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ÉDUCATION
5
November 2024

Former nos ingénieurs aux humanités : un impératif pour l'avenir

Alors que l'intelligence artificielle (IA) prend une place croissante dans notre société, la formation des ingénieurs ne devrait pas uniquement viser des compétences techniques pour rivaliser avec les machines, mais aussi encourager une pensée critique, créative et ancrée dans les valeurs humaines. La culture générale, l'étude des humanités et le développement de la pensée critique ne sont pas des options, mais des éléments fondamentaux pour former des ingénieurs capables de comprendre et d'influencer positivement le monde. Selon Ibrahima Fall et Anne-Laure Boncori, membres de l'Institut du travail réel, il est essentiel de valoriser la pensée humaine pour « bien penser et bien agir ».

La suppression de l'épreuve de français : un choix paradoxal

Dans ce contexte, la décision récente de supprimer l’épreuve écrite de français au concours des écoles d’ingénieurs post-bac Puissance Alpha à partir de 2025 est un choix qui peut sembler en décalage avec les besoins actuels. Cette épreuve, jugée « trop anxiogène » et « socialement discriminante » selon les termes de la présidente du concours, aurait été négligée par les candidats. Cette décision soulève de nombreuses questions sur l'orientation que prend la formation des futurs ingénieurs et sur la place que notre société souhaite accorder aux compétences en culture générale et en expression écrite.

L’épreuve de français, bien que perçue comme un obstacle pour certains, représente un socle essentiel de culture générale qui nourrit la réflexion, la compréhension des enjeux sociaux et la capacité à communiquer efficacement. Supprimer une telle épreuve pourrait renforcer l'idée que les sciences humaines sont accessoires dans le parcours des ingénieurs, ce qui serait une erreur dans un monde où la capacité à penser de manière critique, à faire preuve de créativité et à comprendre les enjeux éthiques est devenue cruciale.

Les humanités : un pilier de la formation en ingénierie

Former des ingénieurs uniquement sur des compétences techniques pourrait aboutir à des esprits formatés et rigides, orientés vers la seule efficacité technique, mais déconnectés des questions humaines et éthiques. En introduisant les sciences humaines et sociales dans les cursus d'ingénieurs, on favorise la formation de professionnels capables de s'interroger sur l'impact de leurs choix technologiques, de leurs créations et de leurs décisions sur la société.

Les humanités permettent de développer des compétences transversales, comme la compréhension des dynamiques sociales, la gestion des relations humaines et la prise en compte des diversités culturelles. Ces compétences sont essentielles pour un ingénieur qui travaille aujourd'hui dans un monde globalisé, où la technique ne peut être dissociée de la société.

La culture générale : un atout face à l’IA

L'émergence de l'IA soulève la question de la place de l'humain dans les professions hautement techniques. Plutôt que de chercher à former des ingénieurs capables de « rivaliser » avec les machines, il serait judicieux de leur offrir des savoirs que l'IA ne peut reproduire : une pensée créative, une capacité à résoudre des problèmes complexes en intégrant des perspectives variées, et une sensibilité aux enjeux sociaux et éthiques. La culture générale, en particulier les disciplines littéraires et philosophiques, contribue à la construction d'une pensée critique et humaniste que l'IA est incapable de développer.

Les compétences humaines, comme la capacité à comprendre et à interpréter le monde sous des angles multiples, à innover et à exprimer des idées, sont d’une valeur inestimable et se révèlent particulièrement pertinentes face aux défis technologiques et sociaux de notre époque.

Vers une pédagogie intégrant sciences et humanités

Intégrer les humanités dans la formation des ingénieurs implique un changement de paradigme pédagogique. Il ne s'agit pas de transformer les écoles d'ingénieurs en facultés de lettres, mais de reconnaître l'importance de ces disciplines dans l’élaboration de l'esprit critique, de la créativité et de la sensibilité éthique. Cela pourrait passer par l’inclusion de cours en philosophie, en sociologie, en histoire des sciences, et en études éthiques. Ces enseignements, combinés aux compétences techniques, favoriseraient une vision plus complète du rôle de l'ingénieur.

Dans ce sens, de nombreuses institutions à travers le monde ont commencé à introduire des programmes d'études interdisciplinaires, permettant aux étudiants en ingénierie d’acquérir une formation plus équilibrée. Certaines grandes écoles françaises et universités internationales proposent d’ailleurs des cursus intégrant des modules d’humanités dans leurs formations techniques. Cette approche leur permet de former des ingénieurs capables de répondre aux enjeux actuels en prenant en compte les aspects humains, environnementaux et sociétaux.

L'importance de la communication et de l'expression

La capacité à s’exprimer avec clarté et à comprendre les subtilités du langage est un atout indispensable pour tout professionnel, y compris les ingénieurs. La maîtrise de la langue et de la communication permet de structurer la pensée, de présenter des idées de manière convaincante et de collaborer efficacement avec des équipes pluridisciplinaires. L'épreuve de français, en ce sens, joue un rôle dans le développement de ces compétences et sa suppression pourrait priver les futurs ingénieurs d'une formation à ces compétences essentielles.

Vers une redéfinition de la réussite en ingénierie

En fin de compte, former des ingénieurs uniquement compétents techniquement n’est pas suffisant dans un monde complexe et en mutation. La réussite de leur carrière dépendra non seulement de leur expertise technique, mais aussi de leur aptitude à évoluer dans des environnements variés, à s'adapter et à comprendre les répercussions de leurs actions sur la société.

Dans cette perspective, l’enjeu est de former des ingénieurs capables de dépasser la simple résolution technique de problèmes. Des ingénieurs qui, tout en maîtrisant les outils de la technologie, comprennent que leur rôle s’inscrit dans un projet collectif plus vaste. Les humanités ne sont donc pas une option supplémentaire dans le parcours des ingénieurs : elles constituent un socle essentiel pour construire une société dans laquelle le progrès technique rime avec progrès humain.

La décision de supprimer l’épreuve de français dans certains concours d’ingénieurs invite ainsi à une réflexion plus large sur le type de professionnels que nous souhaitons former pour l’avenir. Cultiver la richesse de la pensée humaine et encourager la culture générale doivent être des priorités dans un monde où les compétences purement techniques ne suffisent plus.

SOURCE : LES ECHOS

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