Jean-Pierre Bellon : «Il faut redéfinir les règles de vie en classe»

Jean-Pierre Bellon, enseignant en philosophie et pionnier de la lutte contre le harcèlement, propose 10 mesures pour restaurer l'ordre dans les écoles françaises dans son livre «Renouer avec l’autorité à l’école» (ESF Sciences humaines).

JEAN-PIERRE BELLON - Plusieurs facteurs expliquent ce déclin. L'augmentation massive du nombre de lycéens depuis les années 70, passant de 700 000 à plus de 2 millions, a créé un engorgement. De plus, l'idée que tout est négociable à l'école a permis le développement de propos grossiers et injurieux entre élèves, et même envers les professeurs. Une enquête de 2019 a révélé que 25 % des enseignants avaient été moqués ou insultés. Il est crucial d'imposer une tolérance zéro pour les discours racistes, sexistes ou homophobes et de rétablir des normes de communication appropriées à l'école.

Mesure clé : redéfinir les règles de vie en classe

La mesure principale de mon ouvrage est de redéfinir et faire respecter les règles de vie en classe. J'ai identifié 56 infractions (insultes, bavardages, harcèlement, etc.) à traiter avec une liste claire de sanctions. Chaque infraction doit être systématiquement traitée et punie avec la même sévérité.

Application du règlement

Pour appliquer ce règlement, il faut réformer le système des sanctions. Les enseignants ne devraient plus donner des punitions comme les heures de retenue, mais signaler systématiquement les incidents via des fiches. Une commission spécifique, composée de trois personnes, examinerait les infractions et proposerait les sanctions appropriées au chef d'établissement après avoir entendu l'élève. Ce système permettrait des sanctions plus justes, car les enseignants, souvent débordés, laissent passer certaines fautes ou punissent sous le coup de la colère, ce qui n'est jamais idéal.

Fermeté et soutien des chefs d'établissement

Il est essentiel que les chefs d'établissement soient fermes et soutiennent leurs enseignants en encourageant le signalement des incidents et en appliquant systématiquement les sanctions. Beaucoup d'enseignants se sentent abandonnés par leur hiérarchie et hésitent à signaler leurs difficultés. Il est également nécessaire de recruter plus de surveillants, dont le rôle est crucial. Le budget 2024 prévoit la suppression de près de 1 000 postes de surveillants, alors qu'ils sont essentiels pour traiter et signaler les infractions.

Pause numérique à l'école

Je soutiens l'interdiction totale des téléphones portables à l'entrée des établissements. Les élèves devraient déposer leurs téléphones dans des casiers fermés à clé avant d'arriver en classe pour éviter leur utilisation durant le temps scolaire. Les portables sont actuellement interdits, mais les élèves les ont toujours sur eux, ce qui crée une situation ingérable pour les enseignants.

Lutter contre l'absentéisme

L'absentéisme est un fléau car il met les enfants en danger. Une volonté politique ferme est nécessaire pour y remédier. Actuellement, une amende de 135 euros peut être infligée aux parents d'élèves absents, mais le processus est trop complexe. Simplifier ce système et suspendre les bourses ou les allocations familiales des familles concernées pourrait être des solutions efficaces.

Aider les familles débordées

L'école gratuite et obligatoire est une chance pour les familles, et elles doivent s'assurer que leurs enfants y vont. Des mesures d'accompagnement peuvent être mises en place, comme le soutien d'une assistante sociale. Les chefs d'établissement qui contactent systématiquement les parents des élèves absents obtiennent souvent de bons résultats.

Réponse aux contestations parentales

Il est important de mieux accueillir les parents et de leur expliquer les décisions prises, tout en interdisant les contestations de sanctions, de notes ou de contenu de cours pour des raisons religieuses. Les chefs d'établissement doivent soutenir les enseignants et les protéger des pressions parentales. Les professeurs ne doivent pas être interpellés à la sortie des cours ni répondre immédiatement aux messages en ligne.

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SOURCE : LE FIGARO