L'excellence de masse : la révolution silencieuse de l'IA

Tribune. L’intelligence artificielle offre ce qu’aucun système éducatif n’a encore jamais pu proposer : un accompagnement finement personnalisé, estime Charles Gorintin, cofondateur d’Alan.

Dans les salles de classe françaises, un élève sur cinq décroche. Dans les déserts médicaux, des millions de citoyens attendent des semaines pour consulter un généraliste. Ces situations ne sont pas une fatalité : l'intelligence artificielle ouvre une voie inédite vers l'excellence de masse, où chacun accède à des services personnalisés de qualité.

De l'élite à la masse : l'histoire de l'excellence

Remontons d'un siècle. La médecine personnalisée, l'éducation sur mesure, le conseil juridique approfondi : tout cela existait, mais uniquement pour la minorité qui pouvait se l'offrir. Un précepteur pour les enfants des familles aisées, un médecin de famille attentif pour les notables, des artisans pour fabriquer chaque objet. L'excellence avait un coût prohibitif.

Puis vint Ford avec sa promesse révolutionnaire : « Les clients peuvent choisir la couleur de leur voiture, pourvu que ce soit noir. » Cette boutade cache une révolution : la standardisation de masse. En acceptant l'uniformité, nous avons rendu accessible ce qui était autrefois réservé à quelques-uns. L'école de Jules Ferry a offert le même programme à tous les petits Français. L'hôpital public a garanti les soins de base. Les bibliothèques municipales ont mis les mêmes livres à disposition de tous.

Les limites de la standardisation

Cette massification fut un immense progrès. Mais elle atteignit vite ses limites. Comment enseigner efficacement quand un élève dyslexique, un prodige en mathématiques et un enfant allophone partagent la même salle de classe ? Comment soigner quand chaque patient réagit différemment aux traitements ? La standardisation a créé l'accès, mais au prix d'un moyennage parfois cruel pour ceux qui n'entrent pas dans le moule.

Identifier instantanément où chaque élève bute

L'intelligence artificielle résout enfin cette équation qui semblait insoluble. Pour la première fois, nous pouvons allier la personnalisation du précepteur à l'échelle de l'école publique. Le sur-mesure au prix du prêt-à-porter. L'excellence pour tous. En 1999, Joseph Stiglitz écrivait : « Aujourd'hui, un enfant, n'importe où dans le monde, qui a accès à Internet dispose de plus de connaissances qu'un enfant des meilleures écoles des pays industrialisés il y a un quart de siècle. »

L'IA va plus loin que le simple accès aux données. Elle offre ce qu'aucun système éducatif de masse n'a jamais pu proposer : un accompagnement finement personnalisé. L'IA identifie instantanément où chaque élève rencontre des difficultés. Elle adapte son rythme, reformule pour celui qui ne comprend pas, propose des défis plus complexes à celui qui s'ennuie. Elle détecte qu'un enfant apprend mieux par le visuel, un autre par la manipulation. Ce qui nécessitait jadis un précepteur à prix prohibitif devient accessible à tous, quasi gratuitement.

Benjamin Franklin le disait déjà : « Un investissement dans la connaissance paie le meilleur intérêt. » Pendant des siècles, seuls les riches pouvaient se permettre cet investissement. Les cours particuliers, les grandes écoles, les réseaux d'influence : l'excellence creusait les inégalités au lieu de les combler.

L'IA, levier d'égalité réelle

L'IA inverse cette logique. Elle ne nivelle pas par le bas en uniformisant, elle élève par le haut en personnalisant. C'est une évolution dans notre conception même de l'égalité. Pendant deux siècles, l'égalité signifiait « donner la même chose à tous ». Désormais, elle peut signifier « donner à chacun ce dont il a besoin ». L'uniformité devient personnalisation. L'égalité formelle devient égalité réelle.

Une véritable égalité des chances

Cette vision techno-humaniste ne se réalisera pas automatiquement. Elle nécessite une vigilance constante. D'abord, garantir une adoption intelligente pour éviter de nouvelles fractures numériques. Ensuite, maintenir une évaluation stricte des systèmes. Enfin, préserver l'essence de l'humain : empathie, jugement moral, créativité.

L'IA n'est pas une fin en soi, mais un moyen puissant pour permettre à chaque individu de développer pleinement son potentiel. Comme le rappelait Albert Jacquard, « chaque élève a droit aux apports de savoir et de réflexion qui l'aideront dans ce qui est la tâche de toute une vie : devenir celui que l'on choisit d'être ». L'intelligence artificielle transforme ce droit théorique en réalité concrète.

Nous entrons dans une ère où l'excellence n'est plus l'apanage d'une minorité fortunée, mais un droit universel. Une ère où la personnalisation n'est plus synonyme de luxe, mais de justice. Une ère où la technologie, bien maîtrisée, devient l'instrument d'une véritable égalité des chances. L'excellence de masse n'est pas un rêve lointain, c'est une réalité à portée de main. À nous de la guider dans le bon sens.

Charles Gorintin est le cofondateur et chief technical officer de la néo-assurance santé Alan.

SOURCE : Lepoint.fr