Intelligence artificielle : la riposte de l'école contre la triche

L’intelligence artificielle bouleverse les habitudes scolaires. Comment les enseignants peuvent-ils s’adapter, et éviter la triche sans interdire totalement l’IA ?
Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
"Alors, pour cette activité-là, vous pourrez utiliser l’intelligence artificielle. Je n’ai pas dit que vous devez. Vous pouvez." Cette phrase, Frédéric Laujon, professeur de NSI au lycée Claude de France à Romorantin-Lanthenay (Loir-et-Cher), la prononce pour la première fois de sa carrière. Il autorise ses élèves de terminale à utiliser l’intelligence artificielle en cours de sciences informatiques.
Habituellement, il interdit l’usage de l’IA pour un devoir, mais le temps d’un exercice, ils peuvent demander à ChatGPT de les aider pour une étape de codage. Pendant des années, il a fait réaliser cet exercice à la maison. Mais depuis trois ans, l’IA s’est invitée dans le travail de ses élèves. "Les élèves n’étaient pas les auteurs de leur travail. Et ça, on le voit tout de suite", assure-t-il.
L’IA s’installe dans le quotidien des élèves
L’IA est devenue le réflexe des élèves au moment des devoirs. Tous ceux interrogés y ont eu recours au moins une fois et n’en font pas mystère. "En fait, ça marche bien", confie l’un d’eux. "J’essaie de faire moi-même, puis dès que je vois que je n’y arrive pas, je vais sortir ChatGPT. Pas tout le temps, mais…" ajoute un autre.
Pour certains, ce n’est plus une aide, mais une nécessité. "Je me dis que ça serait difficile de m’en passer puisque c’est un outil que j’ai à disposition. Ne pas l’utiliser, ce serait contraignant", admet une élève. "Je fais que de lui demander de m’aider dans mon quotidien, tout le temps", confie un autre, qui se dit "clairement plus paresseux qu’avant".
Pour Frédéric Laujon, il y a urgence : "Si on ne fait rien, ça va perdurer. Ils vont s’enliser dans cette attitude consistant à obtenir une réponse sans savoir le faire eux-mêmes. Ce qu’on veut leur apprendre, c’est à réfléchir."
L’IA s’invite même pendant les contrôles
Pour certains adolescents, l’IA fait désormais le travail à leur place, même en plein contrôle. "Je mets mon visage, je déverrouille, je reste sur l’écran. J’appuie dessus et je suis directement sur la chaîne GPT", décrit un élève de première, renommé Tristan. Il a utilisé ChatGPT toute l’année précédente, en français notamment. Il prend discrètement le sujet en photo et demande à l’IA un commentaire de texte. "Il m’a fait tout le commentaire étape par étape sur comment bien le rédiger", explique-t-il. Sa note ? 16,5.
Des classes IA pour apprendre à utiliser l’outil intelligemment
Tristan affirme avoir triché lors de 70 des 200 contrôles de l’an dernier, sans réel sentiment d’apprentissage. "On recopie bêtement ce que ChatGPT nous dit et on apprend très rarement", reconnaît-il. "Il y a des matières où je sais que je peux y arriver seul, mais en anglais par exemple, sans l’IA, j’aurais eu une note catastrophique."
Pour éviter ces dérives, l’Académie d’Orléans-Tours a lancé un projet inédit : 40 lycées ouvrent des classes IA dans différentes disciplines — maths, français, économie. Les enseignants acceptent de l’intégrer à leurs cours, comme Romain Gavalda, professeur d’histoire-géographie, inquiet d’une baisse de mémorisation. "On se demande comment faire. Écrire à la main, ça permet de mieux assimiler. Si c’est ChatGPT qui le fait, il ne reste rien dans la mémoire", souligne-t-il.
Dans ces classes, les enseignants apprennent aux élèves à utiliser l’IA correctement. Christelle Proisy, professeure de lettres, veut leur montrer qu’il faut bien connaître son sujet pour obtenir des résultats pertinents. Ses élèves doivent formuler un prompt pour générer un poème typique du XVIe siècle, appelé blason, louant une partie du corps féminin. "Vous avez été ordonné par le roi de créer le meilleur sonnet que vous ayez jamais écrit", a notamment demandé un élève.
Former enseignants et élèves à l’intelligence artificielle
Deux IA proposent chacune un poème selon le prompt. À première vue, c’est réussi. Mais aucune ne mentionne le corps féminin. "Il ne s’agit pas d’un blason poétique. Si vous recopiez ces sonnets sans réfléchir, vous seriez à côté de la plaque", explique Christelle Proisy. "Je pense que c’est bien parce que ça permet de voir autrement le français grâce à l’IA. Ça peut aider à mieux apprendre, même dans d’autres matières", ajoute-t-elle.
Depuis trois ans, Christelle Proisy se forme pour mieux maîtriser l’intelligence artificielle. "Il fallait s’en emparer pour ne pas la subir, rendre les élèves conscients de ses possibilités, mais aussi de ses limites et des règles à respecter", explique-t-elle. En France, 80 % des lycéens utiliseraient l’IA contre seulement 20 % des enseignants.

SOURCE : franceinfo.fr

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