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ÉDUCATION
25
February 2025

Éducation nationale : face au manque de candidats, une école sans profs est-elle l’avenir ?

Le nombre de candidats pour les concours de l’enseignement a encore reculé en 2025, symptôme d’une crise de l’Éducation nationale.

Alerte profession en perdition. Les concours de l’enseignement pour le second degré, tous confondus, n’ont attiré que 73.796 candidats en 2025, soit un recul de 4 % par rapport à l’an dernier. Pour près d’un millier de postes à pourvoir en mathématiques, à peine 3.000 personnes se sont inscrites au Capes externe. En allemand, comptez 199 candidats pour 101 postes. Un vivier faible, sachant que de nombreux inscrits ne se présentent pas le jour de l’examen. « Cela fait douze ans que ça baisse » de manière continue, observe, amer, David Cayuela, professeur de lettres depuis vingt-cinq ans et membre de l’association Éducation numérique raisonnée.

Le désamour pour la profession est bien connu, déjà expliqué et analysé. « Le gouvernement met des réformes en place pour se passer d’un maximum d’enseignants » en les rendant « interchangeables », dénonce Périne De Araujo, secrétaire générale du syndicat CGT Educ’action 94. Elle critique « des référentiels dénués de sens à faire appliquer » et des salaires trop bas. « Quel est l’intérêt de faire cinq ans d’études pour être méprisés ? », appuie David Cayuela, citant également les salaires, mais aussi les clichés sur les professeurs et les incivilités des parents d’élèves. La hausse des effectifs rend la situation encore plus critique. « En lycée professionnel, on a des classes à plus de 33 alors que la moyenne était de 24 élèves il y a seulement deux ans. Les locaux ne sont pas adaptés », fait remarquer la syndicaliste.

Le prof, faire-valoir de l’IA ?

Face à cette crise des vocations, à quoi ressembleront les classes de 2050 ? Les rares professeurs restants pourraient-ils faire face à des classes de 50 élèves, voire plus ? Une telle dystopie « va à l’encontre du métier d’enseignant », avance Périne De Araujo, qui souligne que le rôle du professeur est aussi « de faire de la pédagogie différenciée, par exemple auprès des élèves en situation de handicap ». Surtout, difficile d’imaginer les classes de l’avenir sans s’attaquer à l’éléphant dans le couloir : la place de l’intelligence artificielle, qui enseignerait aux élèves à la place du prof dans ce scénario pessimiste, réduisant ainsi ceux qu’on appelait jadis les « hussards noirs » de la République au rôle « de surveillant général d’une classe gigantesque et automatisée ».

Mais une telle solution serait « une catastrophe pédagogique », clame David Cayuela. Pour ce professeur de lettres, l’usage de ChatGPT et l’école du Covid ont déjà transformé les élèves en « consommateurs passifs ». « Dire que l’IA est entrée à l’école par la grande porte, comme le titre Midi Libre, c’est faux : elle s’y est invitée de force par la poche des enseignants et des élèves », via l’usage banal des smartphones.

Le grand remplacement des profs, aussi un fantasme

Peut-elle finir par pousser les professeurs hors de la classe ? Claude Lelièvre, historien spécialiste de l’éducation, se montre circonspect. « C’est un vieux fantasme que les profs soient remplacés par la technologie, c’était déjà le cas avec l’arrivée de la télévision puis de l’informatique », explique-t-il. Mais la particularité de l’IA, « c’est que cette fois, les élèves s’y mettent les premiers, alors qu’avant ce sont les profs qui avaient la main ».

À la marge, le remplacement des profs « a commencé », dans le sillage de l’enseignement à distance. « Depuis deux ans, le CNED s’est mis à intégrer l’intelligence artificielle », note l’historien, soulignant la possibilité d’avoir un enseignement très individualisé. Mais David Cayuela se montre particulièrement critique sur la valeur ajoutée de l’IA dans l’enseignement. Selon lui, ce qui manquerait cruellement dans ses grandes classes menées par ordinateur, « ce n’est pas l’information, mais l’humain, tout ce qui touche à la construction de la pensée face au réel ».

L’école est humaine

Plutôt que des classes gigantesques transformées en atelier d’apprentissage, avec un professeur en guise de surveillant, celui qui a enseigné quinze ans en ZEP craint « une école à deux vitesses : une pour les riches qui auront des profs, et une pour les pauvres qui seront mis devant les ordinateurs ». Finie l’école comme lieu commun du tissu social, au risque de le détruire. Car « l’école est aussi un lieu de socialisation », appuie Claude Lelièvre, où « ce que les élèves apprécient souvent le plus, ce sont les relations entre pairs ». Un aspect que ne peut apporter l’IA, « utile pour apprendre mais pas pour se former au vivre-ensemble ». « Les enseignants sont formés à recueillir la parole », relève Périne De Araujo, évoquant les problématiques actuelles autour du harcèlement (voire de l’inceste ou des violences sexuelles).

« Un prof est censé être un éducateur, incarner un modèle d’humain, ça la machine ne le fera pas », enchaîne David Cayuela. Répondre au manque de professeurs par l’IA « pose aussi question de si on veut créer des consommateurs ou des citoyens avec un esprit critique ». Pour répondre au premier élément de la crise, Périne De Araujo préconise de s’attaquer prioritairement à la question du salaire, mais aussi de la formation et de la mobilité des jeunes profs. Quant à regagner les espaces déjà conquis par l’intelligence artificielle, David Cayuela évoque le besoin d’un autre modèle d’apprentissage désirable « afin de sortir de la réponse immédiate par ChatGPT ». Tout un programme pour l’école.

SOURCE : 20minutes.fr

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