Sciences Po annonce le retour d’une épreuve écrite au concours et prévoit des changements pour 2025 et 2026

L’école de la rue Saint Guillaume recrutait ses étudiants sur dossier via Parcoursup depuis 2021. À la rentrée 2021, Sciences Po avait abandonné les épreuves écrites, le fameux concours d’entrée, jugé discriminant pour les moins aisés. Cette réforme avait suscité de nombreux débats. Aujourd'hui, la prestigieuse école fait marche arrière. Ou presque. L'idée de réintroduire une épreuve écrite germait déjà sous la présidence de Mathias Vicherat, comme l’a annoncé le Figaro Étudiant. Le nouveau directeur de l'école, Luis Vassy, a confirmé le retour d’une épreuve écrite.

Cependant, cela ne signifiera « pas un rétablissement de l'ancien concours », et l’épreuve sera « socialement non discriminante », a-t-il précisé dans les Échos. L'objectif est donc de réintroduire l'épreuve écrite tout en maintenant l'égalité des chances. Le nouveau directeur a évoqué « une étape écrite de contrôle » qui sera intégrée à Parcoursup et servira d'« étalon commun » pour « comparer les mérites des étudiants avec un instrument qui les mette tous à égalité », en complément des « notes de contrôle continu ».

Une évolution des épreuves écrites

« Attention, ce n’est pas exactement un retour de l’épreuve écrite », souligne Éric Cobast, directeur de la prépa Sciences Po d’Acadomia et auteur d’ouvrages sur les concours. Actuellement, bien que le concours d’entrée ait été supprimé, le candidat doit rédiger dans son dossier une présentation détaillée de ses motivations ainsi qu'une mise en situation écrite sur un sujet d’actualité, comme par exemple : « Imaginez un discours d’inauguration pour les JO Paris 2024 ».

Concernant cette mise en situation, Éric Cobast déclare : « À l'heure de chat GPT et des prépas en tous genres, les candidats étaient surpréparés. Ils avaient tout le temps de se faire aider et d'ajuster leurs écrits aux attentes. » Cette situation favorisait les candidats ayant les moyens de se payer des cours préparatoires. « Cela n'avait aucun intérêt », affirme Éric Cobast. En conséquence, ces deux exercices écrits devraient être remplacés par une nouvelle épreuve écrite, probablement en temps limité et à distance, tout en veillant à éviter la tricherie.

Les contours de la nouvelle épreuve

Reste à définir concrètement cette nouvelle épreuve. Éric Cobast anticipe plutôt « une question contemporaine » qui n’avantagerait aucune spécialité au lycée. « C’est ce qui a été fait à l’INSP (ex-ENA). Lorsqu’ils ont supprimé l’épreuve de culture générale, ils l’ont remplacée par une note de réflexion sur une question contemporaine. Pas une dissertation, mais une note, c’est plus court et moins formel. » À l’INSP, cette épreuve dure cinq heures, et le thème est connu à l'avance, les candidats étant invités à préparer une bibliographie. « Si Sciences Po choisissait cette option, cela durerait probablement moins longtemps, environ une heure. »

Un groupe de travail a été constitué pour définir les modalités précises de cette épreuve, comme l'indique Sciences Po au Figaro Étudiant. La réforme complète entrera en vigueur à la rentrée 2026, avec une transition en 2025 qui introduira « une partie du nouveau système ». Les détails de cette épreuve restent à préciser. Ce calendrier est un autre point fondamental pour Éric Cobast : « Il y aura une épreuve écrite en 2025, sans doute davantage en 2026. Je ne vois pas comment on pourra éviter le retour d’une épreuve de langues en plus de l’épreuve écrite d’ordre général, surtout sous la présidence de Luis Vassy qui vient du Quai d’Orsay. »

Un renforcement des matières quantitatives

Quelle que soit la forme finale de l’épreuve, le retour de l'écrit « va dans le bon sens », selon Denis Lacorne, spécialiste des États-Unis et enseignant à Sciences Po. « Supprimer le concours était une erreur. Avec un écrit, la sélection est plus objective, mais cela reste insuffisant pour évaluer de réelles compétences. » Pour le professeur, Sciences Po devrait introduire des épreuves écrites en anglais et en maths, « comme les tests SAT aux États-Unis, souvent sous forme de QCM. Ces matières permettent d’objectiver les connaissances, on sait ou on ne sait pas. À Sciences Po, on forme également des économistes, des financiers, des hauts fonctionnaires : les langues et les mathématiques sont essentielles ! »

Bien qu'il n'y ait pas de garantie quant à une épreuve écrite de maths, Luis Vassy souhaite renforcer leur enseignement durant les trois premières années de Sciences Po. La réforme du bachelor pour la rentrée 2026, annoncée par le directeur, visera à améliorer les « capacités quantitatives » des élèves, sans renoncer à la rédaction, à l'analyse et à la synthèse, qui font l'ADN de Sciences Po. L'ancien diplomate estime que ces compétences devront s'adapter face aux avancées de l'intelligence artificielle dans les années à venir.

Outre l'épreuve écrite, Luis Vassy a évoqué une possible réforme des modalités de prise en compte des notes du lycée. Depuis la suppression des épreuves écrites, le contrôle continu des candidats est devenu le critère principal de sélection. Sciences Po prend en compte toutes les notes depuis le premier semestre de la seconde, alors que la plupart des autres formations se basent sur les notes des deux dernières années de lycée. Un système jugé « pas forcément raisonnable » par l'ancien camarade de promotion d'Emmanuel Macron à l'ENA, qui souligne « une énorme pression sur les élèves ».

Le système des lettres que les candidats doivent joindre à leur dossier pour évoquer leur engagement social pourrait également être révisé. Selon le nouveau directeur de Sciences Po, cela ne doit pas avoir « d'effet discriminant socialement ». Sciences Po précise au Figaro Étudiant que cette réforme s’appliquera de façon certaine aux candidats recrutés par la voie générale, qui reste la principale voie d'accès (783 admis en 2023). L'établissement envisage également d'intégrer la voie d'admission internationale et la filière de la convention éducation prioritaire, destinée aux élèves de milieux modestes.

SOURCE : LE FIGARO ÉTUDIANT