Les écoles d'ingénieurs encouragées à intégrer le vivant dans leurs formations

Lors du colloque annuel de la CDEFI, la transition écologique et sociétale a été au cœur des discussions. Face au dérèglement climatique et à la crise de la biodiversité, les écoles d'ingénieurs doivent reconsidérer radicalement la formation de leurs élèves.
"Les changements climatiques, la perte de biodiversité et les crises sociales croissantes exigent une action urgente. Cette crise nous pousse à imaginer de nouvelles solutions audacieuses," a déclaré Emmanuel Duflos, président de la CDEFI et directeur de l'EPF, lors d'une table ronde sur l'intégration du vivant dans les formations d'ingénieurs.
Cette conférence, organisée lors du colloque de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI) les 6 et 7 juin à Montpellier, met en lumière un sujet crucial : le besoin pour les écoles d'ingénieurs d'adopter la transition écologique.
"Les ingénieurs possèdent une légitimité grâce aux compétences acquises dans nos écoles. En collaborant avec d'autres disciplines et en intégrant les dimensions sociétales, ils peuvent aider à construire un avenir plus durable et équitable," a ajouté Emmanuel Duflos.
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L'impact du dérèglement climatique sur la biodiversité
Les experts de la table ronde ont unanimement souligné l'importance de la biodiversité, notamment dans les études d’ingénieurs. "Notre vie dépend profondément de la diversité du monde vivant," a déclaré Gilles Escarguel, responsable de l'enseignement "Climat et Transitions" à l'université Lyon 1.
Il a dressé un tableau alarmant de la trajectoire climatique mondiale, soulignant que "nous ne pouvons pas vivre sur une planète où 90% de la biodiversité a disparu. La problématique est claire : nous ne survivrons pas dans un monde appauvri en biodiversité."
Escarguel a identifié trois principaux facteurs de l'effondrement de la biodiversité : les disruptions climatiques majeures, la réduction des surfaces naturelles et l'augmentation de la fragmentation des habitats. "Depuis la révolution industrielle, près de 1 à 5% de la biodiversité terrestre a disparu définitivement, un rythme 100 fois plus rapide que la normale," a-t-il précisé.
Le rôle crucial des ingénieurs dans la lutte contre le changement climatique
Les ingénieurs doivent adopter un nouveau paradigme. "Il est urgent de réfléchir à nos usages et nos envies, et de sortir de la logique du bricolage pour aller à la racine des problèmes," a insisté Gilles Escarguel. Il a proposé de mettre au cœur des formations des élèves-ingénieurs des disciplines telles que l'histoire des sciences et de la technique, l’anthropologie et la philosophie, pour former des "ingénieurs philosophes" capables de penser l’axiologie et donner du sens à leurs actions.
Sylvie Gamelin, directrice générale d’Elan (groupe Bouygues), a ajouté que les ingénieurs doivent comprendre les dynamiques économiques et politiques de notre monde. "Ils doivent préserver le vivant tout en répondant aux exigences économiques. Nous avons besoin que les étudiants soient formés de manière pragmatique," a-t-elle affirmé.
Des initiatives exemplaires mais encore rares
Certaines écoles d'ingénieurs ont déjà pris des mesures. À l'INSA Lyon, l'enseignement des biosciences est devenu obligatoire depuis 2019, en collaboration avec le Shift Project. "Les élèves passent environ quarante heures sur ce module et participent à des activités sur le campus pour observer et comprendre la biodiversité," a expliqué Hubert Charles, professeur à l'INSA Lyon.
Cependant, toutes les écoles ne sont pas aussi engagées. "Il faut repenser radicalement la raison d’être de vos formations et de vos métiers," a insisté Gilles Escarguel. "Il ne s'agit pas de simples ajustements."
Sylvie Gamelin a ajouté que "il y a une dissonance entre la prise de conscience et les actes. Nos jeunes collaborateurs ne voient pas comment leurs actions ont un impact."
Lionel Torres, directeur de Polytech Montpellier, a reconnu que les écoles d'ingénieurs sont encore au début de leur transformation. "Nous avons encore des efforts importants à faire pour que la transition écologique soit systémique dans nos enseignements. Notre engagement doit être durable, il faut parler de formation et pas seulement de sensibilisation."
Les discussions ont soulevé de nombreuses questions sans fournir de solution unique, mais elles ont mis en évidence la nécessité d'un changement profond dans les formations des ingénieurs pour répondre aux défis écologiques actuels.

SOURCE : ÉTUDIANT

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