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ÉDUCATION
8
July 2025

Augmenter le nombre d’étudiants n'améliore pas forcément richesse et emploi (étude Paxter)

Plus d’étudiants, moins d’emploi ? Une étude remet en question le lien entre enseignement supérieur et développement économique

Contrairement aux idées reçues, augmenter le nombre d’étudiants dans un pays développé ne garantit ni plus de richesse, ni une meilleure insertion professionnelle. C’est ce que révèle une vaste étude menée par la société de conseil Paxter, dévoilée le 2 juillet 2025. Réalisée sur plus de 80 pays, l’enquête établit que le lien entre développement économique et accès à l’enseignement supérieur se dissout dès qu’un pays atteint un certain niveau de vie.

"Ce constat a été une surprise, il va à l’encontre de ce qu’on entend depuis 25 ans", explique Pierre Tapie, coauteur de l’étude et ancien directeur général de l’ESSEC.

Une corrélation réelle… jusqu’à un seuil

D’après les données de l’étude, dans les pays où le PIB par habitant est inférieur à 15 000 dollars, la relation est claire : plus un pays élève son taux d’accès à l’enseignement supérieur, plus son niveau de richesse augmente (corrélation de 0,78). En revanche, au-delà de ce seuil, cette dynamique disparaît. Exemple frappant : la France et la Finlande affichent des PIB comparables, mais des taux d’accès à l’enseignement supérieur très différents, sans impact mesurable sur leur performance économique respective.

Diplôme en main, chômage au tournant

L’origine de l’étude remonte à une observation lors du Printemps arabe en 2011 : dans ces pays, les jeunes diplômés étaient davantage au chômage que les jeunes non diplômés. Un paradoxe qui a éveillé la curiosité des auteurs. Depuis, les données confirment le phénomène ailleurs, y compris en Europe.

En France, les jeunes diplômés restent plus protégés que les non-diplômés, mais leur taux de chômage reste élevé : 14 %, contre 17 % pour les non-diplômés. Et plus globalement, l’étude montre que dans les pays riches, augmenter le taux de diplômés peut faire grimper le chômage général, en rendant les non-diplômés encore plus vulnérables. "Augmenter l’accès à l’enseignement supérieur peut déqualifier les non-diplômés", résume Pierre Tapie.

Cinq groupes de pays, cinq modèles

Grâce à une analyse par intelligence artificielle, l’étude distingue cinq clusters de pays aux dynamiques distinctes :

  • Cluster A : pays pauvres (ex. : Mali, Népal), faible accès à l’enseignement supérieur, chômage élevé surtout chez les diplômés.
  • Cluster B : pays émergents (ex. : Mexique, Chine), accès intermédiaire, chômage plus élevé chez les diplômés que chez les non-diplômés.
  • Cluster C : Europe du Sud (ex. : Espagne, Italie), accès élevé, diplômés globalement favorisés, mais jeunes diplômés pénalisés, souvent contraints à l’émigration.
  • Cluster D : pays comme la France, au fort accès universitaire (70 %) mais chômage des jeunes toujours élevé.
  • Cluster E : pays les plus riches (ex. : Suisse, Allemagne, États-Unis), accès universitaire plus modéré (58 %) mais chômage faible et bien réparti entre diplômés et non-diplômés.

Le modèle français en question

La France est à la croisée des chemins, selon les auteurs. Elle pourrait évoluer vers le modèle du cluster E, où la réussite économique passe autant par les filières générales que professionnelles. Mais elle risque aussi de rester coincée dans une dynamique à l’italienne ou à l’espagnole, avec un chômage structurel élevé chez les jeunes, en particulier les diplômés.

Pour Pierre Tapie, le problème est culturel : "En France, on ne choisit pas l’enseignement professionnel, on y est mis. Ce choix subi nourrit une perception négative et injuste de ces filières."

Réhabiliter l’enseignement professionnel

L’étude insiste sur l’importance de valoriser les formations techniques et professionnelles. En Suisse, par exemple, un jeune peut devenir "ouvrier supérieur" après une formation de quatre ans mêlant apprentissage et spécialisation, à mi-chemin entre un bac pro et un BTS. Ce modèle, qui permet des passerelles entre filières, assure une meilleure employabilité.

"Depuis les Lumières, la France valorise l’abstraction. Les filières nobles sont celles qui cultivent le raisonnement théorique. Cela crée un biais profond dans notre manière de penser l’éducation", analyse Pierre Aliphat, coauteur de l’étude.

Autonomie des universités et réforme du bac

Pour réformer efficacement le système, les auteurs plaident pour une autonomie accrue des universités, afin qu’elles puissent orienter plus justement les bacheliers. Aujourd’hui, seuls 4 % des bacheliers professionnels réussissent leur licence, un chiffre jugé "inacceptable" par Pierre Tapie. Il propose également de revoir le fonctionnement du baccalauréat, dont les notes, fortement influencées par le contrôle continu, ne reflètent plus toujours la réalité des compétences.

SOURCE : AEFINFO

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