Les parents à l’épreuve du harcèlement scolaire

Découvrir que son enfant est victime ou acteur de harcèlement peut être un choc profond pour les parents, bouleversant leur quotidien et réactivant parfois des blessures anciennes. Cela modifie les relations familiales et met en lumière des défis dans la gestion de la situation. Alors, comment restaurer la confiance et accompagner son enfant dans cette épreuve difficile ?
Un tabou levé mais des traitements sensibles
Avec les lois visant à combattre le harcèlement scolaire et une parole libérée autour de ces violences, le silence qui entourait ces actes de harcèlement entre élèves a été brisé. Pourtant, leur gestion reste encore un sujet sensible, souvent marqué soit par une hyper-médiatisation qui amplifie les émotions collectives sans apporter de solutions concrètes, soit par un silence qui fait rapidement disparaître les dossiers une fois la procédure lancée, sans prendre en compte les impacts à long terme.
Les conséquences psychologiques du harcèlement scolaire ne se limitent pas à la crise elle-même. Elles affectent l'enfant victime, mais aussi l'enfant auteur, et même les témoins, à court, moyen et long terme. Les études révèlent d’ailleurs que les vulnérabilités psychologiques des victimes et des auteurs sont souvent similaires, avec des parcours psychosociaux comparables. Ainsi, qu’il s’agisse de prévention ou de gestion de la crise, il est essentiel de prêter attention à tous les enfants impliqués, en tenant compte de leurs différents environnements.
Être perçu comme un parent défaillant
Dans le contexte du harcèlement scolaire, les familles sont souvent considérées à travers le prisme de l’échec, soit parce qu’elles n’ont pas remarqué la souffrance de leur enfant victime, soit parce qu’elles n’ont pas perçu les comportements violents de leur enfant auteur. Cette situation de stigmatisation nourrit un sentiment de culpabilité et d’impuissance chez les parents.
Pour un parent témoin de la souffrance de son enfant victime de harcèlement, cela peut provoquer un grand désarroi et une remise en question de son rôle. Les liens familiaux et ceux avec l’école peuvent être affectés. De l’autre côté, lorsque les parents apprennent que leur enfant est impliqué dans des actes de harcèlement, cela peut entraîner un choc émotionnel. Certains parents tentent de minimiser la situation, ou justifient les comportements de leur enfant, cherchant à se protéger du mal-être causé par une telle réalité. Les dispositifs existants se concentrent souvent sur des solutions comportementales et pragmatiques, mais négligent l’aspect émotionnel et parental de la situation.
La littérature scientifique se penche rarement sur l’expérience vécue des parents dans ces contextes. Pourtant, plusieurs témoignages montrent que l’annonce ou la découverte du harcèlement marque une rupture dans leur perception de leur enfant et dans leur relation avec lui. Le parent se trouve alors dans une position de défaillance : soit par sa non-détection des signes chez l’enfant victime, soit par son incapacité à contrôler les actes violents de son enfant. Dans tous les cas, cela affecte profondément la confiance dans ses capacités parentales.
Réactiver des blessures d’enfance
Dans des situations de harcèlement scolaire, les parents peuvent se retrouver face à des réactivations de leurs propres souffrances passées. Certaines situations, comme celles liées à des propos racistes ou des formes de harcèlement vécues par leur enfant, peuvent raviver des blessures personnelles et engendrer des réactions émotionnelles fortes. Par exemple, un parent dont l’enfant subit des attaques racistes peut revivre ses propres expériences de discrimination et se sentir d’autant plus bouleversé par la situation.
D’autres parents, comme ceux d’un enfant de 3 ans, peuvent se retrouver inquiets de voir leur enfant devenir un « harceleur », réagissant avec une surprotection fondée sur leurs propres valeurs éducatives. Ces résonances personnelles peuvent parfois brouiller les lignes entre le vécu de l’enfant et celui du parent. Toutefois, ces blessures du passé peuvent aussi devenir un moteur pour une prise de conscience et un accompagnement plus actif de leur enfant. Il est crucial que les parents bénéficient d’un espace d’écoute, afin de séparer leur histoire personnelle de celle de leur enfant, tout en restant capables de le soutenir.
Fragiliser les liens familiaux
Les relations familiales peuvent également être affectées, avec des réactions de surprotection qui peuvent conduire à des malentendus. Certains parents peuvent, par exemple, devenir trop soupçonneux, doutant même de leur propre enfant et se demandant s’il ne cache pas encore des signes de harcèlement. Cette méfiance, associée à un éloignement émotionnel, peut nuire à la cohésion familiale et au processus de guérison.
De plus, les parents eux-mêmes peuvent être stigmatisés, à la fois comme victimes, mais aussi comme responsables des événements qui surviennent. La culpabilité d’avoir « raté » certains signes peut devenir accablante, tout comme les critiques concernant leur méthode éducative ou leur milieu social. Ces sentiments d'isolement et de honte peuvent rendre difficile la démarche de chercher de l’aide extérieure.
Restaurer la confiance : un travail d’accompagnement familial
Les études montrent que la famille joue un rôle essentiel dans la gestion du harcèlement scolaire, tant pour la prévention que pour la prise en charge des situations. Par exemple, aux États-Unis, des recherches ont démontré qu’associer les sanctions à des rencontres entre parents et enseignants permettait de réduire les récidives. Cela souligne l'importance de créer une relation de confiance solide entre les parents et les acteurs scolaires, au-delà des simples mesures de sécurité.
Dans le cadre de la prise en charge, il est crucial de travailler avec les parents pour renforcer le lien avec l’enfant, qu’il soit victime ou auteur de harcèlement. Ce soutien permet à l’enfant de considérer la famille comme une ressource de sécurité, essentielle à sa reconstruction. Un enfant qui se sent soutenu par sa famille peut plus facilement surmonter cette épreuve et rétablir la confiance en lui-même et dans les autres.
L’implication des parents dans ce processus de reconstruction permet également à l’enfant de retrouver une cohérence dans son histoire personnelle et familiale. Cela offre une vision plus globale et évolutive de son identité, et l’aide à dépasser le rôle figé d’enfant harcelé ou harceleur. En soutenant activement les parents, on leur permet de devenir des acteurs clés dans ce processus de prise en charge, contribuant ainsi à restaurer la confiance et à favoriser la guérison des blessures causées par le harcèlement scolaire.

SOURCE : THE CONVERSATION

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