L’admiration : un sentiment qui favorise notre croissance ?

Chacun de nous garde en mémoire des enseignants admirables, dont l’impact dépasse les simples connaissances transmises. Personnellement, les enseignants qui m'ont marqué sont ceux dont la générosité, l’étendue des connaissances et la capacité à rendre les leçons vivantes ont fait une réelle différence. Leur passion pour les matières qu'ils enseignaient les rendait brillants, et ils savaient partager leur enthousiasme tout en maintenant une rigueur et une complétude dans leur enseignement.

Ces enseignants réussissaient à combiner ce que l’éducation traditionnelle a souvent séparé : la raison et la passion. Mais ne devrions-nous pas questionner cette séparation ? L’admiration, distincte de l’adoration ou de la fascination, est un sentiment qui nous élève sans nous affaiblir, comme le montre l’analyse des philosophes, scientifiques et artistes dans le livre Admirer. Éloge d’un sentiment qui nous fait grandir (éd. Premier Parallèle).

Alors, serait-il pertinent d’intégrer des leçons d’admiration dans l’éducation ? Peut-on et doit-on apprendre à admirer ? Ces questions nous poussent à réfléchir sur la nature de l’autorité et le rôle de l’imitation dans l’éducation.

Une école qui oppose émotions et rationalité

Les partisans de l’école républicaine considèrent souvent que l’éducation doit se concentrer sur le développement de l’intelligence rationnelle, éloignant les élèves de leurs émotions et croyances personnelles. Par exemple, le dessin, autrefois considéré comme un cousin de la géométrie, était enseigné non pour stimuler la créativité, mais pour discipliner l'œil et la main des élèves afin qu'ils captent « l’essence » des représentations. L’objectif était de former des ingénieurs rationalistes pour la France de la IIIe République.

Selon Eugène Guillaume, dont les principes d’enseignement du dessin ont été intégrés dans les écoles de garçons en 1880, « le Dessin est avant tout une science avec une méthode rigoureuse, donnant des résultats de certitude incontestable ». Une autre raison de l’exclusion de l’admiration est la « passion de l’égalité » décrite par Tocqueville, qui associe l’admiration à des hiérarchies et des inégalités sociales. Admirer pourrait alors être perçu comme une reconnaissance de son infériorité et un acte de soumission.

Cependant, l’admiration ne diminue pas notre propre valeur. Au contraire, elle nous pousse à développer notre propre personnalité et à réaliser notre potentiel. Elle ne compromet pas l’égalité mais la redéfinit, permettant à chacun de se distinguer selon ses propres spécificités.

L’admiration contre la fascination

L’admiration est une émotion qui nous connecte à une pluralité d’expériences. Contrairement à la fascination, qui pousse à la fusion avec l’objet admiré, l’admiration nous guide vers notre propre voie. Elle implique une interaction vivante et respectueuse, permettant de reconnaître et d’apprécier l'extraordinaire dans le monde.

Admiration signifie observer avec attention, reconnaître les mérites exceptionnels d’une personne ou d’une action, et se nourrir de l’inspiration qu’elles offrent. Les interactions avec un enseignant admiré sont très différentes de la relation verticale et soumise entre un disciple et un maître. L’admiration stimule la réflexion personnelle et l’engagement actif, loin des relations d’obéissance ou de soumission.

Éduquer par l’admiration

L’éducation ne devrait pas se réduire à une instruction unidirectionnelle. Éduquer signifie faire participer les élèves, leur fournir les outils nécessaires pour qu’ils forment leur propre expérience et acquièrent leurs connaissances. L’admiration est un catalyseur pour cette expérience, contrairement à l’adulation ou à la soumission autoritaire, qui étouffent la créativité et l’autonomie.

Autrefois, l’admiration était un outil pédagogique précieux. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les élèves étaient encouragés à admirer des figures illustres et à imiter des modèles édifiants. Cette approche valorisait la gloire et l’inspiration plutôt que la simple rationalité. Redécouvrir l’utilité de l’imitation comme source d’inspiration et d’émulation pourrait enrichir l’éducation moderne.

Les enseignants admirés sont souvent eux-mêmes des admirateurs, développant une attitude d’attention, de curiosité et de respect envers les savoirs qu’ils transmettent. Leur manière de se présenter comme des guides modestes, plutôt que des autorités incontestables, renforce la véritable nature de l’admiration, qui est de faire grandir et d’inspirer.

‍

SOURCE : THE CONVERSATION