"ChatGPT nous oblige à redéfinir notre métier" : un professeur d’histoire-géo spécialisé en intelligence artificielle

Depuis 2022, l’intelligence artificielle, ChatGPT en tête, bouleverse les pratiques et oblige les enseignants à modifier leur approche. Rencontre avec Mickaël Bertrand, professeur d’histoire-géographie et d’éducation aux médias au lycée Charles de Gaulle à Dijon, spécialiste de la question.
Des modules d’apprentissage de l’IA au lycée
À Dijon, Mickaël Bertrand, professeur d’histoire-géographie et d’éducation aux médias au lycée européen Charles de Gaulle, a développé des modules IA dispensés à tous les élèves de seconde.
"J’ai commencé à m’intéresser à l’IA dès la fin 2022. En 2023-2024, nous avons formé les collègues, puis en 2024-2025, nous avons créé des modules de six heures, dispensés en 2025 à 350 élèves de seconde", explique-t-il.
L’objectif n’est pas d’apprendre à utiliser directement l’IA, mais d’en comprendre les enjeux à travers différents modules :
- un module de sciences (comment fonctionne un algorithme, un token ?)
- un module de philosophie (les questions sociétales liées à l’IA : orientation, recrutement, décisions économiques)
- un module en sciences économiques et sociales (impact sur l’emploi, création de richesse)
- deux modules pratiques en salle informatique (IA pour réviser, créer des QCM, ou encore apprendre les langues).
Les retours des élèves et des parents
Si certains élèves se sentaient déjà en avance, la majorité a découvert ses propres lacunes d’utilisation. "Beaucoup utilisent l’IA, mais très mal : ils copient-collent une question sans savoir optimiser les réponses ou rédiger un prompt", explique Mickaël Bertrand. Globalement, l’expérience a été bien accueillie et jugée positive.
Du côté des parents, les avis sont partagés. Certains craignent une surcharge numérique ou des risques cognitifs, tandis que d’autres se réjouissent de l’initiative et souhaitent même bénéficier de formations similaires. Plusieurs ont aussi pris conscience que ces outils bouleversent profondément le monde professionnel et s’interrogent sur l’avenir de leurs enfants.
Redéfinir le rôle de l’enseignant face à l’IA
Concernant les devoirs, Mickaël Bertrand assume : "Oui, certains les font avec ChatGPT, mais tant mieux, cela nous oblige à redéfinir notre métier." Pour lui, les exercices à domicile doivent désormais favoriser la lecture, la mémorisation ou la recherche, dans une logique d’"apprendre à apprendre".
Il insiste : l’école traverse depuis plusieurs décennies une crise de sens. "Les élèves voient de moins en moins l’utilité d’aller à l’école. L’IA peut être l’occasion de repenser nos méthodes et de construire l’école de demain."
Les risques d’un usage détourné de l’IA
Certains cas dramatiques, comme le suicide d’un adolescent américain qui avait confié ses idées noires à ChatGPT, inquiètent aussi. "Des ados demandent à l’IA des conseils sur l’amitié ou la sexualité, ce qui peut mener à des relations problématiques avec ces outils", alerte le professeur. Ces préoccupations concernent aussi les adultes et devront être intégrées dans la réflexion éducative.
Former les enseignants à l’IA
Mickaël Bertrand propose depuis deux ans des formations en ligne, suivies par plus de 2 000 enseignants. Il constate que la question d’âge n’est pas déterminante, mais plutôt l’intérêt personnel.
Cependant, il observe un travers fréquent : considérer l’IA comme un moteur de recherche amélioré. Or, rappelle-t-il, une IA générative est avant tout un agent conversationnel, un outil de rédaction et de réflexion qui nécessite un dialogue.
IA et image du métier enseignant
Certains reprochent aux enseignants de déléguer à l’IA la préparation de leurs cours. "Mais si mon métier se réduisait à transmettre des connaissances et des fiches, je serais déjà remplacé ! L’enseignement, c’est développer des compétences psychosociales, de la remédiation, de l’accompagnement", insiste-t-il.
Il reconnaît que l’IA pourrait automatiser certaines tâches chronophages, libérant ainsi du temps pour les interactions avec les élèves. "L’idée n’est pas de remplacer les profs, mais de renforcer leur rôle."
L’avenir des compétences rédactionnelles
L’une des craintes récurrentes est l’appauvrissement des compétences rédactionnelles. Pour Mickaël Bertrand, la comparaison avec l’arrivée des calculatrices est pertinente : les élèves ont perdu en calcul mental mais gagné en compréhension mathématique.
"De la même manière, on se prendra moins la tête sur l’orthographe ou la grammaire, mais on pourra se concentrer davantage sur le fond. Je suis résolument optimiste."

SOURCE : FRANCE 3

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