Comment aller à l'école quand on dort dehors ?

À Paris, 108 lycéens menacés d'expulsion de leur logement suite à l'arrêt d'un financement de l'état
Le programme "Dispositif lycéen", qui offrait un logement, de la nourriture et un accompagnement éducatif à 108 lycéens migrants à Paris, a été interrompu début février en raison de l'arrêt d'une subvention de l'état, plongeant ces jeunes dans une profonde incertitude.
"Tout ce que j'ai construit disparaît"
Mamadou* (nom modifié), 20 ans, est en pleine détresse. Il ne lui reste que trois jours avant de devoir quitter son logement, le mardi 11 février. "Je ne dors plus", confie-t-il.
En terminale bac professionnel artisanat et métiers d'art, cet ancien mineur isolé était logé en colocation avec deux autres jeunes grâce au "Dispositif lycéen", cofinancé par l'état et la mairie de Paris. "On était sûrs d'avoir le temps, on se sentait stables", raconte Mamadou avec émotion. Mais fin janvier, il a reçu une lettre lui annonçant son expulsion imminente.
"Je suis en plein stress, c'est déstabilisant en plein milieu de l'année scolaire", explique-t-il. Cette situation résulte de la suspension de la subvention de la direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement (Drihl) d'Île-de-France et du rectorat.
Une "incompréhension totale" pour les associations
Les associations en charge du programme, Urgence Jeunes et Aurore, ont été alertées fin novembre que la préfecture ne renouvellerait pas leur subvention annuelle. Pour Florian Guyot, directeur général de l'association Aurore, cette décision est incompréhensible : "C'était un dispositif efficace, avec de très beaux parcours de jeunes."
La mairie de Paris, cofinanceur du programme, affirme avoir été informée tardivement, uniquement par les associations. "C'est un choix politique de ne pas accueillir des jeunes en parcours d'insertion", regrette Léa Filoche, adjointe à la Maire de Paris en charge des solidarités et de l'hébergement d'urgence. Elle souligne que la mairie ne peut pas assumer seule ce financement. "J'ai déjà 400 jeunes dans des situations similaires que nous hébergeons à la place de l'état depuis 14 mois. J'en ai 450 à la Gaîté Lyrique... Où vais-je mettre ces 108 jeunes supplémentaires ?"
Des solutions inadaptées
La préfecture a proposé des relogements à certains jeunes, mais dans des conditions souvent inadaptées. Mamadou a été orienté vers un centre d'hébergement en dortoir dans l'Essonne, à plus de deux heures de son école. "Je ne veux pas partir, j'ai mes amis ici. Tout doit encore changer, comme si tout s'effondrait", déplore-t-il. Il devrait aussi refaire toutes ses démarches administratives et médicales.
D'autres jeunes ont été placés à "La Boulangerie", un centre d'accueil du 18e arrondissement. Mais les conditions y sont précaires, avec des dortoirs partagés avec des personnes en grande difficulté. "Certains jeunes préfèrent encore dormir dehors", témoigne Brigitte Wieser du Réseau éducation sans frontières. "Comment réviser ses cours dans de telles conditions ?"
Enfin, certains risquent d'être envoyés dans d'autres régions, mettant en péril leur scolarité. Une perspective qui inquiète Binke, 18 ans, élève en CAP commerce à Paris. "Je n'irai pas en province ! Rien ne garantit que je pourrai poursuivre mon lycée là-bas", s'inquiète-t-il. Ayant connu la vie de sans-abri, il redoute les difficultés à suivre sa formation. "Comment aller en cours quand on dort dehors ? Je ne pourrai plus travailler comme avant."
Une mobilisation pour une trêve scolaire
Jeudi dernier, plusieurs associations ont organisé une manifestation en soutien à ces lycéens, réclamant l'annulation de cette mesure ou à minima une trêve scolaire pour leur permettre de finir l'année dans de bonnes conditions. La préfecture de la région Île-de-France, contactée par Le Nouvel Obs, n'a pas répondu à ces sollicitations.

SOURCE : LE NOUVEL OBS

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