« L’école du like » : le numérique change-t-il la place des parents d’élèves ?

Si les enfants ne racontent pas toujours à leurs parents leurs journées d’école, des applications leur offrent aujourd’hui un aperçu de la vie de classe. Ces outils remplacent progressivement les carnets de correspondance et cahiers de liaison traditionnels, où les enseignants partagent photos et informations pratiques. Mais cela modifie-t-il vraiment le dialogue entre l’école et les familles ?
Un remplacement des carnets de liaison traditionnels
Fini les cahiers de liaison et les carnets de correspondance. Lorsqu’un parent souhaite vérifier l’emploi du temps de son enfant, contrôler une absence ou demander un rendez-vous avec un professeur, il se connecte désormais à des applications dédiées.
Dans le primaire, cette évolution est relativement récente. Des applications comme Klassly, Toutemonannée, ClassDojo, Beneylu School, Edumoov, One, ou Scolnet ont fait leur apparition au cours des années 2010. Au-delà de leur aspect pratique, elles permettent de partager des moments de la journée scolaire avec les familles. Mais est-ce suffisant pour rapprocher les parents de la classe ? Ces outils révolutionnent-ils les échanges entre l’école et les familles ?
Des applications au service de la communication… mais avec des limites
Ces applications visent à faciliter la communication au sein de la communauté éducative. Elles permettent une ouverture de la classe aux parents en envoyant des photos et vidéos de la journée scolaire. D’après notre enquête, cela incite les parents à discuter en famille des activités de leur enfant après l’école, ce qui crée du lien entre l’enseignant, les parents et les enfants.
Cependant, ces applications ne permettent pas un véritable partage pédagogique. Les familles n’ont accès qu’à des moments exceptionnels de la vie scolaire : anniversaires, sorties, projets artistiques, mais pas aux leçons quotidiennes, sauf si celles-ci sont présentées de manière ludique. Cette dimension esthétique, qualifiée de « classe instagrammable », place les parents dans un rôle de spectateurs. Néanmoins, lors des interviews, certains parents se sont montrés sensibles à l’ouverture culturelle et aux activités moins formelles proposées par les enseignants.
Les parents dans un paradoxe relationnel
Finalement, les rôles restent distincts. Les parents veulent à la fois être informés et voir des images de leur enfant souriant. Les enseignants souhaitent partager des moments avec les parents sans empiéter sur leur sphère professionnelle, maintenant une certaine distance. Ainsi, ces applications permettent de satisfaire à la fois le besoin d'information des parents et de préserver des frontières entre les différents acteurs de l’éducation.
Inégalités sociales et communication numérique
Les applications ne remettent pas en question les inégalités sociales face à l’école. Les parents déjà impliqués dans la vie scolaire, maîtrisant les codes sociaux, se sentent à l’aise avec ces outils et peuvent encore mieux participer. En revanche, ceux qui sont plus éloignés de ce système, souvent en raison de leur origine sociale, rencontrent davantage de difficultés.
Il existe néanmoins des initiatives, comme des fonctionnalités de traduction instantanée pour les familles allophones, qui facilitent la communication. Malgré cela, le schéma reste le même : certaines familles bénéficient de cette nouvelle forme de communication, tandis que d’autres en sont exclues.
Un outil démocratique mais qui ne résout pas tout
L’un des avantages notables de ces applications est leur accessibilité via des téléphones mobiles, un outil plus démocratique que l’ordinateur. De plus, leur utilisation est similaire à celle des réseaux sociaux, ce qui les rend inclusives. Aujourd’hui, tout le monde sait envoyer des photos, et ainsi, tout le monde peut utiliser une application scolaire.
Notre enquête révèle que ce sont généralement les enseignants qui initient l’utilisation de ces applications, en réponse à des besoins professionnels et aux attentes des parents pour une communication régulière.
Une nouvelle charge mentale pour les parents
Bien que ces outils simplifient la communication au quotidien, ils imposent également une nouvelle charge mentale, en particulier pour les mères. Les parents se sentent obligés de montrer leur participation en likant les photos ou messages envoyés par les enseignants. Cette obligation, constante et omniprésente, se poursuit même pendant les week-ends et les vacances.
Un complément aux rencontres physiques mais pas un substitut
Ces applications ne remplaceront jamais l’importance des rencontres en face-à-face avec les enseignants, surtout lorsque des difficultés sont rencontrées par l’enfant. Cependant, elles apportent une réelle innovation dans la communication quotidienne, créant un lien plus fluide, informel, et hybride, mêlant écriture, images et emojis.
Certains enseignants, plus à l’aise dans les relations avec les parents, réussissent à instaurer une communication conviviale, qui rend l’école moins intimidante, notamment pour les parents issus de milieux populaires. Toutefois, la véritable coéducation nécessite une collaboration plus profonde, qui dépasse les capacités des applications et engage les parents dans un processus plus collectif, impliquant leur participation active à la vie de l’école.

SOURCE : THE CONVERSATION

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