Harcèlement scolaire : cette spécialiste démystifie les idées reçues qui empêchent d’agir efficacement

Le harcèlement scolaire reste un fléau majeur dans les établissements scolaires, mais une approche erronée et des idées reçues freinent souvent l'efficacité des interventions. Emmanuelle Piquet, thérapeute spécialisée dans les souffrances en milieu scolaire, propose dans son ouvrage Manuel de survie face aux harceleurs des pistes concrètes pour mieux comprendre ce phénomène complexe et aider les enfants à se défendre.
Les victimes de harcèlement sont souvent silencieuses
D'après l'enquête Pisa 2022, 24 % des filles et 20 % des garçons ont déclaré être victimes de harcèlement scolaire plusieurs fois par mois. Toutefois, ce chiffre reste probablement sous-estimé, car de nombreux enfants préfèrent garder le silence par honte ou par manque de confiance envers les adultes. Emmanuelle Piquet, fondatrice des centres À 180° et Chagrin scolaire, travaille avec les enfants pour leur apprendre à développer leur confiance en eux et leur capacité à réagir face à leurs harceleurs.
La violence n'est pas la seule forme de harcèlement
L’un des préjugés les plus répandus est que le harcèlement se limite à des insultes ou des violences physiques. En réalité, il peut aussi se manifester par l'isolement social. Les enfants harcelés peuvent être ignorés, exclus des groupes, ou laissés de côté lors des activités sociales. Ce type de harcèlement est souvent plus difficile à détecter et encore plus destructeur, car il se joue en dehors de la visibilité des adultes et reste longtemps impuni. Il est donc crucial de ne pas réduire le harcèlement à une simple question de violence manifeste.
Le harcèlement ne résulte pas seulement de la différence
Beaucoup pensent que les enfants harcelés sont ceux qui se démarquent par une caractéristique physique ou comportementale jugée différente : surpoids, apparence atypique, difficultés scolaires, etc. Cependant, Emmanuelle Piquet réfute cette idée, soulignant que ce n’est pas la différence en soi qui conduit au harcèlement, mais bien la perception que cette différence crée chez l’enfant. Le harcèlement naît de la souffrance que cette différence peut entraîner, et les harceleurs sont particulièrement habiles pour repérer cette vulnérabilité.
L’intervention des adultes n’est pas toujours la solution
Lorsqu’un parent découvre que son enfant est victime de harcèlement, il peut être tenté d’intervenir directement pour protéger son enfant. Cependant, Emmanuelle Piquet met en garde contre cette approche. Intervenir de manière trop protectrice peut renforcer l’idée que l’enfant ne sait pas se défendre seul et qu’il est trop fragile. Cela peut, au contraire, aggraver la situation. Au lieu de cela, il est plus efficace de soutenir l’enfant dans le développement de sa propre capacité à faire face à l’agression.
Les enfants harcelés savent se défendre
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, les enfants victimes de harcèlement ont bien compris les enjeux de pouvoir et de domination. Ce qui les empêche de réagir est la peur et le manque de confiance. Emmanuelle Piquet leur enseigne une méthode, appelée "180°", qui consiste à changer de posture face au harcèlement : apprendre à faire preuve de courage, d'autodérision, et à inverser la dynamique de pouvoir. Cette approche permet à l’enfant de reprendre le contrôle de la situation et de se défendre sans violence, mais avec astuce et résilience.
Les harceleurs ne sont pas forcément des enfants en souffrance
Il est courant de penser que les harceleurs sont eux-mêmes des enfants en souffrance, mais Emmanuelle Piquet démontre que ce n’est pas toujours le cas. Si certains harceleurs peuvent effectivement manquer de repères, beaucoup sont bien insérés dans le milieu scolaire et n’éprouvent aucune difficulté sociale ou émotionnelle. Ce qui les motive souvent, c’est le plaisir du pouvoir et de l’emprise sur les autres. Ils trouvent une gratification narcissique à rabaisser les autres pour asseoir leur domination. Dans ce contexte, les sanctions disciplinaires n’ont que peu d’effet, car elles ne réduisent pas le plaisir qu’éprouvent les harceleurs.
Les cours d’empathie ne suffisent pas à résoudre le problème
Depuis 2024, les écoles françaises ont introduit des cours d’empathie dans le but de sensibiliser les enfants à la bienveillance et à la compréhension des émotions des autres. Cependant, Emmanuelle Piquet est sceptique quant à l’efficacité de cette approche. Selon elle, on ne peut pas imposer l’empathie à un enfant qui ne l’a pas décidé lui-même. Les enfants harcelés, quant à eux, ont besoin d’une prise en charge plus ciblée et plus profonde. L’empathie, bien que nécessaire, ne suffit pas à résoudre un problème aussi complexe que le harcèlement scolaire.
Conclusion
Le harcèlement scolaire est un phénomène complexe qui va bien au-delà des idées reçues liées à la violence et à la différence. Pour être réellement efficace dans la lutte contre ce fléau, il est essentiel de déconstruire ces préjugés et d’adopter des approches adaptées. Les enfants victimes de harcèlement doivent être soutenus dans le développement de leur confiance en eux, et les adultes doivent apprendre à les accompagner dans leur prise de pouvoir sur la situation, tout en leur permettant de se défendre de manière constructive.

SOURCE : HUFFPOST

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