Former à la transition en 1er cycle : zoom sur trois universités

À compter de la rentrée 2025, l’ensemble des formations de premier cycle devront intégrer un socle commun de connaissances sur la transition écologique. Ce dispositif, qui vise à familiariser les étudiants aux enjeux climatiques et à la biodiversité, s’inscrit dans une dynamique amorcée depuis plusieurs années dans de nombreuses universités. Nous vous proposons ici un panorama approfondi des initiatives déployées par trois établissements engagés dans cette transformation.
Une démarche pionnière à CY Cergy Paris université
Dès 2020, CY Cergy Paris Université a démontré sa volonté d’aller au-delà de la simple formation académique en nommant un directeur général adjoint à la transition écologique et sociale. Ce choix fort, évoqué par Ronan Hébert – vice-président en charge de la transition –, illustre une ambition politique globale. Cette ambition se traduit non seulement par des actions sur le plan pédagogique, mais également par des projets de recherche, une meilleure relation avec le territoire et des innovations organisationnelles, comme la création du Parlement étudiant.
Dans un partenariat étroit avec le Campus de la transition, association dédiée à la transformation de l’enseignement supérieur, l’établissement a amorcé le changement dès sa branche d’ingénierie. CY Tech, l’école d’ingénieurs, a ainsi développé un module « Ingénieur et Transition » destiné aux pré-ingénieurs. Ce dispositif innovant, complété par des journées de formation sur l’enseignement et la pédagogie ainsi qu’un accompagnement spécifique des enseignants, visait à sensibiliser et à outiller les futurs ingénieurs pour répondre aux défis environnementaux.
Fort de ces succès initiaux, l’université a étendu la démarche à d’autres composantes – IUT, INSPE – même si, selon Ronan Hébert, l’objectif d’uniformiser la transition sur l’ensemble des formations reste un défi de taille. La diversité des publics et des niveaux de conscience environnementale, notamment en raison du nombre élevé d’étudiants et de la disparité entre les UFR, impose une adaptation continue des méthodes d’enseignement. C’est ainsi qu’en janvier 2025, une unité d’enseignement obligatoire sur les enjeux de la transition écologique et sociale a été introduite pour environ 1 500 étudiants de première année, prélude à l’implantation du socle commun de connaissances prévu pour la rentrée suivante. Par ailleurs, l’engagement de CY a été reconnu en 2024 avec l’obtention du label DD&RS, gage de sa politique en matière de développement durable et de responsabilité sociétale.
Une intégration progressive des enjeux environnementaux à l’université de Rouen-normandie
À Rouen-Normandie, l’engagement pour l’environnement ne date pas d’hier. Labellisée DD&RS depuis 2020, l’université a inscrit les questions environnementales au cœur de sa stratégie institutionnelle. Julien Réveillon, vice-président en charge des transitions environnementales et sociétales, explique que l’établissement a créé en décembre 2022 un institut des transitions. Ce nouvel outil stratégique permet de centraliser et de coordonner l’ensemble des actions relatives à la transition écologique.
Dès la rentrée 2022, l’université a instauré un enseignement obligatoire de 10 heures en première année (L1) pour environ 7 000 étudiants. L’objectif est de mettre tous les étudiants sur un pied d’égalité, compte tenu des disparités de connaissances issues de leurs parcours secondaires. En 2024, cette offre pédagogique a été enrichie par 20 heures supplémentaires en deuxième année (L2), afin de compléter et approfondir les thèmes abordés en L1.
Cependant, l’intégration de ces heures supplémentaires a engendré des ajustements logistiques importants. Pour la première année, le recours aux unités d’enseignement transversales ou de culture générale a permis d’intégrer ces enseignements tout en comptabilisant les notes dans le cursus. En L2, afin de ne pas réduire les heures dédiées aux enseignements disciplinaires, l’université a opté pour l’ajout de deux unités d’enseignement, portant ainsi le volume total à 62 ECTS au lieu des 60 prévus initialement. Dans la continuité de cette évolution, l’établissement prépare désormais l’introduction de 20 heures d’activités citoyennes en troisième année, ainsi que d’autres dispositifs comme l’intégration d’un chapitre sur la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) dans le rapport de stage.
Une formation en attente de précisions à l’université psl
À l’université PSL (Paris Sciences et Lettres), le débat sur la formation obligatoire à la transition reste en cours d’élaboration. Pierre-Yves Anglès, directeur des formations, attend de connaître les détails de l’obligation ministérielle qui doit entrer en vigueur à la rentrée 2025. Selon lui, il est crucial de définir comment intégrer cette sensibilisation de manière à offrir une véritable plus-value aux étudiants, plutôt que de s’en tenir à une simple formalité, telle qu’un webinaire isolé.
Pour PSL, le défi consiste également à recenser l’ensemble des cursus et à déterminer précisément ce qui doit être intégré dans le cadre de cette nouvelle obligation. L’université souhaite éviter un cadre rigide imposant, par exemple, l’apprentissage systématique d’un bilan carbone, préférant exploiter ses ressources pour proposer des enseignements pertinents et adaptés aux spécificités de chaque filière.
Depuis le milieu des années 2010, PSL et ses 13 établissements composantes intègrent déjà les enjeux de durabilité. Cette dynamique est née d’une double impulsion : une demande étudiante forte et des travaux de recherche poussés sur les questions environnementales. Plusieurs initiatives marquent cet engagement. Ainsi, Dauphine-PSL propose depuis 2020 un cours interdisciplinaire obligatoire intitulé « Enjeux écologiques du 21e siècle » pour les étudiants de première année. Par ailleurs, les « PSL weeks » offrent aux étudiants la possibilité de suivre des enseignements dans d’autres disciplines, un tiers des sessions étant directement consacrées aux Objectifs de développement durable (ODD) définis par l’ONU. Les thématiques abordées vont des rapports du Giec à l’intelligence artificielle durable, en passant par les défis liés au changement climatique et à la santé.
Les étudiants de PSL bénéficient également d’une rentrée scientifique dont les éditions récentes ont exploré des thèmes variés comme l’anthropocène, l’eau ou encore la ville durable. Pour Pierre-Yves Anglès, l’enjeu n’est pas de proposer des mesures cosmétiques, mais de construire un socle solide de connaissances. Les étudiants réclament une expertise concrète, leur permettant de comprendre, par exemple, l’impact des nouvelles technologies comme ChatGPT ou d’acquérir les bases de disciplines telles que l’épidémiologie.
Des initiatives qui s’adaptent aux attentes des étudiants
Hervé Goux, directeur général adjoint à la transition à CY Cergy Paris Université, souligne que tous les étudiants ne manifestent pas le même niveau d’engagement face aux enjeux de la transition. Il admet que la difficulté réside en partie dans la compréhension et l’anticipation des attentes diverses des étudiants, certains participant moins activement aux animations et aux formations proposées.
Pourtant, l’élan de sensibilisation continue de se traduire par des actions marquantes, comme la « rentrée climat » – la plus importante de France pour les étudiants de première année. L’édition 2024 a d’ailleurs été enrichie par l’ajout d’un parcours dédié à la biodiversité sur le campus, ainsi qu’une conférence sur la fast fashion, qui a rencontré un vif succès auprès du public étudiant.
Une problématique budgétaire au cœur des préoccupations
L’un des défis majeurs dans la mise en œuvre de cette réforme reste le financement. Le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR) n’a pas prévu de budget supplémentaire pour accompagner les établissements dans l’intégration de cette nouvelle obligation. Dans ce contexte, l’université de Rouen-Normandie a fait le choix stratégique d’investir dans de nouveaux postes. Grâce à l’appui de la métropole de Rouen et aux financements de France 2030, l’établissement a pu lancer plusieurs projets ambitieux.
En parallèle, le recrutement de personnels qualifiés – comme les Esas, des enseignants issus du second degré affectés dans le supérieur – permet de soutenir les enseignants-chercheurs. Ces derniers, au-delà des supports de cours, recherchent des conseils pratiques pour mieux accompagner les étudiants, notamment lorsqu’il s’agit de répondre aux manifestations d’écoanxiété.
En conclusion, ces trois universités illustrent différentes approches de la mise en œuvre d’un socle commun de connaissances sur la transition écologique dans le premier cycle. Si chaque établissement adapte ses méthodes aux réalités internes – qu’il s’agisse de modules spécifiques, de partenariats ou d’enseignements transversaux – l’objectif commun reste d’offrir aux étudiants les outils nécessaires pour comprendre et agir face aux défis environnementaux actuels et futurs.

SOURCE : L'ÉTUDIANT

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