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ÉDUCATION
21
May 2025

« ils sont remontés à bloc ! » : au lycée de l’Authie, cap sur Sciences-po pour des lycéens ruraux

Grâce à des partenariats noués avec Sciences-po, les lycéens de l’établissement d’Authie, dans la Somme, suivent un accompagnement spécifique pour faciliter leur accès à l’école parisienne. Reportage.

Un lycée rural à plus de 170 km de Sciences-po Paris

Le lycée polyvalent de l’Authie, situé à Doullens dans la Somme, se trouve à plus de 170 kilomètres de Paris, là où Sciences-po accueille ses étudiants rue Saint-Guillaume. Pour Jello, élève de terminale générale dans ce lycée rural, la distance n’est pas seulement géographique : « il y a d’autres barrières que la simple distance, des barrières symboliques. »

Depuis la classe de seconde, Jello participe au programme de convention d’éducation prioritaire (CEP), mis en place par Sciences-po avec 202 établissements en France, dont le sien depuis 2022. En janvier 2024, un second partenariat a été signé, cette fois destiné aux élèves de la voie professionnelle. « Cette convention diffère de celle pour les lycéens généraux, explique Nathalie Mons, proviseure. Alors que la CEP prépare à l’entrée à Sciences-po, l’autre convention aide les élèves professionnels à envisager des études supérieures, pas nécessairement à Sciences-po. »

Une convention unique avec un lycée rural

Ce dispositif inédit intègre l’association Une voie pour tous, qui épaule les jeunes dans leur parcours. Le lycée de Doullens est l’un des trois établissements concernés, aux côtés d’un lycée de Guadeloupe et d’un autre situé en zone d’éducation prioritaire à Sarcelles.

« il y a beaucoup d’autocensure chez ces élèves »

Avec un indice de position sociale (IPS) de 88,20, bien en dessous de la moyenne nationale (102), le lycée de Doullens reflète un territoire en difficulté. « Près de 46 % de nos élèves ont un parent au chômage ou en difficulté contre 26 % au niveau national », souligne la proviseure. Elle insiste : « dans un territoire rural à revitaliser comme le nôtre, l’accès aux études supérieures représente un vrai enjeu. »

Les conventions avec Sciences-po répondent à une volonté d’égalité des chances. Dylan Ayissi, fondateur de l’association Une voie pour tous, le résume ainsi : « il faut redonner de la légitimité à ces jeunes. » Bertrand Houbart, en charge du dispositif côté voie générale, appuie ce constat : « il y a beaucoup d’autocensure chez ces élèves. »

L’importance du travail de l’oral

Qu’ils visent ou non Sciences-po, tous les élèves du programme s’entraînent à l’oral. « C’est ce qui leur manque le plus, alors que c’est essentiel dans les études supérieures comme dans la vie professionnelle », explique Ludivine Barbier, enseignante de lettres-histoire géographie, référente pour les élèves de la voie pro.

Les ateliers du vendredi s’appuient sur des associations partenaires, comme Graines d’orateur, pour développer cette compétence. Le jeudi, c’est au tour des élèves de la voie générale. Ce jour-là, Noé et ses camarades de seconde travaillent un exercice de commentaire d’image – ici, une photo de Joseph Goebbels – en vue du concours d’entrée à Sciences-po.

Pour Noé, qui ambitionne de devenir journaliste, ces ateliers vont bien au-delà de la préparation scolaire. « On acquiert une culture générale utile pour d’autres cours comme le français ou l’histoire-géo. »

Des efforts hebdomadaires pour progresser

Chaque semaine, les participants consacrent une à deux heures supplémentaires à ces ateliers. Abdenour Ahlifaou, responsable des programmes à Une voie pour tous, a alerté les élèves sur un obstacle majeur : « ce n’est pas tant la charge de travail que la peur de s’ennuyer. On leur a tellement répété que ce n’était pas pour eux qu’ils ont fini par le croire. Mais après quelques séances, ils sont remontés à bloc ! »

La légitimité en question chez les lycéens pros

Les élèves de la voie professionnelle doivent passer un entretien de motivation pour intégrer le programme. « Nous avons veillé à représenter les différentes filières, car les élèves de l’industriel poursuivent moins souvent des études que ceux du tertiaire », précise Nathalie Mons.

Les élèves généraux, eux, sont tous acceptés sans sélection. « Nous tenions à cela, quitte à nous organiser différemment, indique Bertrand Houbart. Mais il faut reconnaître que chaque année, certains abandonnent. » En terminale, sur trois élèves initialement inscrits, seuls deux restent engagés pour le concours. « Il y a le poids de l’exigence académique… mais aussi cette idée que ce n’est pas pour eux », regrette-t-il.

« pourquoi pas moi ? » : l’exemple inspirant de Doriane

Le sentiment d’illégitimité, l’équipe enseignante le connaît bien. « À la fin des ateliers, les élèves sont souvent surpris par leurs capacités. C’est ce genre de déclic que l’on veut provoquer », affirme Ludivine Barbier.

Les rôles modèles jouent ici un rôle crucial. Doriane, ancienne élève du lycée, a intégré Sciences-po Reims en septembre 2024. Son admission a marqué les esprits. « On vient du même village », sourit Maëlle, aujourd’hui en seconde. « L’annonce de son admission a fait grand bruit. On peut venir de Beauval et intégrer une grande école, alors pourquoi pas moi ? » Encouragée par ses amies et soutenue par ses parents, Maëlle a intégré le dispositif à l’automne.

Une mobilité à anticiper et accompagner

Dans la voie professionnelle, les modèles sont plus rares. « C’est encore plus vrai à Doullens », observe Abdenour Ahlifaou, qui travaille également à Sarcelles. « Les jeunes d’Île-de-France ont des références de réussite proches d’eux – dans le sport ou la musique par exemple. Ce n’est pas le cas ici, et cela rend la projection plus difficile. »

La question de la mobilité se pose naturellement. « Pour poursuivre leurs études, ils devront partir. Mais en discuter dès maintenant leur permet de mieux s’y préparer », analyse Ludivine Barbier. Jello, en terminale générale, a lui déjà une idée : il envisage le campus de Reims « pour le parcours américain, mais aussi parce que c’est plus proche. » Et Paris ? « Ce sera pour le master », dit-il avec un sourire.

SOURCE : LE PARISIEN

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