Je ne le remarque même plus : pourquoi aux Antilles l'uniforme à l'école ne fait pas débat

Un ancrage historique et culturel
Abandonné en 1968 en Hexagone, l'uniforme reste très répandu dans la plupart des établissements scolaires en Guadeloupe et en Martinique. Résultat d'une adhésion générale, il est ancré dans la société antillaise.
Une tradition bien acceptée par les élèves
Haut vert et jupe bleue, comme tous les matins, Maëlisse, 10 ans, est habillée de la même façon que sa sœur. "Pas tout à fait! Car moi, je porte une jupe et elle un jean", nuance l'écolière. À l'école primaire de Rivière-Salée en Martinique, les élèves portent ce qu'on appelle la "tenue unique" avec pour seul mot d'ordre un code couleur: vert et bleu. “J’aime bien mon uniforme, je m'y suis habituée! Même si parfois j'aurais aimé m'habiller comme je veux", exprime Maëlisse.
Une initiative qui fait ses preuves depuis des décennies
La "tenue commune" sera également expérimentée dès la rentrée 2024 dans une centaine d'établissements de l'Hexagone. En Guadeloupe et en Martinique, des centaines de milliers d’élèves sont habitués à prendre le chemin de l’école vêtus d’un uniforme scolaire. Hérité de l'époque coloniale, "l'uniforme s'est généralisé il y a une vingtaine d’années en Martinique à la suite de nombreuses agressions dans les établissements scolaires", selon Michel Tondellier, sociologue à l’Université des Antilles.
Un outil de sécurité devenu une norme sociale
Le but de ce dispositif était avant tout de "répondre à un enjeu sécuritaire en rendant possible l'identification des élèves grâce à un uniforme". Avant cette règlementation, il était beaucoup plus facile pour des individus extérieurs de s'infiltrer dans les établissements scolaires. "Le plus fascinant est qu'il n'a jamais été imposé par le rectorat, puisqu'il incombe à chaque établissement et aux parents d'élèves de le rendre obligatoire ou non", souligne le sociologue.
Un uniforme qui efface les différences... ou presque
Si le port de l'uniforme répondait à une logique de sécurité, il est aujourd'hui une banalité pour les élèves. "Je ne le remarque même plus, je l'ai toujours porté. C'est une tradition ici, mais c'est aussi pour moi synonyme d'unité", confie Nathanaël, 14 ans, élève dans un collège à Basse-Terre (Guadeloupe). En Martinique et en Guadeloupe, un uniforme complet coûte entre 70 et 300 euros par an, selon les fournisseurs locaux.
Les disparités sociales persistent malgré l'uniforme
"Ça représente une belle économie et un gain de temps considérable le matin!", partage la mère d'Aliyah, 9 ans. Toutefois, l'uniforme peut parfois révéler des inégalités qu'il était pourtant censé effacer. "Au sein des familles les plus pauvres, l'uniforme se transmet souvent de génération en génération, le petit frère héritant du polo du plus grand et ainsi de suite", observe Michel Tondellier. Ainsi, le vêtement le plus délavé devient l'apanage des familles les plus démunies.
Un soutien financier absent en Guadeloupe et Martinique
Dans le cadre de l'expérimentation en Hexagone, Gabriel Attal, ancien ministre de l'Éducation nationale, avait annoncé que la "tenue commune" serait entièrement gratuite pour les familles. "Une initiative étonnante", selon Marie-Clotilde Hardy-Dessources, proviseure, qui espère que cette aide sera généralisée sur tout le territoire, y compris en Martinique et Guadeloupe.
Une dimension réglementaire et éducative
"Grâce à l'uniforme, les établissements scolaires pensent pouvoir redorer leur blason en gommant l'image de 'bad boy' ou de 'fille facile'", analyse Michel Tondellier. Les équipes pédagogiques tentent de corriger ces stéréotypes en interdisant certains habits, avec pour objectif "d'empêcher l'érotisation des jeunes filles tout en éloignant les garçons d'une culture de la rue". Pour certains proviseurs, l’uniforme prépare aussi les élèves à la vie active, en leur enseignant qu’une tenue correcte est exigée, tant à l’école qu’au travail.
Faire passer la pilule grâce à l'implication des élèves
Pour favoriser l'adhésion à l'uniforme, certains établissements ont impliqué les élèves. En 2010, la direction du lycée Acajou II en Martinique a lancé un concours pour permettre aux élèves de choisir les couleurs et le logo de leur uniforme. "L'idée était de fédérer les élèves autour d'une tenue scolaire et de les rendre acteurs de leur uniforme à travers un projet ludique", explique une enseignante. Une stratégie qui, selon Mathéo, ancien élève, a permis "de mieux faire passer la pilule".
Absence de données scientifiques en France
À ce jour, aucune étude scientifique ne prouve les effets de la tenue scolaire en France. Dans la littérature anglophone, certains chercheurs, comme David Brunsman, avancent que l’uniforme peut avoir des effets négatifs, accentuant les inégalités sociales. Aux États-Unis, la plupart des écoles publiques où l'uniforme est obligatoire regroupent des élèves issus de milieux défavorisés, tandis que les établissements plus aisés l'exigent moins souvent.

SOURCE : BFMTV

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