Pourquoi l'université de Rennes a créé sa propre intelligence artificielle

Fini le temps où l'on interdisait l'utilisation de l'intelligence artificielle dans les travaux universitaires. L'université de Rennes a même adopté une charte encourageant la curiosité envers cette révolution technologique. Mieux encore, elle a développé son propre outil d'IA, RAGaRenn, pour protéger ses données et limiter son impact environnemental.

Intégrer l'ia dans les pratiques pédagogiques

Rechercher des traces d'intelligence artificielle dans une copie trop bien rédigée appartient désormais au passé. Si l'IA générative soulève des défis pour l'éducation, notamment en matière de rédaction et d'accès aux connaissances, l'enseignement supérieur a décidé d'en faire un atout en l'intégrant dans les méthodes pédagogiques.

"C'est comme la calculette", explique Olivier Wong-Hee-Kam, vice-président de l'université de Rennes en charge du numérique et enseignant à l'IUT de Rennes. "On a arrêté de demander aux étudiants de faire des calculs à la maison parce qu'ils utilisaient tous des calculatrices performantes. On a donc adapté la pédagogie." L'IA générative est ainsi comparée à une "calculette de mots", une métaphore qui illustre bien son rôle.

Utiliser l'ia, mais de manière encadrée

Loin d'être interdite, l'utilisation de l'IA est même encouragée, mais elle est soumise à une charte qui entrera en vigueur dès la prochaine année universitaire. Cette charte repose sur quatre principes fondamentaux : la curiosité scientifique, la transparence, la précaution et la parcimonie.

"On pourra faire la distinction entre une simple retouche de forme, qui ne modifie pas le contenu scientifique, et une production scientifique où l'IA joue un rôle clé dans la découverte", précise Olivier Wong-Hee-Kam. "Par exemple, si un étudiant utilise AlphaFold, un projet d'IA permettant le repliement de molécules, il devra mentionner la technologie employée et vérifier ses résultats par des expérimentations physiques."

Si l'IA générative excelle dans certains domaines textuels, elle montre encore des limites pour d'autres. "Certains étudiants pragmatiques préfèrent ne pas perdre de temps à formuler une requête", constate Olivier Wong-Hee-Kam. "Nous ne sommes plus dans une phase où l'on essaie de tout faire avec ces IA."

Une ia de confiance au service de l'université

L'université a franchi un cap en lançant, en mars 2024, son propre outil d'intelligence artificielle. Pas question de créer un concurrent à ChatGPT ou Perplexity, mais de déployer une solution adaptée aux besoins internes. "Nous avons mis en place un outil d'IA générative capable de réaliser du RAG sur nos documents internes, à destination de nos personnels", résume Olivier Wong-Hee-Kam. RAG, pour "Retrieval-Augmented Generation", signifie que l'IA utilise des sources spécifiques fournies par l'utilisateur, garantissant ainsi un usage contrôlé. D'où son nom : RAGaRenn.

Cet outil permet aux personnels de l'université d'expérimenter l'IA en toute confiance sur des données qu'ils manipulent quotidiennement, comme les informations personnelles des étudiants, les données administratives et les travaux de recherche. Grâce à cette approche, les informations restent sécurisées au sein de l'établissement, d'autant que la Bretagne dispose de son propre data center, Eskemm data, dédié à l'enseignement supérieur. Avec environ 600 utilisateurs réguliers, le taux de satisfaction atteint entre 70 % et 80 %.

Un impact environnemental maîtrisé

Contrairement aux modèles propriétaires comme ceux de ChatGPT ou Claude, RAGaRenn repose sur plusieurs modèles open source que les utilisateurs peuvent choisir en fonction de leurs besoins. "Nous mettons à disposition des modèles adaptés à des problématiques spécifiques, comme la programmation informatique, le domaine biomédical ou encore le corpus juridique et administratif", explique Olivier Wong-Hee-Kam. "Je ne vais pas activer un modèle énorme qui consomme beaucoup pour simplement reformuler un mail."

L'université travaille également sur l'évaluation de l'empreinte carbone de son IA, à l'image du projet gouvernemental Compar:IA. La sobriété énergétique, la gestion budgétaire, la robustesse et la fiabilité sont autant d'objectifs visés par cette initiative, qui sera présentée aux Défis Convergence, un programme gouvernemental dédié à l'IA.

En développant RAGaRenn, l'université de Rennes montre que l'IA peut être un outil puissant, mais aussi responsable et adapté aux enjeux académiques et environnementaux.

SOURCE : FRANCE 3