La réforme de l’école ne se décrète pas, elle se construit !

Le linguiste Alain Bentolila dénonce l’impatience des ministres de l’Éducation nationale. « Les changements qui comptent s’inscrivent sur plusieurs générations », dit-il.
Aucun des responsables qui, au début de leur mandat, promettent de « métamorphoser » l'école – je dis bien aucun – n'a jamais été capable de se dire : « Je ne verrai certainement pas, ni en tant que responsable ni peut-être en tant qu'être vivant, les effets de mes décisions, et c'est ce qui fait la beauté de la mission à laquelle j'aspire ! » Dans un monde où seule compte l'image fabriquée, où l'on ne voit pas plus loin que ses propres réseaux sociaux, comment espérer qu'un responsable politique comprenne que les changements significatifs en matière d'éducation et de culture s'inscrivent sur plusieurs générations ? Croire qu'il serait possible de décréter le changement de manière immédiate dans le domaine de l'éducation est une erreur grave. Tous semblent ignorer que la métamorphose d'une école capable de forcer le destin des élèves fragiles ne se décrète pas, mais se construit avec patience, volonté et courage sur plusieurs générations.
La comète Gabriel Attal à l'Éducation nationale
Notre éphémère ministre de l'Éducation, Gabriel Attal, illustre parfaitement ces jeunes hommes politiques impatients qui croient aux solutions miracles. Dès son arrivée rue de Grenelle, en juillet 2023, il a mis en lumière la question cruciale des inégalités de performances entre élèves. Bien que son constat ait été pertinent, son analyse laisse à désirer. Selon lui, la présence d'élèves en difficulté linguistique et culturelle dans une même classe est préjudiciable pour tous, freinant l'avancement des élèves moins fragiles et rendant la tâche impossible aux enseignants. Il néglige ainsi les avantages que peut apporter l'hétérogénéité d'un groupe.
Son constat était donc juste, mais son remède, à savoir créer des groupes de niveaux pour homogénéiser les classes, s'avérait inefficace et dangereux. Cette approche risquait de créer une école à deux vitesses, où les élèves les plus fragiles seraient relégués à un entre-soi néfaste, limitant leurs ambitions et perspectives. Quant aux meilleurs, les recherches récentes ne montrent aucun bénéfice à une telle sélection. Fort heureusement, cinq mois plus tard, vous fûtes appelé à d'autres responsabilités et vos successeurs ont oublié vos propositions, mais ils ont aussi enterré le problème.
Les mêmes ambitions républicaines pour tous
Une école qui se veut véritablement républicaine doit offrir à tous ses élèves, quelle que soit leur origine ou leur langue maternelle, les mêmes ambitions cognitives. Il est inacceptable qu'une école se disant « inclusive » permette que le destin intellectuel et social de certains élèves soit limité à cause d'une maîtrise insuffisante du français ou d'un manque d'exposition à une culture riche.
Il est impératif que nous nous engagions à enseigner la grammaire du français, à enrichir le vocabulaire de nos élèves et à leur ouvrir les portes de notre culture littéraire et scientifique. Cependant, réduire nos ambitions à cause de différences linguistiques et culturelles serait non seulement lâche, mais également une grave faute. Nous devons laisser une empreinte positive dans la transmission des valeurs et des savoirs.
Laisser une trace dans la transmission des valeurs et des savoirs
Dans notre système éducatif actuel, la solution ne réside ni dans une promotion complaisante ni dans un redoublement imposé aux plus fragiles. La seule voie efficace consiste à valoriser l'intelligence de tous nos élèves en leur démontrant qu'ils comptent, chacun à leur manière, aux yeux de leurs enseignants.
Être enseignant, c'est chaque matin, malgré les difficultés, les appréhensions et les désillusions, ouvrir la porte de sa classe avec enthousiasme. Là attendent, chaque jour, une trentaine d'« enfants des autres », souvent perdus, qui peuvent ne pas comprendre leur présence ou désirer être ailleurs. Chaque jour, l'enseignant doit établir ce lien éducatif, qui consiste à esquisser dans son esprit et celui de ses élèves un avenir meilleur, plus riche de sensibilité qu'aujourd'hui et plus explicite que par le passé.
Chaque matin, il doit s'engager à laisser une empreinte sur chacune de ces jeunes intelligences. Une empreinte incertaine et éphémère, interprétée différemment par chaque élève, mais néanmoins unique, laissée par un adulte dévoué à la transmission des valeurs et des savoirs.
L'école, lieu d'élévation et non de guérillas idéologiques
Une école qui abandonne l'idée de forcer le destin des élèves fragiles condamne ces jeunes à errer dans un désert culturel, vulnérables aux pièges d'une inculture ambiante. Dans ce contexte, elle perdrait une bataille cruciale. Quelle que soit leur origine ou leur catégorie sociale, un enseignant doit s'assurer que tous ses élèves sont équipés linguistiquement et culturellement pour résister à la tentation de l'inculture, de l'insignifiance et de la soumission.
La seule manière de lutter contre « l'ivresse barbare » est de faire de la raison de tous les élèves un rempart contre la violence et la bêtise. En résumé, l'éducation doit mettre fin aux guérillas idéologiques qui entravent la transmission des savoirs et la formation des esprits. Il n'existe pas une éducation de gauche et une éducation de droite. Il y a ceux qui croient que l'école doit aspirer à des ambitions d'autonomie et d'élévation pour tous les élèves, et ceux qui souhaitent que rien ne change.

SOURCE : LE POINT

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