Se reconvertir vers l'enseignement : les motivations des nouveaux professeurs

Alors que les concours enseignants peinent à attirer des candidats depuis quelques années, ils séduisent de plus en plus un public de professionnels en reconversion, en quête de sens dans une deuxième carrière ou désireux d’être utiles à la collectivité. Comment leurs expériences passées influencent-elles leur vision du métier ? Exploration des liens entre motivations et réalité du terrain.

Une pénurie de postes non pourvus

Cette année encore, environ 3 200 postes n’ont pas trouvé preneurs aux concours enseignants. Bien qu’on observe une légère amélioration du taux de postes pourvus, cette tendance se confirme surtout dans le primaire, avec une situation plus contrastée dans le secondaire.

Face à cette pénurie, la gestion politique vise à élargir le vivier traditionnel de candidats aux concours, en ciblant notamment des personnes ayant déjà une expérience professionnelle avant de se lancer dans l’enseignement.

Un phénomène en expansion

Le nombre de professionnels en reconversion choisissant l’enseignement n’est pas anecdotique. Ils sont particulièrement nombreux dans le premier degré (18 % contre 9 % dans le secondaire) et représentent une part croissante des candidats et admis aux concours.

Alors que les étudiants sont de moins en moins attirés par l’enseignement (-4 points dans le secondaire entre 2013 et 2020), la part des professionnels en reconversion a été multipliée par 1,5 entre 2013 et 2020, malgré le risque de déclassement social et économique. Qu’est-ce qui attire ces professionnels vers un métier dont l’image est actuellement dégradée en France ?

Les raisons de rejoindre le métier influencent l’engagement des enseignants

Le choix de devenir enseignant est complexe et repose sur plusieurs motivations. Trois grands types de motivations ont été identifiés.

D’abord, certaines raisons sont liées aux conditions d’exercice du métier (vacances, salaire, conciliation entre vie familiale et professionnelle). Ensuite, d’autres motivations sont en rapport avec l’intérêt pour l’activité d’enseignement elle-même, ou pour la matière enseignée. Enfin, il existe des motivations altruistes, c’est-à-dire une recherche d’un rôle utile à la collectivité.

Les enseignants qui rejoignent le métier pour des raisons liées à l’activité ou à un engagement social tendent à fournir davantage d’efforts et à être plus impliqués. En revanche, ceux qui choisissent le métier pour des raisons extrinsèques, comme par défaut ou pour des avantages matériels, sont généralement moins satisfaits et moins engagés.

Enseignants reconvertis : un sens accru de l’engagement

Les enseignants issus d’un parcours traditionnel et ceux en reconversion accordent la même importance aux motivations adaptées au métier, comme l’intérêt pour l’enseignement et la volonté d’avoir un impact social.

Cependant, les enseignants en reconversion déclarent moins de motivations « inadaptées » (comme les vacances ou le salaire) que les enseignants traditionnels. Ils semblent donc faire preuve d’un plus grand engagement professionnel, rejoignant le métier pour des raisons intrinsèques plutôt que pour les seuls avantages offerts, tels que la sécurité de l’emploi.

Cela pourrait s’expliquer par le fait que les personnes en reconversion, souvent plus âgées et financièrement stables grâce à un second revenu, sont moins contraintes de choisir un métier pour des raisons purement économiques.

Des expériences antérieures protectrices face aux difficultés

Malgré les défis spécifiques qu’ils rencontrent à l’entrée dans le métier, les enseignants en reconversion bénéficient de certains avantages qui les protègent des difficultés généralement rencontrées.

Par exemple, alors que l’enthousiasme pour les valeurs altruistes de l’enseignement (comme la réduction des inégalités) diminue avec les années, les enseignants en reconversion sont moins touchés par cette désillusion. De plus, le choix du métier « par défaut » semble avoir moins d’impact négatif sur eux que sur les autres.

Leurs expériences professionnelles antérieures leur permettent d’aborder les contraintes du métier avec plus de recul. Ce regard plus distant, moins vocationnel, les aide à faire des choix plus rationnels et contribue à leur bien-être et à leur engagement dans le métier.

Prendre en compte le parcours professionnel précédent

Les motivations des enseignants en reconversion sont variées, et certaines caractéristiques de leur carrière antérieure influencent leur perception de l’enseignement.

Par exemple, ceux issus de professions orientées vers autrui (comme la santé, le travail social ou l’éducation) rejoignent davantage l’enseignement pour des raisons altruistes. Pour eux, le choix du métier est une continuité plutôt qu’un changement radical. D’autres, au contraire, cherchent une rupture avec leur ancienne profession, en quête de sens et de satisfaction professionnelle.

Dans tous les cas, les enseignants reconvertis représentent un atout pour l’éducation. Il est donc essentiel de valoriser leur parcours et de les accompagner dans leur formation pour maximiser leur potentiel et rendre le métier plus attractif à leurs yeux.

SOURCE : THE CONVERSATION