"Ils veulent vivre normalement, quitte à délaisser leurs traitements" : les étudiants en situation de handicap freinés

Les stages à l’étranger, souvent perçus comme des opportunités d’apprentissage et d’autonomie, peuvent devenir un véritable défi pour les étudiants en situation de handicap. L’expérience de la mobilité internationale, bien que valorisée par les grandes écoles, semble difficilement accessible pour certains d’entre eux, notamment en raison des obstacles liés à la santé et aux traitements médicaux.
Un rite de passage souvent inaccessible
Pour la majorité des étudiants des grandes écoles, partir à l’étranger pour un stage fait partie intégrante de leur cursus. C’est une occasion de découvrir d’autres cultures, d’acquérir de l’expérience professionnelle, mais aussi de gagner en autonomie. Cependant, pour les étudiants en situation de handicap (ESH), cette expérience peut rapidement se transformer en un parcours semé d’embûches. Ce phénomène est souvent perçu comme une forme de sanction, une exclusion involontaire de certaines opportunités à cause des difficultés de santé et des contraintes administratives.
Gaëlle Vitali-Derrien, ancienne élève ingénieure de CentraleSupélec et docteure en physique des matériaux, en sait quelque chose. Atteinte de myopathie, une maladie rare dont les traitements sont encore expérimentaux, elle raconte ses difficultés lors de son stage à l’étranger. À 27 ans, elle admet avoir « rencontré de nombreuses galères », notamment lorsqu’elle a décidé de partir seule au Japon pour un stage de trois mois en tant que femme de chambre. « Je pars sans traitement, je veux le laisser derrière moi. Mais sur place, les premiers symptômes de manque se sont manifestés. Mon système immunitaire a réagi fortement, et j’ai fini par faire une grave réaction allergique, me retrouvant à l’hôpital », explique Gaëlle.
Le désir de normalité face aux contraintes de santé
Pour de nombreux étudiants en situation de handicap, quitter le cadre scolaire est l'occasion de tourner la page du "handicapé" qu’ils portent comme une étiquette. Ils souhaitent vivre normalement, sans être constamment rappelés à leur condition. Bénédicte Kail, conseillère nationale éducation et familles de l’association APF France Handicap, note qu’« ils veulent vivre normalement, quitte à délaisser leurs traitements ». Ce désir de normalité les pousse parfois à prendre des décisions risquées pour leur santé, espérant que leur mobilité à l’étranger ne soit pas entravée par leurs traitements médicaux.
Le cas de Gaëlle n’est pas isolé. Après son expérience au Japon, elle a tenté une seconde mobilité, cette fois-ci au Luxembourg. Bien que plus proche de la France, cette expérience n’a pas été moins compliquée. « Les pharmacies luxembourgeoises ne reconnaissaient pas les ordonnances françaises. Je devais régulièrement faire des allers-retours entre le Luxembourg et Paris pour pouvoir obtenir mes traitements. Cela a rendu ma mobilité beaucoup plus compliquée que prévu. »
Les obstacles logistiques : des complications insoupçonnées
Les obstacles auxquels sont confrontés les étudiants en situation de handicap vont au-delà de la simple question des soins médicaux. Des détails apparemment insignifiants, comme la reconnaissance des prescriptions médicales d’un pays à l’autre, peuvent devenir des sources majeures de stress et d’incertitude. De plus, la gestion de la santé à l’étranger, notamment dans des pays où les systèmes de santé sont différents, demande souvent des ajustements logistiques complexes.
Ces difficultés ont un impact significatif sur le bien-être des étudiants. Pour certains, la gestion quotidienne de leur handicap à l’étranger devient une charge supplémentaire qui entrave leur expérience, et dans certains cas, les empêche d’envisager une mobilité internationale. Le manque de structures adaptées, de ressources en matière de santé, et la barrière de la langue, ajoutent à cette complexité, rendant l'expérience encore plus difficile à envisager pour ceux qui sont déjà confrontés à des défis de santé au quotidien.
Un besoin d’accompagnement renforcé
Pour que les étudiants en situation de handicap puissent pleinement bénéficier des opportunités offertes par les stages à l’étranger, un soutien plus concret est nécessaire. Les écoles et universités doivent mettre en place des dispositifs d’accompagnement spécifiques, qui prennent en compte non seulement les aspects professionnels, mais aussi les besoins médicaux et logistiques des étudiants. Les établissements doivent aussi collaborer avec des partenaires internationaux pour s’assurer que les solutions de santé adaptées existent dans les pays d’accueil.
Ainsi, si la mobilité internationale représente une opportunité précieuse pour les étudiants, il est crucial de penser à des solutions pratiques pour surmonter les obstacles inhérents à cette expérience, afin que chacun puisse y participer de manière équitable, sans être freiné par des difficultés administratives ou sanitaires.

SOURCE : LE MONDE

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