Jusqu’où les écrans amplifient-ils le harcèlement scolaire ?

À l’approche de la Journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire, le 7 novembre, la question de l'impact des réseaux sociaux et des nouvelles technologies sur le harcèlement scolaire se pose avec acuité. À l'ère de l'hyperconnexion, Amélia Matar et d’autres experts s’interrogent sur le rôle des outils numériques dans la propagation de ces comportements délétères.
Harcèlement et cyberharcèlement : une continuité inquiétante
Le harcèlement scolaire implique des comportements hostiles – moqueries, insultes, exclusions – qui se produisent en milieu scolaire. Lorsqu’ils se prolongent en ligne, dans les groupes WhatsApp ou sur les réseaux sociaux, on parle alors de cyberharcèlement. Les statistiques sont préoccupantes : chaque année, environ 11 % des enfants sont harcelés à l’école, et deux collégiens sur dix rapportent subir des insultes ou des menaces en ligne.
Les réseaux sociaux permettent une continuité du harcèlement au-delà des heures de classe. Des situations dramatiques, comme celle de Samara, une collégienne de Montpellier gravement agressée suite à des tensions amplifiées sur les réseaux sociaux, rappellent combien ces outils peuvent exacerber la violence. Des comptes anonymes diffusent des insultes et des montages photos d'une cruauté rare, mettant en lumière la difficulté de contrôler l’impact de la technologie.
Cyberharcèlement : reflet ou cause des conflits scolaires ?
Emmanuelle Piquet, thérapeute spécialisée dans les souffrances scolaires, rappelle que les conflits en ligne sont souvent le prolongement de problèmes rencontrés en face-à-face. Le cyberharcèlement, selon elle, n’est pas un phénomène autonome ; il est le miroir de situations déjà existantes à l’école, que ce soit dans la cour de récréation ou en classe. Dans ses consultations, elle constate que les groupes WhatsApp de classe deviennent des extensions numériques des tensions vécues au quotidien.
« Mettre la faute uniquement sur la technologie serait une simplification », avertit Piquet. Les parents, souvent inquiets de l’exposition de leurs enfants aux écrans, doivent aussi prêter attention aux relations et aux interactions qui se déroulent en présentiel. L’expérience de leurs enfants en milieu scolaire est tout aussi cruciale que leur comportement en ligne.
Vers des solutions globales et adaptées
Face à l’ampleur du phénomène, diverses initiatives existent pour encadrer et prévenir le harcèlement, à la fois scolaire et en ligne. Le numéro d’urgence 3018, mis à disposition pour les victimes de cyberharcèlement, permet de signaler des abus et de trouver un soutien immédiat. Des programmes comme le plan pHARe, déployé dans l'ensemble des établissements scolaires en France, visent à sensibiliser les élèves et à réduire les comportements harcelants.
Mais au-delà des campagnes de sensibilisation, des approches innovantes comme la méthode Palo Alto, popularisée par Emmanuelle Piquet, offrent des solutions concrètes aux jeunes victimes. Cette approche, inspirée par des travaux de psychologie menés en Californie dans les années 1950, vise à accompagner les jeunes dans l'élaboration de réponses stratégiques et non violentes face aux harceleurs. Ces interventions, souvent structurées en cinq séances, aident les victimes à inverser les dynamiques de pouvoir de manière subtile mais efficace.
La méthode Palo Alto en action : reprendre le contrôle face aux harceleurs
La méthode Palo Alto se distingue par son approche non conventionnelle : elle enseigne aux victimes à répondre de manière désarmante et parfois déconcertante, sans agressivité, mais avec un impact déstabilisant pour le harceleur. Emmanuelle Piquet raconte, par exemple, l’histoire d’une élève souvent moquée à cause de son surpoids. Plutôt que de se laisser atteindre, la fillette décide de répondre en proposant son dessert à celui qui la critique, montrant ainsi une prise de contrôle sur la situation. Cette répartie inattendue a contribué à mettre un terme aux moqueries.
Ce type de stratégie, illustrée dans le manuel pratique Manuel de survie face aux harceleurs, à paraître le 7 novembre, propose plusieurs scénarios inspirés de situations réelles. Le format bande dessinée rend cette méthode accessible aux jeunes, leur permettant d’observer comment d’autres ont su retourner les situations de harcèlement à leur avantage.
Vers une approche équilibrée : comprendre l’impact des écrans sans les diaboliser
Il est certain que les réseaux sociaux et la technologie posent des défis nouveaux, mais il est essentiel de ne pas les rendre seuls responsables du harcèlement. La technologie n’est qu’un outil, et elle reflète souvent des tensions et des problèmes préexistants dans la vie réelle. En ligne, les jeunes ont parfois plus de temps pour réfléchir et préparer une réponse appropriée, ce qui peut jouer en leur faveur.
En abordant le harcèlement scolaire et en ligne comme un phénomène global, les parents, les enseignants et les thérapeutes peuvent construire des stratégies plus efficaces pour encadrer les enfants. Au lieu de diaboliser la technologie, il est préférable de l'intégrer dans une prise en charge globale des conflits scolaires. La méthode Palo Alto et les programmes comme pHARe montrent qu’il est possible de fournir aux jeunes des outils pour se défendre intelligemment et résister aux pressions sociales.
En conclusion, si l’hyperconnexion a amplifié certaines formes de harcèlement, elle peut aussi fournir des solutions, en renforçant les outils de soutien et d’accompagnement. Les efforts conjoints des familles, des écoles et des institutions permettent d’offrir aux jeunes un environnement où la résilience face au harcèlement, qu’il soit physique ou numérique, devient une compétence à part entière.

SOURCE : FRANCE INFO

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