Le système de formation technologique doit évoluer pour la réindustrialisation

Repenser la formation pour soutenir l’industrie

Dans une étude publiée en avril 2025, le cabinet Ither Consult interroge la capacité du système de formation technologique français à répondre aux besoins de la réindustrialisation. Intitulée Les formations technologiques, clés de l’avenir industriel de la France, cette analyse met en lumière les défis structurels et culturels du secteur, tout en proposant des pistes de transformation articulées autour de quatre axes : atmosphère, adéquation, alliances et autonomie.

Une méfiance envers la technologie persistante

L’étude pointe un désintérêt croissant pour la technologie, voire une méfiance généralisée. Selon les auteurs, cette perception est alimentée par l’idée que les technologies participent à la dégradation de l’environnement, à la suppression d’emplois ou encore à la fragilisation des démocraties. Une partie du monde scientifique elle-même entretient un relativisme technologique, ce qui nuit à la cohésion des discours et à l’attractivité des formations associées.

Un paradoxe entre le secondaire et le supérieur

Le statut ambigu de la voie technologique est un autre point souligné. Dans le secondaire, elle est peu valorisée, coincée entre filières générale et professionnelle. En revanche, dans le supérieur, les écoles d’ingénieurs incarnent l’excellence, avec des formations attractives, sélectives et aux forts débouchés.

Toutefois, la recherche technologique publique, souvent en lien avec l’industrie, peine à s’imposer dans le monde académique, révélant un décalage entre reconnaissance et nécessité. Pour Ither Consult, la réconciliation du pays avec la technologie passe nécessairement par la formation.

La diversité des statuts des écoles d’ingénieurs

L’étude retrace l’évolution des formations technologiques en France, en s’attardant sur la diversité statutaire des écoles d’ingénieurs. Celles-ci forment aujourd’hui environ 250 000 étudiants.

Parmi les grandes évolutions figure la montée des écoles internes aux universités, qui forment désormais un cinquième des ingénieurs. D’autres écoles bénéficient du statut de grand établissement, renforçant leur autonomie. Mais cette diversité engendre des inégalités de financement, de gestion RH et de positionnement scientifique.

Une unité renforcée autour de la recherche

Malgré leurs différences, les écoles d’ingénieurs partagent désormais une caractéristique forte : le développement de la recherche en leur sein. Même les écoles qui n’y étaient pas historiquement associées ont intégré cette fonction, consolidant leur position académique. Cela contribue à l’unité du secteur face aux enjeux contemporains, en particulier ceux de la réindustrialisation.

La CTI, entre normes et réformes

La Commission des titres d’ingénieur (CTI), créée en 1934, est présentée comme un pilier historique et unificateur. Mais l’étude critique son évolution, jugée trop normative : d’un système souple reposant sur l’oral et l’expérience, on serait passé à une démarche qualité lourde et auto-normée.

Les auteurs appellent à un retour à l’esprit originel de la CTI, avec une gouvernance plus "jurisprudentielle", alignée sur les spécificités et la diversité des établissements.

La formation de l’ingénieur selon un modèle triangulaire

L’étude décrit un "idéal-type" de la formation de l’ingénieur selon un triangle structurant : enseignement, recherche, entreprise. Si le lien avec les entreprises est bien établi, la recherche reste parfois marginalisée, notamment dans les grandes structures ou au sein des universités, où elle est pilotée par d’autres acteurs, comme le CNRS.

Ce décalage croissant pourrait affaiblir le lien entre recherche et formation, avec un impact direct sur l’attractivité des écoles et sur la compétitivité industrielle du pays.

Une insertion professionnelle toujours élevée

Malgré les mutations de l’économie, les écoles d’ingénieurs conservent un taux d’insertion élevé. Cette agilité repose sur plusieurs facteurs :

• l’intégration croissante de la recherche dans toutes les écoles ;
• la montée en puissance des enseignements en sciences humaines et sociales, formant des profils d’ingénieurs-managers ;
• l’internationalisation des cursus, qui ouvre des carrières dans les grands groupes mondiaux.

Ces éléments font des écoles d’ingénieurs un atout stratégique pour relever les défis futurs.

Quatre leviers de transformation identifiés

L’étude formule des recommandations autour de quatre axes.

Atmosphère : lutter contre la défiance technologique

Il s’agit de former les citoyens, les professeurs et les décideurs pour limiter les biais cognitifs. Les auteurs dénoncent l’absence de formation scientifique chez la majorité des enseignants du primaire et des responsables politiques, ce qui freine la compréhension et l’appropriation des enjeux technologiques.

Adéquation : repenser l’équilibre formation-emploi

Les auteurs critiquent une tertiairisation excessive des formations et appellent à rééquilibrer les cursus vers les compétences industrielles. Ils recommandent aussi :

• de repenser l’enseignement du numérique ;
• de limiter les poursuites d’études post-BTS ;
• de renforcer la formation continue diplômante.

Alliances : créer des écosystèmes d’innovation

L’étude appelle à développer des écosystèmes régionaux de formation technologique, liés aux pôles de compétitivitéou aux instituts de recherche technologique (IRT). L’État et les régions pourraient y contribuer via un crédit impôt formation (CIF), sur le modèle du CIR.

Autonomie : donner les moyens d’agir aux établissements

L’autonomie est jugée indispensable pour piloter les formations. Les écoles doivent pouvoir définir leur stratégie en matière d’enseignement, de recrutement et de recherche. L’étude propose de rendre visibles les pôles de recherche appliquée au sein des universités, pilotés par les écoles elles-mêmes, en lien avec les organismes de recherche.

SOURCE : AEF INFO