On choisit pharmacie par défaut : pourquoi les étudiants délaissent la filière

Près de 300 places étaient vacantes en deuxième année de pharmacie à la rentrée 2024. « Beaucoup de lycéens ou d'étudiants ont une profonde méconnaissance de la pharmacie. Ils vont vous dire : “Ouais, ouais, vous vendez des boîtes de médicaments”. C’est un peu énervant quand on étudie soi-même dans cette filière. » Étudiante en cinquième année de pharmacie à Lyon, Meije se désole du manque d’attractivité dont souffre la filière qu’elle a choisie.
À la rentrée 2024, 293 places restaient vacantes en deuxième année d'études de pharmacie, selon la récente annonce de la conférence des doyens de pharmacie. Ce chiffre, qui était de 1000 en 2022, est passé à un peu moins de 500 en 2023, montrant ainsi une diminution continue. « Mais depuis la réforme PASS/LAS, il manque un total de 1800 futurs pharmaciens sur les bancs de la faculté, ce qui se traduira par un manque dans la profession à l'avenir », souligne Vincent Lisowski, président de la conférence.
Un système qui suscite des critiques
Au premier rang des causes pointées par les acteurs de la filière, le système Pass/LAS, introduit par la réforme de l'entrée dans les études de santé (REES) de 2020. Au lieu de l'ancienne Paces, les bacheliers doivent désormais choisir entre deux voies : le Pass (parcours d'accès spécifique santé), qui propose un tronc commun proche de l’ancienne Paces avec une mineure dans une autre discipline (droit, histoire, langues, etc.), ou la LAS (licence accès santé), qui combine une licence classique avec une mineure santé commune.
« C'est devenu illisible, estime Vincent Lisowski. En sortant du lycée, vous devez choisir entre Pass et LAS, avec presque autant de LAS que de licences dans votre université. » En conséquence, de nombreux bacheliers motivés par les métiers de la pharmacie préfèrent s’expatrier dans d’autres pays européens pour effectuer leurs études avant de revenir exercer en France, selon un communiqué de la conférence des doyens.
Un autre problème lié à la réforme est le niveau disparate en deuxième année entre les étudiants issus de Pass et ceux de LAS. « Les étudiants venant de première année de LAS Chimie avec une mineure santé n’ont pas le même niveau que ceux de Pass. Les connaissances acquises ne sont pas les mêmes, et ceux de Pass font face à une charge de travail plus intense », explique Meije.
Le besoin de faire connaître la filière
Pour les représentants des étudiants, la réforme présente des défauts, mais le principal défi reste de faire connaître la filière et ses nombreux débouchés. « Il y a une mauvaise connaissance du métier de pharmacien, s’indigne Valentin Masseron, étudiant en cinquième année à Toulouse et porte-parole de l’ANEPF (Association nationale des étudiants en pharmacie de France). Le grand public ignore qu’il existe 200 métiers en pharmacie hospitalière, en biologie médicale, en radio pharmacie, sans oublier l’industrie, la recherche, ou l’enseignement. Il y a même des pharmaciens journalistes ! »
Une question de salaires
Au-delà de la réforme, faut-il évoquer les salaires pour expliquer la réticence des étudiants à s’engager en pharmacie ? Les rémunérations varient considérablement selon les métiers. En officine, cette question salariale était au cœur des revendications des pharmaciens, lors d’une grève de 80 % de la profession en mai dernier.
En 2014, la Drees (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques) estimait que le salaire d’un titulaire d’officine variait entre 59.000 et 120.000 euros brut annuels (soit entre 4900 et 10 000 euros par mois). Pour les adjoints, les salaires vont de 3000 à 6000 euros par mois, tandis que pour un préparateur, ils varient de 1700 à 2536 euros.
Les doyens souhaitent promouvoir la filière, mais remettent en question le principe d’une première année commune aux études médicales et pharmaceutiques. Selon eux, le problème remonte plus loin que la réforme de 2020. « Depuis la mise en place de la PACES en 2010, beaucoup choisissent pharmacie par défaut, souvent sous pression familiale, sans savoir ce qui les attend », plaide Vincent Lisowski. « Avec l'Ordre des pharmaciens, nous voulons que les jeunes choisissant notre filière le fassent pour les bonnes raisons. »
Une solution post-bac pour la filière pharmacie
Les doyens proposent un recrutement post-bac en études de pharmacie via Parcoursup. « Lors des journées portes ouvertes, de nombreux lycéens expriment leur désir de faire pharmacie, mais on ne les retrouve pas ensuite sur les bancs de la faculté, explique Vincent Lisowski. Ils devraient pouvoir entrer directement en études de pharmacie après le bac. Cela semble plus agile et moins traumatisant. Les choses seraient claires dès la terminale : “oui, tu intègres pharma”, ou “non tu n'es pas accepté, mais tu as neuf autres vœux”. Nous ne voulons plus de la sélection par la douleur du Pass, comme de la Paces. Nous ne visons pas seulement les jeunes ayant 18/20 de moyenne, mais ceux qui ont vraiment envie d’être sur les bancs de la faculté de pharmacie. »
Des étudiants partagés sur la réforme
Cependant, cette proposition n’est pas soutenue par les représentants d’étudiants. « Pour nous, il est essentiel de maintenir une première année commune d'accès dans les études de santé », souligne Valentin Masseron. Dans un sondage réalisé en mars 2023 par l’ANEFP, plus de 50 % des étudiants de pharmacie affirmaient qu’ils n’auraient pas choisi cette filière dès le lycée. « Beaucoup choisissent par défaut mais s’épanouissent en pharmacie », note Valentin Masseron.
L’association étudiante défend plutôt une évolution de la réforme de 2020. « Nous soutenons la création d’une licence en trois ans qui permette l’accès aux études de santé dès la première année ou en deuxième année. Cela maintiendrait l’objectif de diversification des profils visé par la réforme Pass/LAS, tout en réduisant le gâchis humain. Les étudiants qui échoueraient à intégrer les études de santé auraient quand même validé plusieurs années de licence. »
Une menace de déserts pharmaceutiques
Cette crise des vocations pourrait entraîner la création de déserts pharmaceutiques, dans un pays déjà touché par les déserts médicaux. En réalité, la démographie de la profession posait déjà problème avant la mise en place de la réforme Pass/LAS. Bien que le nombre de pharmaciens soit relativement stable depuis une décennie, il a augmenté de 1,8 % durant cette période, selon le panorama annuel de la démographie de la profession publié par l'Ordre des pharmaciens en 2023.
Cependant, ce chiffre peut masquer d’importants écarts au sein de la profession. En France, le manque de pharmaciens en officine est alarmant. En 2023, l'Ordre en dénombrait 24.596, soit une baisse de 10,7 % sur les dix dernières années. L’insuffisance du renouvellement des générations se traduit par des difficultés de recrutement. Selon une enquête de la Fédération des syndicats pharmaceutiques publiée en décembre 2023, 50 % des pharmaciens ont des difficultés à embaucher, même s’ils proposent majoritairement des postes en CDI et à temps complet.
Ce métier se classe même au neuvième rang des professions où les recrutements sont les plus difficiles, selon la dernière enquête annuelle sur les besoins de main-d'œuvre publiée par France Travail. Enfin, il est préoccupant de constater que la population de pharmaciens est vieillissante. En 2023, près de la moitié des titulaires d'officine avaient plus de 50 ans, et 21 % avaient plus de 60 ans, contre 14,9 % en 2013.

SOURCE : LE FIGARO ÉTUDIANT

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