Choisir l'Europe pour la science : la France tend la main aux chercheurs étrangers

Macron et von der Leyen en mission séduction à Paris
Plus qu’une simple invitation, c’est un véritable appel que lancent Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen aux chercheurs américains dont les travaux sont menacés par le retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Lundi 5 mai, le président français et la cheffe de la Commission européenne participent à la conférence Choose Europe for Science à Paris, dans l’espoir de convaincre ces scientifiques de s’installer sur le vieux continent pour y poursuivre leurs recherches.
En fin de matinée, ils clôtureront ensemble cette conférence organisée à la Sorbonne. « Dans un moment où les libertés académiques connaissent un certain nombre de reflux ou de menaces, l’Europe est un continent d’attractivité », avait précisé l’Élysée lors de l’annonce de l’événement, le 18 avril. Ce jour-là, Emmanuel Macron avait invité les chercheurs « du monde entier » à « choisir la France » et plus largement l’Europe.
« Ici en France, la recherche est une priorité,
l’innovation une culture, la science un horizon sans limite. »
— Emmanuel Macron sur X
Parallèlement, le gouvernement français a mis en ligne une plateforme nommée Choose France for Science, présentée comme une première étape dans la préparation de l’accueil des chercheurs étrangers.
L’objectif : rendre l’Europe plus attractive
Santé, climat, intelligence artificielle... Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen doivent faire face à un défi majeur : rendre la France et l’Europe plus séduisantes pour les scientifiques étrangers, malgré des salaires et un financement de la recherche bien inférieurs à ceux des États-Unis. Et ce, dans un contexte où l’exécutif cherche à limiter les dépenses publiques pour assainir les finances.
Selon Bertrand Jouvé, responsable de l’initiative Toulouse Initiative for Research's Impact on Society, les salaires offerts aux chercheurs américains seront alignés sur les standards français. Mais d’autres avantages peuvent peser dans la balance : « L’école est gratuite, et le système de santé est plus favorable qu’aux États-Unis », rappelle-t-il à France 3 Occitanie.
Depuis le retour de Donald Trump en janvier, nombre d’universitaires américains s’inquiètent : libertés académiques en recul, coupes budgétaires, climat hostile à la recherche… Les vocations s’érodent, et beaucoup envisagent de quitter un pays jusqu’alors perçu comme l’Eldorado scientifique.
Des universités françaises déjà mobilisées
Les établissements d’enseignement supérieur français n’ont pas attendu l’appel présidentiel pour s’organiser. À l’Assemblée nationale, François Hollande a même déposé une proposition de loi visant à créer un statut de « réfugié scientifique ». Selon lui, « au même titre que les journalistes ou les opposants politiques, lorsqu’ils sont entravés ou censurés, les chercheurs doivent pouvoir être reconnus comme des réfugiés à part entière ».
Dès le mois de mars, Philippe Baptiste, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a demandé aux universités de réfléchir à leur capacité d’accueil. Celle de Toulouse a déjà entamé le recrutement de 15 chercheurs. « Nous recevons entre 6 et 8 demandes par semaine, principalement dans les humanités, mais aussi en santé, spatial et climat », précise Bertrand Jouvé.
À Aix-Marseille, l’université a enregistré 298 candidatures à la mi-avril, dont 242 éligibles. Ces chercheurs viennent de divers horizons : sciences humaines, environnement, mathématiques, physique ou encore informatique, avec un équilibre femmes-hommes et des profils souvent expérimentés.
La recherche privée se joint à l’effort public
Les initiatives ne se limitent pas aux universités. La Fondation ARC contre le cancer a annoncé un financement de 3,5 millions d’euros pour permettre aux chercheurs menacés aux États-Unis de poursuivre leurs travaux en France.
« La France doit être une terre d’accueil pour ces chercheurs qui pourraient être contraints d’abandonner leurs travaux »,
déclare Dominique Bazy, président de la Fondation ARC,
dans un communiqué.
« La Fondation ARC répond à cette urgence et prend ses responsabilités en leur offrant la possibilité de poursuivre leurs recherches dans un environnement stable », ajoute-t-il.
Le CNRS a également lancé, début mai, un programme pour attirer les scientifiques étrangers. Il cible des chercheurs de tous âges et de tous niveaux, y compris les figures de renommée internationale. Antoine Petit, président du CNRS, confiait à l’AFP : « La motivation d’un chercheur n’est jamais la rémunération, mais l’environnement de travail, les infrastructures et la possibilité de se confronter aux meilleurs. »
Des ambitions freinées par les restrictions budgétaires
Reste une question sensible : comment accueillir ces talents venus d’ailleurs alors que les budgets sont contraints ? Le collectif Stand-Up for Science France tire la sonnette d’alarme : « La France, qui pourrait apparaître comme un refuge, est en réalité frappée par des coupes budgétaires qui s’accumulent depuis plus de 20 ans. »
Dans une tribune publiée dans Libération, le collectif souligne que le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche a été amputé de 1,5 milliard d’euros en tenant compte de l’inflation, et que 1,6 milliard d’euros de crédits ont été annulés pour 2024 et 2025.
Olivier Berné, astrophysicien au CNRS et fondateur du collectif, s’indigne sur France 24 :
« On n’est même pas capables de payer nos propres vacataires et on essaie de faire croire qu’on va accueillir dans de bonnes conditions des chercheurs américains ? »
Dans son propre laboratoire, 40 % des effectifs sont des contractuels. Un ingénieur est en CDD depuis quatre ans sans perspective de titularisation. Dans le domaine des sciences de l’univers, un quart des chercheurs sont précaires.
Le gouvernement tempère ces inquiétudes : « L’idée n’est pas de remplacer qui que ce soit ou de prendre de l’argent à qui que ce soit, ce sera de l’argent en plus », affirmait une source à franceinfo fin avril. À l’annonce du sommet « Choose for Europe », l’Élysée promettait l’annonce prochaine de crédits et d’incitations fiscales.

SOURCE : FranceTvinfo

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