Jacques Attali : "L'université est-elle condamnée à disparaître ?"

L’entreprise devient peu à peu "subrepticement" le cadre de l’enseignement supérieur, avertit Jacques Attali dans un texte publié le 4 octobre 2024 intitulé L’université est-elle condamnée à disparaître ?. Selon lui, cela pourrait mener à "l’effondrement des systèmes d’enseignement supérieur", qui perdraient alors leurs meilleurs élèves, enseignants, ainsi que des sources de revenus. Cette évolution a débuté dans les pays anglo-saxons. Comment l'éviter ? Attali propose une solution : "faire de l’université un lieu de formation d’excellence sur des sujets fondamentaux", en insistant particulièrement sur l’enseignement des sciences et la recherche fondamentale.
Une transformation silencieuse
Dans ce texte, Jacques Attali, président d’Attali Associates, pose une question essentielle : "Refuse-t-on de voir ce qui est en train d’arriver mondialement aux universités et aux grandes écoles ?". D'abord, "à l’exception de quelques-unes, très bien dotées, les universités souffrent d’une faiblesse structurelle de financement, particulièrement dans les pays émergents". De plus, une part croissante des cursus, "dans pratiquement tous les domaines", inclut des stages en entreprise, ce qui rapproche l’enseignement supérieur de la formation professionnelle.
Les entreprises en première ligne
Une évolution plus récente concerne les entreprises qui, dans de nombreux pays, particulièrement ceux où les études sont financées par les étudiants, incitent les meilleurs lycéens à ne pas s’endetter pour entrer à l’université. À la place, elles leur proposent de les embaucher immédiatement, de les former, et de les rémunérer. Ces entreprises argumentent que les universités "ne peuvent pas rivaliser en termes de compétences dans les technologies de pointe". Cela donne naissance à des programmes de formation supérieure directement au sein des entreprises.
Des universités sans professeurs
Jacques Attali note aussi l’apparition de "universités sans professeurs", où les élèves s’auto-forment, encadrés de manière distante. On voit également émerger des universités privées, virtuelles, sans existence physique, délivrant des diplômes basés sur des stages en entreprise. L’entreprise devient alors "subrepticement le cadre, d’abord partiel, puis total, de l’enseignement supérieur", ce qui pourrait entraîner "l’effondrement des systèmes universitaires", avec la perte des meilleurs talents et des ressources financières.
Un pas reste à franchir, "et il le sera d’une manière ou d’une autre" : la création de cursus entièrement réservés "aux futurs employés d’une entreprise spécifique, qui les financerait et rémunérerait les meilleurs étudiants pour garantir leurs services après l’obtention de leur diplôme".
Vers une université d’entreprise
Les grandes entreprises qui se lanceront dans cette voie "auront tout à y gagner, en formant exactement ceux dont elles ont besoin". Quant aux universités, elles pourraient bénéficier de nouveaux revenus, surtout dans les pays où l’État peine à financer l’éducation. Elles deviendraient alors progressivement "des universités d’entreprise".
Une perte de l’essence universitaire
Cependant, cette évolution soulève de nombreuses questions : "Comment accepter que l’université ne soit plus qu’un lieu de formation pour les employés d’une entreprise, qui définirait le contenu des cours ? Comment courir le risque que l’université devienne un simple centre de formation utilitariste, où les étudiants seront abandonnés dès que leurs compétences deviendront obsolètes ? Comment accepter que l’entreprise ait un mot à dire dans le recrutement des enseignants, et ainsi perdre l’autonomie, l’universalisme, la liberté d’expression et de recherche qui sont l’essence même de l’université ?"
Une évolution inévitable ?
Pour Attali, "tout est en place pour que cette évolution se produise" : d’abord dans les universités privées, qui dépendent des frais d’inscription et des dons d’anciens élèves, et dans les pays anglo-saxons, où la formation est plus utilitariste. Certaines entreprises anticipent même cette transformation dans une vision à long terme, sur trente à quarante ans.
Attali prévient que cette tendance gagnera également l’Europe et la France. "Ce n’est pas en se crispant sur les acquis que l’on évitera cette évolution. C’est en faisant de l’université un lieu de formation d’excellence sur des sujets fondamentaux, de long terme, que nous pourrons préserver son rôle unique. La spécificité de l’université réside dans la ‘glorieuse inutilité créatrice’ de la découverte et de sa transmission. Seuls des États clairvoyants, stratégiques, et démocratiques pourront garantir cette autonomie. Où sont-ils ?"

SOURCE : AEF INFO

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