Compétences, emploi, carrières : les présidents d’IUT s’interrogent sur les métiers de techniciens

À quoi sont aujourd’hui formés les techniciens, notamment dans les IUT, et cela correspond-il aux compétencesattendues par les employeurs ? Comment faire mieux se rencontrer l’offre et la demande de techniciens dans les années à venir ? Ces questions sont au cœur d’une enquête prospective menée par l’Unpiut (Union nationale des présidents d’IUT), qui en a dévoilé les grandes lignes lors de ses journées du futur, organisées le 3 juillet 2025. Olivier Faron, représentant du Medef, appelle à un "front uni" des IUT, estimant que "tout est à construire en matière de cartes de formations".
Les techniciens au cœur des enjeux économiques et territoriaux
"L’enjeu, alors que la France manque d’ingénieurs et de techniciens, est d’avoir un lobbying fort à l’approche du PLF pour valoriser la filière technologique", déclare Olivier Faron, responsable compétences, formation et jeunesse au Medef, lors des journées du futur à Paris. Pour lui, "la vraie question est celle de la data territorialisée".
Il insiste : la priorité doit être donnée à l’échelle des bassins d’emploi et à la mesure locale des besoins en ressources humaines. Le Medef prévoit de construire des schémas de données adaptés, afin d’influencer les décisions sur les cartes de formation, prises par les préfets et recteurs. Les entreprises, elles, doivent faire face à une montée en puissance des besoins en compétences, dans un contexte de transition démographique.
Une filière technologique encore trop peu valorisée
Au lycée, Olivier Faron questionne la pertinence actuelle de la filière technologique : est-elle suffisamment définie ? A-t-elle les bons moyens ? Est-elle réellement complémentaire des filières générales et professionnelles ? Il appelle les IUT à faire front commun, dans un système qu’il juge incohérent, notamment à cause de la coexistence mal comprise entre le LMD et le RNCP. Les IUT jouent selon lui un rôle central dans la réussite des jeunes, notamment face aux défis du recrutement dans le nucléaire, l’intelligence artificielle ou l’écologie.
Quelles compétences sont attendues d’un technicien aujourd’hui ?
L’enquête prospective de l’Unpiut, en cours, a permis à 35 experts de dresser plusieurs constats, résumés par Robert Mizrahi, consultant. Le technicien est à la fois un acteur technique et managérial essentiel. Les besoins sont réels, les femmes sont sous-représentées dans les domaines industriels, et les trajectoires de carrière sont multiples : techniques, humaines, ou hybrides.
Hervé Rouvre (IUT du Mans) identifie quatre grandes compétences prioritaires à renforcer :
- la communication écrite (orthographe, grammaire, rédaction), indispensable au rôle d’intermédiaire entre conception et opération ;
- le savoir-faire professionnel (codes de l’entreprise, ponctualité, comportement), souvent mal maîtrisé ;
- la maîtrise des outils informatiques et des bases en mathématiques, avec des lacunes repérées sur Excel ou la règle de trois ;
- les compétences managériales, encore peu intégrées par certains profils techniques.
De nouvelles attentes vers un “technicien augmenté”
Une question revient dans les échanges : attend-on trop des techniciens ? Entre attentes managériales et technicité, la barre semble haute. Émilie Amisse, secrétaire générale de l’Observatoire des métiers de l’assurance, plaide pour "un vernis" minimal de compétences, rappelant que l’alternance est une voie d’excellence.
L’étude évoque également les soft skills, jugées "incontournables pour l’employabilité", selon Michèle Vincent (IUT de Bobigny), car les recruteurs recherchent d’abord une personnalité. François Hesdin (IUT d’Amiens) parle de technicien augmenté, face à l’IA qui libère du temps sur les tâches à faible valeur ajoutée, mais exige plus d’interaction humaine.
Sortir du déterminisme et revaloriser la fonction de technicien
Pour Malo Mofakhami, chercheur en économie à la Sorbonne Paris Nord, il est urgent de sortir d’un système où le technicien est souvent remplacé par un ingénieur ou une IA, faute de reconnaissance. Il appelle à repenser l’organisation productive et à revoir la place du technicien dans les chaînes de valeur. Il pointe aussi une baisse de l’employabilité des diplômés de master, qui pourrait inciter certains jeunes à se réorienter vers les métiers techniques.
Thomas Clochon (Syntec ingénierie) annonce une étude prochaine sur la complémentarité entre ingénieurs et techniciens, tandis que la métallurgie met en place une nouvelle convention collective axée sur les compétences plutôt que les diplômes. On y parle désormais en termes de rôles et de parcours, et non de statuts hiérarchiques.
L’apprentissage, une ressource à ne pas fragiliser
Franck Bordas, président de l’Unpiut, rappelle que l’apprentissage est une ressource clé pour les IUT, tant en formation initiale qu’en formation continue. Il regrette toutefois qu’une partie des financements générés par les IUT soit retenue par certaines universités, freignant ainsi leur développement stratégique.
Thomas Clochon insiste sur la nécessité de ne pas "casser le système de l’apprentissage", en appelant à un soutien public fort, notamment face à la nouvelle contribution de 750 € pour les employeurs d’apprentis de niveau 6 et plus. Malo Mofakhami, quant à lui, estime que l’apprentissage doit être mieux ciblé, notamment en faveur des IUT, qui doivent redevenir prioritaires.

SOURCE : AEF INFO

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