Nouveaux programmes de français et mathématiques : la fronde des syndicats enseignants

Les nouveaux programmes de français et de mathématiques des cycles 1 et 2, qui seront présentés en Conseil Supérieur de l'Éducation (CSE) le 6 juin 2024, suscitent une vive opposition de la part des syndicats enseignants. Ces derniers dénoncent "la méthode, la forme et le fond" de ces réformes. Alors que les changements visent à améliorer l'exigence, la lisibilité et la qualité des apprentissages, de nombreux enseignants et représentants syndicaux s'inquiètent des implications pédagogiques et sociales de ces nouveaux programmes.

Contexte et objectifs de la réforme

Dans le cadre du "choc des savoirs" et de la refonte des programmes, cette réforme vise à renforcer le cadre des apprentissages dès les premières années de scolarité. Les nouveaux programmes de français et de mathématiques pour les cycles 1 et 2 mettent l'accent sur des objectifs précis et des exemples de réussite par âge, ainsi que sur la fréquence des temps d'apprentissage.

Programme de français au cycle 1

Pour le cycle 1, le programme de français se concentre sur l'acquisition du langage oral et la préparation à l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Il souligne l'importance de l'enrichissement du vocabulaire et du développement des compétences syntaxiques. Les objectifs d'acquisition et les exemples de réussite sont déclinés par âge pour fournir des repères clairs sur les progrès attendus des élèves.

Programme de mathématiques au cycle 1

Le programme de mathématiques du cycle 1 est structuré en cinq thématiques principales : découvrir les nombres, utiliser les nombres pour résoudre des problèmes, explorer les solides et les formes planes, explorer les grandeurs et se familiariser avec les motifs organisés. L'enseignement repose sur le jeu, la résolution de problèmes concrets, l'entraînement, la mémorisation et la manipulation.

Programmes au cycle 2

Pour le cycle 2, le programme de français définit cinq activités langagières essentielles : comprendre un énoncé oral, parler en continu, parler en interaction, écrire et lire. Le programme de mathématiques adopte une approche progressive, passant du concret à l'abstrait, en utilisant notamment la méthode de Singapour. Les fractions sont introduites dès le CE1, bien que certains enseignants jugent cette introduction trop précoce.

Une méthode et une mise en œuvre contestées

Les syndicats enseignants critiquent fortement la méthode de mise en œuvre de ces nouveaux programmes. Ils reprochent le délai trop court entre la saisine du Conseil Supérieur des Programmes (CSP) en janvier et la date prévue de mise en application pour la rentrée 2024. Cette précipitation, selon eux, ne permet pas une préparation adéquate des enseignants.
Les critiques portent également sur le fond des programmes. Les syndicats dénoncent une rupture avec les valeurs historiques d’un enseignement émancipateur et un accent mis sur les inégalités scolaires et sociales. Selon eux, ces programmes limitent les choix didactiques et pédagogiques des enseignants, rendant l'enseignement plus rigide et uniforme.
Le SNUipp-FSU voit dans ces réformes une "offensive d’ampleur contre le premier degré". Les syndicats craignent que ces changements renforcent le caractère ségrégatif du système scolaire et marginalisent les élèves issus de milieux populaires. La précocité de certains apprentissages et l'absence de construction du sens sont particulièrement critiquées.

L'introduction précoce des fractions

Un point de discorde majeur concerne l'introduction des fractions dès le CE1. Bien que la DGESCO ait supprimé leur introduction au CP, de nombreux enseignants estiment que leur enseignement reste prématuré au CE1. Bruno Rozanès de l'APMEP souligne l'importance d'une bonne maîtrise du système de numération avant d'aborder les fractions. Il critique également l'approche trop rapide des programmes, qui va à l'encontre des recommandations didactiques.

Un enseignement standardisé

Les syndicats dénoncent la standardisation excessive des évaluations nationales, qui deviennent selon eux l'objectif principal des nouveaux programmes. Ils regrettent également que les enseignants soient réduits à des exécutants, limitant ainsi leur autonomie pédagogique.
Le SNUipp-FSU craint que les nouveaux programmes de français du cycle 1 transforment la place de l'école maternelle, la réduisant à une simple antichambre du cours préparatoire. Le syndicat déplore une perte d'ambition scolaire et une réduction du rôle des enseignants à l'exécution de tâches prédéfinies.
Les nouveaux programmes de français et de mathématiques des cycles 1 et 2, bien qu'ils visent à améliorer le cadre des apprentissages, suscitent une opposition significative des syndicats enseignants. Ces derniers dénoncent la méthode précipitée, la rigidité pédagogique et les impacts potentiellement ségrégatifs de ces réformes. Alors que le débat se poursuit, il reste à voir comment ces nouveaux programmes seront finalement mis en œuvre et quels ajustements seront apportés pour répondre aux préoccupations des enseignants.

Source : aef info