Affelnet : Antony Taillefait analyse la suspension par le TA de Paris

Le contexte de la décision du juge administratif
Le tribunal administratif de Paris, par une ordonnance du 7 mai 2025 (req. n° 2510774/1), a suspendu l’exécution de la circulaire du 10 avril 2025, par laquelle la rectrice de l’académie de Paris avait modifié certains districts de recrutement pour certains lycées sans concertation avec le conseil régional d’Île-de-France (lire sur AEF info). Cette circulaire a également été transmise aux familles avant même la publication de l’arrêté rectoral. La suspension prononcée maintient donc les districts de recrutement dans l’état de 2024. Antony Taillefait, professeur de droit public et co-directeur du master M@dos, décrypte les fondements juridiques de l’ordonnance et ses implications.
Les faits à l’origine du contentieux
La circulaire rectorale du 10 avril 2025, intitulée « guide académique des procédures d'orientation et d’affectation dans les lycées de l’académie de Paris », modifie les secteurs d’affectation pour plusieurs collèges. Par exemple, les élèves du collège Raymond Queneau perdent l’accès au lycée Gabriel Fauré ; ceux du collège Pierre Alviset ne peuvent plus aller au lycée Balzac mais peuvent intégrer le lycée Émile Dubois ; enfin, les élèves du collège Victor Hugo sont redirigés du lycée Charlemagne vers Fénelon.
Cette modification a conduit l’association Peep du collège Condorcet, accompagnée d’autres associations de parents, à saisir le juge des référés du TA de Paris pour demander la suspension de la circulaire.
L’urgence et le recours devant le juge des référés
Les associations requérantes ont saisi le juge unique en référé en faisant valoir l’urgence à suspendre les effets de la circulaire, et en invoquant un doute sérieux quant à sa légalité. En parallèle, elles ont demandé son annulation devant la formation collégiale du TA de Paris.
Les irrecevabilités soulevées par l’administration
La rectrice de l’académie a opposé des fins de non-recevoir, estimant que certaines associations ne pouvaient agir en justice. Pour l’administration, l’association Peep du collège Condorcet ne démontrait pas d’intérêt à agir. Le juge a toutefois reconnu que ses statuts, axés sur la défense des intérêts des élèves, suffisaient à fonder sa légitimité.
En revanche, d’autres associations n’ont pas justifié leur capacité à agir, faute de produire statuts et procès-verbaux. Le juge a donc déclaré irrecevables les demandes formulées par les associations FCPE du collège Condorcet, du collège Raymond Queneau, de la LIPE du collège Raymond Queneau, de l’APEOG du collège Octave Gérard, de la FCPE du collège Pierre Alviset, de la FCPE du collège Chaptal et de la Peep du collège Malraux.
Le caractère décisoire de la circulaire
La rectrice soutenait que la circulaire n’était qu’une instruction interne, non décisoire et donc insusceptible de recours. Pourtant, au moment de la requête, l’affectation des élèves était régie par l’arrêté du 29 mai 2024 et une circulaire complémentaire du 29 avril 2024. Or, la nouvelle circulaire du 10 avril 2025 n’était pas purement descriptive : elle introduisait des « ajustements » sur le secteur 1 de certains collèges, visibles dans une carte interactive jointe au document.
Cette carte permettait aux familles de constater que certains lycées devenaient inaccessibles. Le juge a donc estimé que la circulaire était bien décisoire et pouvait faire l’objet d’un recours contentieux.
La condition d’urgence à suspendre est remplie
Le juge a reconnu que la circulaire, en modifiant les conditions d’accès à certains lycées, portait une atteinte grave et immédiate aux intérêts des familles et des élèves. Les vœux d’affectation devant être saisis entre le 5 et le 26 mai 2025, la décision définitive du tribunal au fond interviendra nécessairement après la clôture de ces choix. La conséquence : des affectations seraient mises en œuvre sur la base d’un acte potentiellement illégal.
L’urgence étant caractérisée, la rectrice ne pouvait opposer le chiffre de 24 296 affectations traitées via Affelnet pour en minimiser l’impact. Le juge note d’ailleurs que l’administration est en mesure, en cas de suspension, d’édicter rapidement une nouvelle circulaire ou un arrêté modificatif purgé de toute illégalité.
Le doute sérieux quant à la légalité de la circulaire
Le code de l’éducation (article L. 214-5) prévoit que les districts de recrutement pour les lycées doivent être définis conjointement par l’autorité académique et le conseil régional. Or, la circulaire du 10 avril 2025 modifie ces zones sans qu’un nouvel arrêté n’ait été pris en concertation avec la région. Le rectorat reconnaît qu’un arrêté est en cours de rédaction, mais qu’il n’était pas publié à la date de diffusion de la circulaire.
Ce défaut de base légale renforce le doute sérieux quant à la régularité de l’acte. Dès lors, le juge considère cette condition remplie.
Les conséquences de l’ordonnance de suspension
La suspension de la circulaire du 10 avril 2025 a pour effet de rétablir la circulaire du 29 avril 2024, qui reste applicable tant que l’arrêté du 29 mai 2024 n’a pas été modifié ou abrogé. Les données de la plateforme Affelnet devront donc être corrigées en conséquence, sous peine de maintien d’un dispositif fondé sur un acte suspendu. Or, au 15 mai 2025, la circulaire contestée restait toujours accessible sur le site « Affelnet lycées parisiens ».

SOURCE : AEF INFO

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