Léna situations, squeezie, hugo décrypte : comment ces créateurs de contenu bousculent l’information traditionnelle

Les créateurs de contenu font désormais partie intégrante du quotidien informationnel des adolescents. Plutôt que de céder aux clichés ou aux jugements hâtifs, il est essentiel d’intégrer leurs productions dans une réflexion renouvelée sur l’éducation aux médias.
Ils sont connus sous des pseudonymes tels que squeezie, mcfly et carlito, léna situations ou encore mister geopolitix. Leur objectif est de proposer des contenus attrayants et diversifiés – allant du développement personnel à l’actualité – qui trouvent un écho auprès de leurs communautés. Ce terme « créateurs de contenu » permet de différencier ces acteurs des « influenceurs » dont la mission est souvent de promouvoir des produits et de modeler les habitudes de consommation.
Cette distinction est cruciale, car elle oblige à considérer la pluralité de l’offre médiatique à laquelle les jeunes sont exposés. Trop souvent, l’amalgame entre influenceurs et créateurs de contenu empêche de saisir pleinement la manière dont ces derniers participent à la formation des pratiques informationnelles et, par conséquent, freine une approche éducative adaptée.
Des figures inscrites dans le quotidien des adolescents
Les adolescents se tournent vers diverses sources pour s’informer, que ce soit sur l’actualité, leurs loisirs ou les sujets qui les passionnent. Leur rapport à l’information est intimement lié à leur personnalité et à leur parcours personnel. La variété des thèmes abordés par les créateurs de contenu – de la santé à la sexualité, en passant par l’orientation – reflète cette diversité et participe activement à rythmer leur quotidien.
Pour beaucoup, la curiosité sur des sujets tels que le sport, les violences sexistes et sexuelles, ou la musique trouve une réponse dans ces contenus, souvent perçus comme abordant des thématiques que la télévision ou les adultes négligent. Ainsi, de nombreux jeunes se disent reconnaissants envers les créateurs qui osent évoquer des expériences difficiles, comme Mastu, qui avait témoigné de sa dépression en 2022.
Les collégiens et lycéens interrogés lors d’enquêtes de terrain témoignent d’un lien fort avec ces figures, avec lesquelles ils semblent grandir. Ils expriment un attachement qui participe à la construction de leur identité, à l’élargissement de leurs sociabilités et à la formation de leurs goûts culturels.
Des figures d’autorité informationnelle ?
Le lien affectif que les jeunes entretiennent avec certains créateurs ne se traduit pas automatiquement par une confiance aveugle dans leurs contenus. Une recherche-action menée entre septembre 2023 et mars 2024 dans deux classes de terminale (une générale en HGGSP et une technologique en ST2S) a mis en lumière la relation complexe entre attachement et crédibilité.
Les adolescents savent faire la part des choses. Ils distinguent clairement ceux qui se contentent de divertir – souvent qualifiés d’« influenceurs » – de ceux dont le travail repose sur une information plus approfondie. Par exemple, squeezie est régulièrement cité en référence pour ses vidéos sur les jeux vidéo, tandis que léna situations est appréciée pour ses conseils mode. À l’inverse, des créateurs comme mister geopolitix ou le compte jemenbatsleclito, tenu par la créatrice féministe camille aumont carnel, sont perçus comme apportant un contenu plus sérieux.
Par ailleurs, l’étude a révélé que les adolescents évaluent la crédibilité des contenus à partir de critères précis :
– Premièrement, la rigueur documentaire visible dans la production, comme la citation systématique des sources et la cohérence avec les cours suivis.
– Deuxièmement, la pédagogie déployée par le créateur, qui, par sa méthode d’explication concrète et accessible, suscite l’intérêt et l’apprentissage.
– Troisièmement, la popularité du créateur, qui, bien que souvent débattue, est perçue par certains comme un gage de responsabilité, puisqu’un grand nombre d’abonnés impose une exigence de qualité et de vérification des informations diffusées.
Dans cet univers, une figure se démarque particulièrement : hugo décrypte. En février 2024, parmi 52 élèves de terminale, 38 se référaient à hugo décrypte pour s’informer. Son succès, tant en termes de plaisir de consultation que de confiance – 95 % des élèves lui attribuent une note minimale de 8 sur 10 – s’explique par sa présence multiformat (youtube, tiktok, instagram, twitch, whatsapp) et par l’attention portée à la vérification de ses sources. Les lycéens apprécient sa démarche professionnelle, qui s’apparente à celle d’un journaliste, et le considèrent comme une référence en matière d’information.
Une nouvelle donne pour l’éducation aux médias
La place prépondérante des créateurs de contenu dans l’écosystème informationnel des jeunes nécessite de repenser l’éducation aux médias. Pourtant, beaucoup d’adultes restent sceptiques face à ces sources d’information, souvent perçues comme moins fiables. Les témoignages des adolescents montrent, au contraire, que ces ressources contribuent significativement à leur apprentissage et à leur esprit critique.
Intégrer ces pratiques dans l’éducation, c’est reconnaître la légitimité des questionnements des jeunes face à des contenus porteurs d’enjeux majeurs, qu’il s’agisse de santé, de climat ou d’alimentation. Cela permet aussi de sensibiliser à la fois aux risques et aux qualités de certaines productions, en distinguant celles qui apportent des informations fiables de celles qui relèvent davantage du sensationnalisme.
En définitive, inclure les créateurs de contenu dans l’enseignement des médias permet d’affiner le regard critique des élèves, d’enrichir leur culture informationnelle et de les aider à décrypter les enjeux économiques et politiques qui sous-tendent certaines productions. Il ne s’agit pas de généraliser une défiance envers les ressources numériques, mais bien de reconnaître la complexité et la valeur de ces espaces, souvent injustement déconsidérés du fait du canal de diffusion.
En somme, les pratiques informationnelles des adolescents sont à la fois riches et sérieuses. L’éducation aux médias doit s’appuyer sur cette diversité, en valorisant ces ressources et en encourageant une approche critique qui prenne en compte les spécificités du numérique et des créateurs de contenu.

SOURCE : THE CONVERSATION

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