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ÉDUCATION
20
September 2024

Monsieur Barnier, il y a urgence à s'occuper des jeunes

Malgré les changements fréquents de ministres de l'Éducation, rien de concret n'est entrepris par les responsables politiques pour contrer la dégradation du niveau scolaire, la domination des écrans ou l'anxiété des élèves, déplorent l'actrice Isabelle Carré et la journaliste Delphine Saubaber, soutenues par de nombreuses personnalités. Nous fonçons droit dans le mur, et nous entraînons avec nous nos enfants. L’éducation et la jeunesse ont été les grands oubliés de la campagne des dernières élections législatives, et la rentrée s’est faite avec une ministre sur le départ.

Refonder l'école en profondeur

Conscients de l’ampleur du problème, nous avons décidé de faire appel aux responsables politiques. Lors de la dernière rentrée, nous avons publié une tribune dans Le Monde, adressée à Gabriel Attal, alors ministre de l'Éducation. Nous y appelions à un soutien fort pour refonder l’école en profondeur, afin qu’elle retrouve sa place de pilier pour nos enfants et notre nation. Nous proposons de réduire le nombre d’élèves par classe, et de réhabiliter l’écrit dès le primaire dans une dimension citoyenne, philosophique et sociétale quotidienne. L'objectif est de former des individus libres, capables de réfléchir, empathiques, dans un monde de plus en plus complexe et bouleversé par les changements climatiques.

Le texte, signé par une centaine de personnalités telles qu’Élisabeth Badinter, Jacques Attali ou Grand Corps Malade, mettait en lumière la combinaison inédite de trois phénomènes : la baisse du niveau en lecture et en écriture, la domination des écrans sur les jeunes esprits, et l’essor rapide de l’intelligence artificielle, qui rédige déjà les devoirs des collégiens.

L’année dernière, nous avons animé des ateliers d’écriture pour des enfants de 8 à 15 ans, du sud de la France à la banlieue parisienne, avec pour thème le monde de demain. Les textes reflétaient une grande noirceur, une lucidité frappante et une anxiété alarmante chez les jeunes. Depuis, nous avons renouvelé ces ateliers, et le constat reste le même. Quand les enfants parlent de demain, ils parlent en fait de notre monde actuel.

Quelques titres de textes d’enfants de 11 ans illustrent cette sombre vision : « La planète du malheur », « Le monde à l’envers », « Journal d’un mort », « Un monde vide », « La planète jeux vidéo », « La politique va nous détruire ». Dans leurs projections pour l’an 5000, la Terre a disparu, balayée par les changements climatiques, et la vie humaine est dominée par la robotisation. L’humanité a été chassée de la Terre, et vit désormais sur une autre planète où les individus se vendent entre eux. Ailleurs, les gens portent des casques jour et nuit, et les retirer signifie aller en prison. Dans ce monde, la douleur n’existe plus, car tout est devenu virtuel.

Aujourd’hui, il est possible pour un enfant de 8 ans de voir des vidéos pornographiques ou même un viol sur certains réseaux sociaux. Va-t-on encore longtemps détourner le regard ? Quand aurons-nous une véritable campagne nationale sur les dangers des écrans, similaire à celle contre le tabac ?

Où était la jeunesse dans les débats des dernières élections ? Pourquoi l’éducation n’a-t-elle pas été une priorité, aux côtés du pouvoir d’achat, de l’immigration ou des retraites ?

Qui, demain, parlera à nos jeunes et leur tracera un chemin ? Devons-nous encore rappeler l’état alarmant de la santé mentale de la jeunesse, que le Sénat veut d’ailleurs ériger en grande cause nationale ?

Les mots du résistant Claude Alphandéry, âgé de 101 ans et aujourd’hui disparu, résonnaient fortement lors d’un événement où la voix des enfants et d’autres personnalités comme la philosophe Cynthia Fleury ou le rappeur Oli, portaient un message fort. Pourtant, cet événement n’a trouvé aucun écho politique.

Lire et écrire, c’est apprendre à penser, c’est se confronter à la pensée des autres, c’est développer son esprit critique. C’est se créer un monde intérieur.

Comme l’a dit Alain Bentolila, lire et écrire, c’est répondre à la question que l’humanité a mis des centaines de milliers d’années à formuler : « Que suis-je ? ».

Un an a passé. Rien n’a changé. Ou plutôt, si. Nous avons vu défiler quatre ministres de l’Éducation – bientôt cinq – dont une, également chargée des JO, n’est restée en poste que 28 jours. Nous n’avons eu que des annonces creuses, des formules vides emportées par l’instantanéité médiatique. Que signifie le « choc des savoirs » ? Les savoirs doivent-ils être « choqués » ? Ou bien s’agit-il des élèves eux-mêmes ? Que pensent les enseignants, les parents, et les élèves, conscients que leur avenir est en jeu dans cette valse à mille temps ?

Des postes manquants, des programmes confus

Les ministres de l’Éducation passent, mais l’école reste. Les enseignants et les élèves aussi. Avec des postes non pourvus, des vocations en déclin, des inégalités flagrantes, des programmes surchargés et confus, et des évaluations incessantes dès le primaire. Tout comme l’hôpital, l’école traverse une crise qui ne cesse de s’amplifier.

Pour Gabriel Attal, l’école est « la mère des batailles ». Pour Emmanuel Macron, il s’agit de « servir nos enfants et notre jeunesse ». Mais l’école n’est pas une agence de communication. Elle a besoin d’une vision, d’une confiance et d’un renouveau dans un monde où les progrès rapides laissent peu de place à la réflexion sur un chemin commun dans des sociétés de plus en plus fracturées.

Il est urgent de former les adultes de demain, nos futurs décideurs.

Il est urgent de leur donner les outils pour devenir des individus réfléchis, et pas seulement des élèves dans un système conçu pour des enfants d’un autre temps. Où est la voix de la jeunesse dans ce brouhaha où l’on ne parle que de sécurité, d’inflation, ou de retraites ?

Si nous ne plaçons pas l’éducation au cœur des priorités, si nous n’élevons pas des individus libres et critiques, comment ces autres enjeux trouveront-ils leur place dans une société en proie à des violences de plus en plus fréquentes ?

Les ministres changent, mais l’école reste. Les enfants aussi. Qu'en dites-vous, monsieur Barnier ?

SOURCE : LIBÉRATION

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