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ÉDUCATION
11
July 2025

Enseignement supérieur privé lucratif : LFI propose de conditionner le financement de l’apprentissage

Le député Arnaud Saint-Martin (LFI, Seine-et-Marne) a déposé, lundi 7 juillet 2025, une proposition de loi (PPL) visant à restreindre sévèrement le financement public de l’enseignement supérieur privé à but lucratif, en particulier via les aides liées à l’apprentissage. L’ambition de ce texte, intitulé « proposition de loi visant à lutter contre les arnaques de l’enseignement supérieur privé lucratif », est claire : interdire progressivement ce modèle d’enseignement sur le territoire national, en le privant de ses principales ressources publiques.

Dénoncer une marchandisation du savoir

Dans l’exposé des motifs, le député dénonce un secteur où "le savoir devient une marchandise", les étudiants sont considérés comme des clients, et la logique du profit supplante les objectifs éducatifs. Cette proposition de loi vise, selon lui, à protéger le modèle républicain de l’université publique et à contrer l’expansion du secteur privé lucratif, jugé déstabilisant pour l’écosystème de l’enseignement supérieur.

Saint-Martin s’appuie sur un constat largement partagé dans les milieux académiques et syndicaux : la montée en puissance du privé lucratif est soutenue par des financements publics liés à l’apprentissage, qui sont détournés de leur finalité initiale.

Le financement de l’apprentissage en ligne de mire

Le texte affirme que le canal principal de financement public indirect de l’enseignement supérieur privé à but lucratif est l’aide à l’embauche des apprentis, versée aux entreprises. Il considère que ces aides, conçues pour favoriser l’insertion professionnelle, sont aujourd’hui largement captées par des établissements privés lucratifs, qui créent des formations sur mesure pour en bénéficier.

« Alors que le gouvernement assèche le public, il arrose le privé de subventions », affirme le texte, dénonçant une politique qui favorise indirectement le développement de ces établissements au détriment des universités publiques.

La PPL souligne également que 84 % des formations en apprentissage sur Parcoursup sont aujourd’hui proposées par des établissements privés, et que 92 % de celles proposées par des établissements privés non reconnus par l’État relèvent de l’apprentissage. Des chiffres qui, selon l’exposé, illustrent l’ampleur du phénomène.

Une manne estimée à plusieurs milliards

La loi rappelle qu’un apprenti majeur rapporte jusqu’à 6 000 euros à son entreprise pour la première année de contrat, via les aides publiques. Ces montants, même récemment réduits par décret, représentent une source majeure de revenus pour les établissements privés lucratifs, qui en ont fait un axe central de leur stratégie de croissance.

Depuis le 24 février 2025, l’aide à l’embauche a été revue à la baisse : elle s’élève désormais à 5 000 euros pour les entreprises de moins de 250 salariés, contre 2 000 euros pour les autres. Elle reste toutefois de 6 000 euros pour les apprentis en situation de handicap. Par ailleurs, depuis le 1er juillet 2025, un reste à charge de 750 euros est imposé aux entreprises pour chaque contrat d’apprentissage visant un diplôme de niveau 6 ou 7 (licence à master). Cette mesure pourrait entraîner une baisse des recrutements d’apprentis dans le supérieur, selon plusieurs CFA et organisations patronales.

Une réponse législative pour assainir le marché

Le deuxième article de la proposition de loi entend mettre fin à ces effets d’aubaine en réservant les financements publics de l’apprentissage aux établissements publics ou à but non lucratif.

Les deux principales mesures proposées sont :

  1. Redéfinir la notion de formation certifiante (article L.6313-7 du Code du travail) comme étant réservée aux formations non lucratives, dispensées par des organismes à but non lucratif, selon la définition du Code de l’éducation.
  2. Introduire un nouvel article L.6332-15 dans le Code du travail, interdisant l’attribution des niveaux de prise en charge (NPEC) de l’apprentissage à tout organisme lucratif. Ces fonds seraient exclusivement réservés aux structures publiques ou associatives à but non lucratif.

Ces modifications visent à assainir le marché de la formation en éliminant les distorsions créées par les financements publics au profit d’établissements lucratifs qui ne seraient pas tenus aux mêmes obligations que les acteurs publics.

Une régulation plus large du secteur privé

Outre l’encadrement du financement de l’apprentissage, la proposition de loi contient neuf articles au total. Elle prévoit un arsenal législatif plus large visant à réguler le secteur privé lucratif de l’enseignement supérieur. Parmi les autres mesures figurent :

  • L’interdiction des subventions extralégales accordées par les collectivités territoriales aux établissements d’enseignement supérieur privé.
  • La protection des termes « université » ou « diplôme », en les réservant aux établissements publics reconnus par l’État.
  • L’interdiction de l’usage de noms de diplômes ou de certifications susceptibles de prêter à confusion avec ceux du service public.
  • L’interdiction de la « location de titres RNCP » entre organismes certificateurs.
  • L’encadrement des prestations de formation, via un contrat clair et des obligations légales pour les professionnels.
  • Des sanctions administratives et financières en cas de non-respect de ces dispositions.

Une proposition polémique, mais structurante

Cette initiative de La France Insoumise risque d’alimenter un vif débat politique, tant sur le fond que sur ses implications économiques pour les filières d’apprentissage dans le privé. Elle entre en résonance avec les critiques récurrentes de la Cour des comptes, de l’OFCE et de divers syndicats quant à l’opacité, la rentabilité excessive et les dérives marketing de certains établissements privés lucratifs.

Le texte propose une restructuration radicale du système de financement public de l’enseignement supérieur, en posant un principe clair : aucun euro d’argent public ne doit aller à un acteur lucratif dans l’enseignement supérieur.

SOURCE : AEFINFO

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