L’apprentissage dans le supérieur menacé ?

Le Premier ministre a récemment annoncé une intention de réduire le montant des aides à l’embauche des apprentis, une décision qui suscite des inquiétudes parmi les établissements d’enseignement supérieur. Cette aide, plébiscitée par de nombreux étudiants, joue un rôle crucial en leur permettant d'éviter de payer des frais de scolarité.
Une menace sur un dispositif apprécié
Le gouvernement, en quête d'économies, a prévu dans son budget pour 2025 de diminuer les aides aux entreprises embauchant des apprentis. Jusqu’à cette rentrée 2024, un employeur pouvait percevoir une prime de 6 000 euros pour chaque apprenti recruté, quel que soit le niveau de diplôme, allant du CAP au bac + 5, et ce, indépendamment de la taille de l'entreprise. Cette aide a largement contribué à couvrir une part significative du salaire des apprentis pendant leur première année. Grâce à ce soutien financier, le nombre d'apprentis en France a été multiplié par trois depuis 2017, atteignant plus d'un million de contrats d'apprentissage en cours au 31 décembre 2023.
Cependant, un changement de cap est envisagé à partir du 1er janvier 2025. Si le projet de loi actuellement en discussion à l'Assemblée nationale ne subit pas de modifications, le montant de l'aide à l'embauche d'un apprenti pourrait être réduit à 4 500 euros. De surcroît, les exonérations de cotisations sociales pour les apprentis seraient diminuées, entraînant une baisse d'environ 10 % de leurs salaires nets et augmentant ainsi les coûts pour les entreprises. Une autre piste envisagée par le gouvernement pourrait consister à moduler les primes en fonction du niveau de diplôme préparé par les apprentis.
Réactions de la communauté de l'apprentissage
Aurélien Cadiou, président de l’Association nationale des apprentis de France (Anaf) et ancien apprenti, qualifie ces décisions de "mauvais signaux". Bien qu'il soit d'accord pour revoir la distribution des aides publiques, il préfère explorer d'autres options, comme limiter l'accès à cette aide aux entreprises de moins de 250 salariés qui, sans ce soutien, n’auraient pas recruté d'apprentis.
L’Anaf souligne également l'importance de protéger les jeunes préparant des diplômes de niveau infra bac et bac, car pour eux, l'apprentissage représente une véritable opportunité. Une étude du CEREQ révèle que 72 % des jeunes ayant obtenu un CAP ou un bac pro en alternance sont en emploi quatre ans après leur diplôme, contre seulement 55 % pour ceux formés par la voie scolaire. Pour les diplômés du supérieur, cet avantage est moins marqué, car ils bénéficient déjà d’un bon placement sur le marché du travail, tous secteurs confondus. Selon l’enquête 2024 de la Conférence des grandes écoles, 85,8 % des jeunes diplômés trouvaient un emploi dans les six mois suivant leur diplôme, contre 84,3 % pour ceux ayant opté pour l’apprentissage.
Une majorité d’apprentis dans le supérieur
En 2023, plus de 60 % des contrats d’apprentissage signés concernaient des alternants dans l’enseignement supérieur. Prenons l'exemple de Léo, 23 ans, récemment diplômé d'un master de l'école de commerce Audencia. Pour lui, l'alternance était une évidence après sa licence STAPS, car il souhaitait limiter son temps passé en classe. Lors de sa première année, il a travaillé dans une start-up et, lors de sa deuxième année, dans une multinationale d’ingénierie qui lui a proposé un CDI à l'issue de sa formation. Léo apprécie particulièrement l'apprentissage, car cela lui permet d'accéder plus rapidement à des responsabilités au sein de l'entreprise, tout en lui évitant de payer des frais de scolarité, qui s'élèvent à 15 000 euros par an chez Audencia. Il constate également que les jeunes ayant suivi une formation en alternance sont plus employables que ceux n'ayant effectué que des stages.
François, 24 ans, récemment diplômé de l’INSA Lille, partage un ressenti similaire. Il a également bénéficié de l'alternance pour financer ses études et a obtenu un CDI chez Leroy Merlin après avoir passé trois ans en apprentissage. Bien qu'il ait dû gérer une charge de travail importante, François souligne les avantages de l’alternance, notamment la possibilité de se sentir intégré à une équipe et d'acquérir une expérience précieuse tout en étudiant.
Inquiétudes pour l’avenir
Les parcours de Léo et François seront-ils encore possibles l'année prochaine ? Aurélien Cadiou de l'Anaf met en garde : "Si les aides sont réduites, nous risquons d'avoir un grand nombre d'étudiants sans contrat d'apprentissage à la rentrée 2025." Cette inquiétude est partagée par plusieurs organisations, dont la CDEFI, la CGE et France Universités. Elles évoquent la nécessité de "mieux sélectionner les formations supérieures" habilitées à bénéficier des fonds de la formation professionnelle, ce qui pourrait exclure certains organismes de formation privés.
Paradoxalement, alors que le gouvernement envisage de réduire ses aides à l’apprentissage, il a lancé le 22 octobre une campagne de communication visant à promouvoir ce mode de formation. L'objectif est d'inciter les entreprises qui n'ont jamais recruté d'apprentis à se lancer, afin de trouver des contrats pour les 50 000 jeunes qui, bien qu’entrés en formation à l’automne, n'ont pas encore réussi à décrocher un emploi.

SOURCE : LE PARISIEN ÉTUDIANT

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