Intelligence artificielle dans l’ESR : 28 tendances et initiatives pédagogiques marquantes dans le monde

Les projets et réflexions autour de l’intelligence artificielle, et plus particulièrement de l’IA générative, se multiplient dans l’enseignement supérieur à l’échelle mondiale. De nombreux établissements, qu’ils soient publics ou privés, expérimentent des approches innovantes pour intégrer ces technologies dans leurs formations, recherches et processus administratifs. On constate ainsi des initiatives audacieuses, allant de partenariats avec les géants de la technologie à la mise en place de référentiels de compétences et de guides pratiques, destinés tant aux enseignants qu’aux étudiants.
Ia et formation : accords entre universités et géants de la tech
Dans le cadre de la démocratisation de l’IA dans l’enseignement, plusieurs universités ont signé des accords stratégiques avec de grandes entreprises technologiques. Par exemple, l’université d’État de Californie vient de conclure un partenariat historique impliquant une douzaine d’acteurs majeurs tels qu’OpenAI, Microsoft, Nvidia ou encore Alphabet/Google. L’objectif est de former l’ensemble de ses 460 000 étudiants et 63 000 personnels aux usages et enjeux de l’IA, assurant ainsi une montée en compétences à l’échelle de l’institution.
Par ailleurs, l’émergence de ChatGPT Edu – une version spécialement conçue pour le milieu académique – suscite l’intérêt de plusieurs établissements. Des témoignages recueillis dans des universités reconnues, comme celle d’État de l’Arizona, Columbia ou encore la Wharton School de l’université de Pennsylvanie, montrent que l’outil est déjà utilisé pour enrichir l’expérience pédagogique et faciliter l’accès à certaines notions complexes.
Quels outils de gouvernance dans les universités ?
L’intégration de l’IA générative dans l’enseignement ne se limite pas à la formation initiale : elle s’accompagne également d’une réorganisation des dispositifs de gouvernance. Plusieurs universités ont mis en place des comités et des groupes de travail chargés d’élaborer des recommandations et des lignes directrices afin d’encadrer l’usage de l’IA.
- Genève
Le nouveau rectorat de l’Université de Genève a publié un tour d’horizon des recommandations émises par ses facultés. Ce document, qui actualise une première prise de position, est piloté par une vice-rectrice spécialisée dans le numérique et l’IA. Il propose également un guide destiné à l’ensemble de la communauté universitaire. - Toronto
À l’Université de Toronto, un conseiller prévôtal coordonne un groupe de travail dédié à l’IA. Cette démarche vise à rassembler et formaliser des lignes directrices et protocoles qui orienteront les pratiques pédagogiques et administratives de l’institution. - Sherbrooke
L’Université de Sherbrooke, quant à elle, a sollicité un comité d’experts à la demande de sa vice-rectrice aux études. Ce groupe a publié des recommandations et une invitation à l’action, avec pour objectif de repenser et d’adapter les programmes d’études afin de mieux intégrer les enjeux liés à l’IA. - Laval et Montréal
L’Université Laval a ainsi défini cinq principes directeurs pour baliser la réflexion sur l’IA dans l’enseignement et l’apprentissage, tandis que l’Université de Montréal a opté pour un format de lignes directrices afin de promouvoir une utilisation adéquate de l’IA générative dans les études supérieures.
Ces initiatives témoignent d’un mouvement global vers une gouvernance plus structurée et réfléchie de l’intégration de l’IA dans l’enseignement supérieur.
Enseignants et doyens : usages et visions de l’ia
La transformation pédagogique induite par l’IA se ressent également chez les enseignants et les responsables académiques. Plusieurs enquêtes réalisées dans des écoles de commerce et autres institutions montrent que, malgré certaines réserves, la majorité des doyens et professeurs sont optimistes quant au potentiel transformateur de l’IA. Une étude de l’AACSB, qui a interrogé plus de 600 acteurs du secteur, révèle que l’IA générative est perçue comme un levier majeur pour l’innovation dans l’enseignement et la recherche.
D’ailleurs, selon le rapport annuel d’Ellucian, l’adoption de l’IA par les professionnels de l’enseignement supérieur a plus que doublé en l’espace d’un an. Parallèlement, des référentiels de compétences, comme celui traduit en français par l’Unesco, visent à définir les connaissances et valeurs nécessaires pour accompagner cette révolution numérique. Ces outils sont essentiels pour préparer les enseignants aux nouvelles exigences et pour guider les étudiants dans l’acquisition de compétences pertinentes.
L’IA générative, par exemple, permet aux enseignants de gagner du temps pour se concentrer sur des projets à forte valeur ajoutée, en simplifiant l’apprentissage de notions complexes et en facilitant la compréhension des attentes dans des études de cas pratiques.
Guides récents pour les enseignants
Face à la montée en puissance de l’IA, plusieurs guides pratiques et ressources ont été élaborés pour accompagner le corps enseignant dans cette transition. Parmi ceux-ci, on peut citer :
- Le guide du ministère de l’Éducation du Québec sur l’utilisation pédagogique, éthique et légale de l’IA générative.
- Un document de l’université catholique de Louvain intitulé « Intégrer l’IA générative dans les stratégies pédagogiques ».
- Le guide de l’Université de Genève destiné à l’ensemble de sa communauté universitaire.
- Le guide d’intégration de l’IA générative pour les activités d’enseignement et d’évaluation proposé par HEC Montréal.
Ces ressources offrent des conseils pratiques pour encadrer l’usage de l’IA en classe, afin d’en exploiter pleinement le potentiel tout en respectant des cadres éthiques et légaux stricts.
Esprit critique, es-tu là ?
L’un des enjeux majeurs de l’intégration de l’IA dans l’enseignement supérieur concerne le développement de l’esprit critique. Des chercheurs de Microsoft et de l’Université Carnegie-Mellon mettent en garde contre le risque d’un “affaiblissement” des capacités cognitives, en soulignant que l’IA peut inciter à une pensée moins autonome si elle n’est pas encadrée. Ils préconisent ainsi de former les “travailleurs du savoir” à vérifier les informations, à intégrer les réponses et à gérer efficacement les tâches.
De plus, des initiatives visant à lutter contre la désinformation amplifiée par l’IA se multiplient. Par exemple, l’Observatoire international sur les impacts sociétaux de l’IA et du numérique, porté par l’Université Laval, a recensé 58 initiatives depuis 2018, principalement en Amérique du Nord et en Europe, dédiées à l’éducation contre les fake news et les manipulations numériques.
Le développement de méta-compétences, telles que la capacité à formuler des requêtes pertinentes et à cultiver la curiosité, est également encouragé. Ces compétences sont essentielles pour apprendre à apprendre dans un environnement où l’IA joue un rôle central.
Enfin, une recherche menée à l’Université de Namur (Belgique) explore l’usage spontané de ChatGPT par les étudiants de première année. Parallèlement, l’institution lance un cours sur l’IA accessible à tous, afin de préparer les étudiants aux défis d’un monde de plus en plus numérique.
Vers une utilisation stratégique de l’ia en pédagogie
L’horizon pédagogique semble se diriger vers une intégration stratégique de l’IA. Selon une analyse réalisée par le site Collimateur de l’Uqam, 2025 marquera une transition où l’ingénierie avancée des requêtes et une collaboration renforcée entre concepteurs pédagogiques et spécialistes de l’IA deviendront la norme. Dès 2026, on s’attend à voir se développer des projets collaboratifs favorisant l’échange de bonnes pratiques entre établissements.
L’IA générative ouvre également la voie à la création rapide de contenus pédagogiques, notamment sous forme de vidéos, qui pourraient transformer la manière dont les cours sont dispensés. Par ailleurs, Educause souligne que les enjeux liés à l’IA encouragent une coopération accrue entre les institutions d’enseignement supérieur, afin de réduire les disparités d’usage et d’enrichir les réflexions sur la pédagogie de demain.
L’évaluation, l’autre révolution amenée par l’ia
L’arrivée de l’IA générative pose également de nouveaux défis en matière d’évaluation. Les établissements se retrouvent confrontés à la nécessité de repenser les modalités d’évaluation des compétences. Un article édité par Admee Canada identifie cinq enjeux majeurs, parmi lesquels la difficulté à distinguer une production humaine d’une production générée par une machine, ainsi que l’évaluation de l’authenticité du travail fourni par les élèves.
À Lausanne, l’Université propose un modèle innovant baptisé Prax-IA, qui vise à positionner les évaluations académiques face à ces nouvelles réalités. Ce cadre de soutien encourage à réfléchir globalement sur l’impact de l’IA dans les cours et à adapter les méthodes d’évaluation en conséquence.
Par ailleurs, l’intégration des learning analytics – analysant les données d’apprentissage – est également transformée par l’IA, qui permet d’expliquer aux étudiants l’origine et l’interprétation de leurs résultats, grâce à des intermédiaires conversationnels.
De la nécessité d’une réflexion éthique
L’éthique occupe une place centrale dans la réflexion autour de l’intégration de l’IA dans l’enseignement supérieur. Plusieurs institutions mettent en avant l’importance d’une utilisation responsable et inclusive de ces technologies.
- À l’Université catholique de Louvain, un groupe de travail a formulé des recommandations visant à encadrer l’usage éthique de l’IA générative pour étudiants, enseignants et chercheurs.
- À Sydney, étudiants et personnels se sont mobilisés lors de hackathons pour co-construire un guide sur l’utilisation responsable de l’IA dans l’évaluation et l’apprentissage.
Ces initiatives montrent que l’approche éthique ne se limite pas à la réglementation, mais vise également à développer l’esprit critique et à garantir que les technologies restent au service de l’humain.
Educause, entre autres, insiste sur le fait que la réflexion éthique doit permettre d’établir des cadres d’évaluation des services liés à l’IA, de définir des politiques inclusives et de renforcer la capacité des individus à analyser et intégrer les informations de manière autonome.
Une aide pour tous les étudiants ?
Les applications de l’IA ne concernent pas uniquement le corps enseignant ou les institutions : elles touchent également le quotidien des étudiants. Plusieurs initiatives montrent que l’IA peut jouer un rôle déterminant dans l’optimisation des processus d’admission et de suivi académique.
Certains étudiants utilisent déjà des outils d’IA pour simplifier leurs démarches d’admission, bien que d’autres préfèrent s’en passer afin de garantir l’équité et éviter les biais potentiels. Un rapport d’Acuity Insights souligne que l’IA façonne progressivement l’avenir des admissions dans l’enseignement supérieur.
De plus, un consortium de community colleges aux États-Unis se mobilise pour offrir aux étudiants, en particulier ceux issus de milieux historiquement défavorisés, des formations ciblées sur les compétences en IA. Cette initiative, soutenue par Complete College America et la plateforme Riipen, vise à démocratiser l’accès aux technologies de pointe et à réduire les inégalités dans le secteur de l’éducation.
Enfin, un rapport de Pearson indique que les étudiants voient dans l’IA un moyen d’apprendre de façon plus efficace, en leur offrant des ressources personnalisées et en facilitant l’accès à des contenus adaptés à leurs besoins spécifiques.
En conclusion, l’intelligence artificielle transforme profondément le paysage de l’enseignement supérieur. Qu’il s’agisse des partenariats avec les géants de la tech, des nouvelles stratégies pédagogiques, des réformes en matière d’évaluation ou de la réflexion éthique qui en découle, les initiatives décrites ici illustrent un mouvement global vers une intégration progressive et structurée de l’IA. Cette transformation, à la fois technique et humaine, ouvre la voie à une éducation plus inclusive, adaptable et en phase avec les défis du XXIe siècle.

SOURCE : AEF INFO

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