais après une carrière dans l’industrie pharmaceutique. Anne-Sophie Launay, coordinatrice pédagogique, veille à la bonne organisation des cours, tenant compte des besoins spécifiques de chaque enfant. « Beaucoup d'enfants ne restent que quelques jours, environ trois en moyenne », explique-t-elle. « Il est donc crucial d’être informé de leur arrivée et de leur départ pour élaborer un programme adapté. »
Un programme sur mesure
Les cours particuliers sont adaptés au niveau et à la fatigue des élèves, et se déroulent dans divers espaces, que ce soit dans un couloir, une chambre ou une salle de dialyse. Emmanuelle souligne la différence avec son enseignement habituel : « Avec mes classes, je sais exactement ce que je vais enseigner. Ici, l'improvisation est souvent de mise. » Chaque jour, les enseignants bénévoles récupèrent des fiches de suivi des élèves, fournies par l’association, qui regorgent de manuels colorés pour tous les niveaux et matières.
La création de cette école hors des murs remonte à 1927, une époque où rien n’était prévu pour les élèves ne pouvant suivre une scolarité traditionnelle. Marie-Louise Imbert, brillante étudiante en philosophie, avait un mantra : « Apporter à l'esprit les soins que d'autres donnent au corps. » Bien que l'Éducation nationale soutienne aujourd'hui les enfants malades, l'association demeure pertinente. Anne-Sophie précise : « Nous intervenons dans des services où l'Éducation nationale n'est pas présente, comme en cardiologie ou en hôpital de jour. Nos missions se complètent parfaitement. »
Évasion par la littérature
Ces cours offrent aux enfants l'opportunité de se projeter en tant qu'élèves avant tout. Emmanuelle souligne l'importance de cet espace d'évasion : « Cela leur permet de quitter, ne serait-ce qu'un instant, leur réalité de malade. Je ne suis pas soignante et je n'aborde pas leurs problèmes ; je suis là pour les transporter dans le monde de la littérature. » Dante ajoute que, bien que le cours soit essentiel, le temps passé ensemble l'est tout autant : « Il est crucial qu'ils ressentent notre présence et notre soutien. »
L’idée d’enseigner à des enfants malades peut sembler déplacée, mais Emmanuelle trouve dans la littérature un outil essentiel. « Elle peut sembler dérisoire dans un tel contexte, mais elle est aussi fondamentale. Lire permet de s'évader, de prendre du recul et d'exercer son esprit critique. Mieux maîtriser la langue aide les enfants à exprimer leurs émotions. » Elle explique que certains élèves ont du mal à mettre des mots sur leurs sentiments, et que les mots d'un auteur peuvent les aider à se sentir moins seuls.
Les bénévoles partagent de nombreuses leçons de vie issues de ces cours, où la santé de l'élève est la priorité. Dante raconte : « Ce matin, j'ai croisé trois enfants en dialyse, profondément endormis. Je les ai laissés tranquilles. Même lorsqu'ils sont éveillés, ils peuvent avoir besoin de voir les clowns de l'hôpital ou de jouer. Nous ne sommes pas indispensables ; la priorité reste les soins. » Il insiste sur la nécessité de faire preuve de patience et de souplesse, car l’attention d’un élève malade ne peut être comparée à celle d’un enfant en bonne santé. « Nous ne sommes pas face à des enfants pleinement disponibles. Il faut en permanence en être conscient », précise-t-il.
Bien que les bénévoles ne connaissent pas les pathologies des enfants, ces cours peuvent devenir des espaces de libération de la parole. « Les professeurs de langues recueillent souvent le plus de confidences, car les cours impliquent des présentations personnelles », explique Anne-Sophie. « En SVT, des élèves peuvent aussi mieux comprendre leur propre condition grâce à ce qu'ils apprennent. » Elle met en avant l'importance des interactions avec les équipes soignantes et les autres associations présentes. Dante conclut : « À Necker, l'accompagnement est très personnalisé et précieux. Ce n'est pas un hôpital où l'on se contente de passer une fois par jour. »

SOURCE : LE FIGARO

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