Intelligence artificielle : comment bien utiliser l’outil en école d’ingénieurs ?

Les écoles d’ingénieurs prennent conscience de l’essor de l’intelligence artificielle dans les sphères professionnelles et académiques. Face à cette révolution technologique, elles s’interrogent sur la meilleure façon d’intégrer l’IA dans leurs cursus.

L’intelligence artificielle est devenue un enjeu incontournable, transformant les méthodes de travail, de communication, mais aussi d’apprentissage et d’enseignement. Pour répondre à ces défis, la Commission des titres d’ingénieur (CTI) a consacré une table ronde au sujet "IA : comment utiliser l’outil à bon escient ?" lors de son colloque annuel à l’Insa Lyon, le 4 février, quelques jours avant l’ouverture du Sommet mondial pour l’action sur l’intelligence artificielle à Paris, les 10 et 11 février.

"C’est un sujet majeur dans un monde où les technologies numériques redéfinissent en profondeur les industries et l’enseignement supérieur", souligne Claire Peyratout, présidente de la CTI. Elle insiste également sur l’importance d’inculquer aux futurs ingénieurs une approche responsable de l’IA, en intégrant des valeurs humaines aux solutions technologiques.

Former les étudiants à l’esprit critique

Les établissements d’enseignement supérieur constatent un engouement croissant de leurs étudiants pour l’intelligence artificielle, notamment l’IA générative. "Il s’agit d’une sous-branche de l’IA qui génère des textes, des sons, des images… Elle ne possède pas de raisonnement propre, mais elle fonctionne très bien", explique Yves Deville, professeur à l’École polytechnique de Louvain.

Il souligne ainsi l’importance de former les étudiants à l’esprit critique. "Nous devons les accompagner pour qu’ils utilisent l’IA de manière responsable. C’est un outil efficace pour la rédaction, la recherche ou la créativité, mais il nécessite du recul."

Face à une information, l’étudiant doit se poser des questions essentielles : d’où provient-elle ? Peut-elle être fiable ? "L’esprit critique est fondamental. Il faut encourager la réflexion et l’échange, car une pensée unique peut être nuisible", ajoute Samuel Nowakowski, maître de conférences à l’université de Lorraine.

Yves Deville met en avant trois principes à inculquer aux étudiants pour une utilisation éclairée de l’IA :

• Responsabilité : l’étudiant doit assumer l’usage des outils IA dans le cadre de ses études.
• Transparence : il doit être en mesure d’expliquer à quel moment et pourquoi il a eu recours à l’IA.
• Respect des droits d’auteur : il doit comprendre dans quelles conditions il peut utiliser des contenus tiers de manière éthique.

Repenser les pratiques pédagogiques

Les écoles d’ingénieurs doivent également adapter leur approche pédagogique et replacer l’humain au cœur de l’apprentissage. "Il est essentiel de définir les compétences que nous souhaitons évaluer chez les étudiants et d’innover malgré les contraintes", indique Samuel Nowakowski.

Les méthodes d’évaluation devront aussi évoluer. "L’IA surpasse déjà les étudiants sur certains exercices. Plutôt que d’interdire son usage, nous devons l’intégrer à notre pédagogie pour développer de nouvelles compétences", ajoute Yves Deville.

Toutefois, un écart persiste entre les compétences des étudiants et celles des enseignants en matière d’intelligence artificielle. Les étudiants, plus familiers de ces outils, évoluent dans un environnement où l’IA est omniprésente. Il est donc primordial de former les enseignants à ces technologies pour qu’ils puissent mieux accompagner leurs élèves.

Réfléchir à l’éthique et à l’environnement

D’autres aspects doivent être pris en compte, notamment l’empreinte écologique de l’IA, qui repose sur une consommation énergétique massive des centres de données. "Nous allons devoir faire face à des changements systémiques sans précédent liés aux désastres climatiques", alerte Yves Nicolas, directeur du programme AI Groupe chez Sopra Steria.

Il est également essentiel d’intégrer des valeurs éthiques et humanistes dans le développement de l’IA. "Choisir un système d’IA générative n’est pas seulement un choix technologique, c’est aussi une décision éthique, politique et sociétale. En tant qu’établissements de formation, nous devons privilégier des solutions d’IA européennes", estime Yves Deville.

Préparer les ingénieurs de demain

En définitive, les écoles d’ingénieurs ont un rôle clé à jouer dans la formation des étudiants et enseignants aux défis posés par l’intelligence artificielle. En adoptant une approche responsable et éclairée, elles contribueront à préparer les futurs professionnels aux enjeux techniques, sociétaux et environnementaux liés à l’IA.

SOURCE : L'ÉTUDIANT