Sécurité des établissements scolaires : toujours plus de dispositifs de contrôle ?

Alors que le numérique ouvre la classe au monde, les établissements scolaires renforcent leurs protections. L'objectif affiché est d'assurer la sécurité des élèves. Mais la multiplication de portails, grilles, tourniquets, sas, badges, caméras est-elle vraiment synonyme de protection ? Sécuriser signifie-t-il toujours plus de sécurité ?

L'un des objectifs prioritaires d'Anne Genetet, actuelle ministre de l'Éducation nationale, est de "sécuriser les établissements pour que demain, l'école soit sûre pour tous les élèves et les enseignants".

Une école sûre : quel sens derrière ce concept ?

Une école sûre, c'est une école préservée des dangers : un objectif difficile à contester. Mais le renforcement des dispositifs et technologies de contrôle garantit-il réellement cette sécurité ?

L'architecture scolaire : un héritage historique

Pour comprendre comment les relations entre établissements scolaires et environnements se sont construites, il faut remonter à la fin du XIXe siècle. L'architecture et les recommandations officielles préconisent alors la séparation des écoles du monde extérieur, perçu comme une menace, surtout en milieu urbain. Murs, grilles, haies sont autant de barrières pour couper les écoles de ce qui les entoure.

Michel Foucault, dans Surveiller et punir (1975), note que la clôture est une caractéristique des institutions disciplinaires, dont font partie les écoles selon lui. Cette séparation s'assouplit après mai 1968, avec des établissements plus ouverts, où l'extérieur est vu comme une ressource.

De la sécurité à la sécurisation

Dans ce contexte, l'idée de "sécurisation" se développe. Apparue en 1968 selon le Dictionnaire historique de la langue française, la sécurisation désigne d'abord un sentiment de protection, avant de devenir une action visant à sécuriser un espace, virtuel ou physique.

Dans les écoles, cette sécurisation se traduit par des dispositifs matériels combinant clôture et contrôle : portails, grilles, tourniquets, badges, caméras. Demain, peut-être, des caméras thermiques et des dispositifs de reconnaissance faciale. Ce mouvement, en place depuis trente ans, semble inéluctable, mais est-il justifié et efficace ?

Des enjeux de société

Il est souvent plus simple d'agir sur nos peurs que de mobiliser la raison et les recherches scientifiques. Les actions spectaculaires et les mesures de sécurité visibles relèvent parfois de stratégies politiques. En écho à cela, Éric Debarbieux et Benjamin Moignard dénoncent l'inefficacité de la fermeture physique des écoles, la violence d'intrusion étant rare.

La question de la sécurité dans les écoles a été déléguée à des spécialistes de la protection et des situations d'urgence. Mais ces enjeux dépassent le cadre technique et renvoient à des questions éducatives et sociétales plus vastes. Qu'une porte soit ouverte ou fermée n'est pas anodin, tout comme la délégation de la surveillance à une caméra.

Pour une sécurité réappropriée par la communauté éducative

Les espaces dans les écoles sont aussi politiques, et les enjeux spatiaux sont liés aux enjeux éducatifs. La communauté éducative doit se réapproprier les questions de sécurité et de violence à l'école, qui ne peuvent être résolues uniquement par des mesures sécuritaires. La sécurité des élèves et des personnels passe avant tout par une présence humaine accrue, la confiance, et le dialogue.

SOURCE : THE CONVERSATION