Face à "l'effondrement", quelles pédagogies mettre en œuvre ?

Comment apprendre aux jeunes à gérer "l'effondrement" - climatique, socio-économique, etc. - sans provoquer "des mécanismes de défense tels que le déni et la dépression" ? le livre pedagogies of collapse, publié le 28 novembre 2024, met en avant quatre principes clés pour une éducation adaptée à ces enjeux. son auteure, ginie servant-miklos, professeure adjointe à l'université érasme de rotterdam, plaide pour la nécessité de dire des "vérités difficiles" et d'expérimenter des méthodes d'apprentissage "imparfaites". elle propose une "pédagogie expérimentale", conçue comme un "méta-cadre éducatif".

Une réflexion sur l'éducation en période d'effondrement

Changements climatiques, érosion de la biodiversité, pandémies, conflits internationaux, pénuries de ressources, inégalités économiques... comment préparer les jeunes à affronter ces bouleversements sans les submerger d'anxiété ?

C'est la question centrale du livre pedagogies of collapse. ginie servant-miklos, professeure adjointe en psychologie clinique à l'école érasme des sciences sociales et comportementales, s'adresse à tous les éducateurs confrontés à ces défis.

L'ouvrage a été recommandé par hanne leth andersen, présidente du jury international des ncu et rectrice de l'université de roskilde, lors du colloque des ncu organisé à l'université gustave eiffel en septembre 2024.

Les quatre principes des pédagogies de l'effondrement

Le livre présente quatre principes fondamentaux pour une éducation adaptée à l'effondrement.

Dire "la vérité"

"nous devons aux élèves un récit honnête et scientifique de la réalité", affirme l'auteure. dès la maternelle, les programmes scolaires doivent intégrer les enjeux du changement climatique, de la disparition de la biodiversité et de la raréfaction des ressources.

Elle met en garde contre les discours trop optimistes : "il faut arrêter de nourrir les jeunes de rêves de révolutions technologiques qui défieraient les lois de la physique ou de promesses d'action collective qui ne se concrétisent pas". partager ces vérités sera douloureux, mais nécessaire.

Faire de la place au deuil

"nos étudiants ne savent pas toujours ce qu'ils doivent regretter", explique ginie servant-miklos. elle évoque la notion de "deuil anticipé" face à des pertes mal définies : la fin de l'idéal de progrès, l'amoindrissement des conditions de vie ou la réduction de l'espérance de vie.

Comprendre le lien entre deuil et apprentissage est essentiel pour adapter l'éducation en période d'effondrement. un chapitre du livre explore en profondeur la psychanalyse du deuil appliquée à l'éducation.

Prendre les mesures appropriées maintenant

"nous devons enseigner aux étudiants à survivre à l'effondrement, puis à prospérer, dans cet ordre", affirme l'auteure.

Elle critique une génération éduquée dans l'idée que le travail manuel est inutile, alors que "l'effondrement ne sera pas tendre envers les incompétents manuels".

Le système éducatif doit donc préparer les élèves à des rôles essentiels : médecins, ingénieurs, linguistes, psychologues et juristes. mais aussi artisans et techniciens, dont le besoin sera croissant.

Ne pas faire de la perfection "l'ennemi du bien"

Les établissements d'enseignement sont confrontés à des exigences paradoxales : être plus durables et résilients tout en restant rentables et en formant des diplômés employables.

Cette contradiction bloque toute transformation réelle. selon l'auteure, l'obsession du perfectionnisme est une impasse : "enseignants et étudiants travaillent avec l'attente de la perfection, ce qui empêche toute adaptation".

Une pédagogie expérimentale pour une éducation adaptative

Plutôt que de viser un système parfait, ginie servant-miklos prône "l'imperfection nécessaire", une approche fondée sur la solidarité, l'adaptabilité et l'expérimentation.

Sa "pédagogie expérimentale" (pex) propose un méta-cadre éducatif permettant aux enseignants de concevoir leurs propres stratégies face à l'effondrement.

La pex repose sur cinq dimensions : cognitive, individuelle, collective, sociétale et globale. elle intègre la réflexion et la mise en pratique, aidant les étudiants à transformer un flot d'informations angoissantes en actions concrètes.

À travers cette approche, ginie servant-miklos espère offrir aux éducateurs les outils nécessaires pour préparer les jeunes à un avenir incertain, tout en leur donnant les clés pour y faire face avec résilience.

SOURCE : AEF INFO