Être ou devenir visiteur de musée : les sorties scolaires démocratisent-elles l'accès à la culture ?

Il ne suffit pas de franchir les portes d’un musée pour en maîtriser immédiatement les codes. Dans quelle mesure les visites scolaires initient-elles les enfants aux sorties culturelles ? À quelles conditions ces sorties de groupe peuvent-elles avoir un impact durable ?
Organisées chaque année en septembre, les Journées du patrimoine sont l’occasion de s’interroger sur les pratiques culturelles des Français. De nombreuses études permettent de faire un état des lieux et d’analyser leurs évolutions. Mais qu’en est-il de leurs origines ? Comment se développent-elles ? Entrer dans un musée n’est pas une démarche simple ou évidente pour tout le monde. Alors que certains y trouvent leur place naturellement, d’autres la cherchent ou la construisent, et certains ne s’imaginent même pas y accéder.
C’est là que l’école intervient avec un projet clair : démocratiser l’accès aux lieux culturels. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les sorties scolaires, en particulier les visites dans les musées, ont été conçues pour ouvrir ces espaces aux plus jeunes et en faire des visiteurs. Chacun garde en mémoire des sorties de classe dans des expositions scientifiques ou artistiques. Mais qu’en reste-t-il vraiment ? Comment l’école s’y prend-elle pour faire de ses élèves des visiteurs réguliers ?
La sortie scolaire, tremplin vers d'autres visites de musées ?
Lorsque l’on interroge les professionnels des musées, tels que les médiateurs ou les conférenciers, ainsi que les enseignants, les objectifs des visites scolaires semblent doubles : d’une part, il s’agit de travailler un thème ou un contenu en lien avec l’exposition et le programme scolaire, d’autre part, l’objectif est de familiariser les élèves à ces lieux culturels. La sortie est ainsi pensée comme une porte ouverte vers des visites futures en dehors du cadre scolaire. Mais qu’en est-il réellement ?
Dans nos recherches, nous observons que les contenus thématiques dominent souvent les discours des guides ou des enseignants. Cependant, il est beaucoup plus difficile d’identifier les éléments qui travaillent la formation muséale proprement dite. Que ce soit le guide ou l’enseignant qui mène la visite, celle-ci se concentre fréquemment sur le contenu de l’exposition. Mais combien de temps est consacré à expliquer ce qu’est une exposition, un musée ou même ce que signifie être un visiteur ?
Les recherches-actions qui ont exploré des visites scolaires en tant que formations à la visite muséale, avec un travail explicite sur ces notions, révèlent des prises de conscience intéressantes. Les élèves comprennent que l’exposition est un choix scientifique, réalisé par des concepteurs, et qu’en tant que visiteurs, ils interprètent ces choix.
Comme un lecteur rencontre un auteur à travers ses mots, le visiteur rencontre le propos des concepteurs à travers la mise en scène des objets du musée. La visite de chaque individu est donc unique ; il n’y a pas de "bonne" ou de "mauvaise" visite, mais autant de visites qu’il y a de visiteurs.
Se familiariser avec le cadre du musée
Si la formation à la visite semble rare lors des sorties scolaires, elle est centrale dans les visites familiales. Une étude menée avec Ana Dias-Chiaruttini sur les jeunes publics dans les musées d’art et de sciences met en lumière les différences entre visites scolaires et familiales pour des enfants en âge préscolaire. Les résultats montrent que la place du jeune visiteur varie énormément selon le contexte.
Dans une visite familiale, l’enfant dispose de plus de liberté de mouvement, son regard est libre, et il partage ses observations avec ses parents, qui répondent à son désir de comprendre, dans un échange spontané. En revanche, lors des visites scolaires, le mouvement de l’élève est encadré, son regard guidé, et le temps est contrôlé. La parole appartient généralement au guide, et les contenus sont prédéfinis.
Il ne s’agit pas de dire qu’une expérience est meilleure que l’autre, mais de montrer qu’elles sont complémentaires. Les enfants qui ont visité des musées en famille et à l’école sont souvent les visiteurs de demain. Pour ceux qui ne bénéficient que des visites scolaires, la question se pose : comment les former au rôle de visiteur ? Franchir les portes d’un musée ne suffit pas pour devenir visiteur. C’est l’engagement de l’enfant dans l’exposition qui façonne cette formation, à la fois à un média spécifique et à lui-même en tant que sujet unique.
Une expérience à renouveler
La visite muséale peut être perçue comme une expérience qui, à force de répétitions, permet une familiarisation avec le lieu culturel tout en nous enseignant sur nous-mêmes. Il est donc important de démystifier l’idée selon laquelle on "naît" visiteur. En réalité, on le devient, progressivement, à travers des expériences variées.
Les visites deviennent alors des moments à renouveler, qui non seulement racontent des histoires à travers leurs contenus, mais nous parlent aussi de notre relation au savoir, à la culture, et au monde.

SOURCE : THE CONVERSATION

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