L'évaluation des élèves demande "une approche collective" selon Brigitte Hazard

Comment rendre l'évaluation plus pertinente pour accompagner les progrès des élèves ? Peut-on s'inspirer des évaluations standardisées, comme Pisa, pour améliorer celles pratiquées en classe ? Ces questions ont été abordées lors du rendez-vous de la pédagogie le 5 février 2025 à Dijon, en présence notamment de Jean-François Chesné (Cnesco) et Brigitte Hazard (MEN). Tous deux plaident pour une approche collective de l'évaluation, loin d'une logique purement individuelle. "Il existe des outils pour cela", affirme Brigitte Hazard, citant l'autoévaluation des établissements et les conseils de classe.

Les notes occupent une place centrale dans le système éducatif français. "On commence à évaluer les élèves dès la maternelle, à deux ans et demi", souligne Brigitte Hazard, IGESR et chargée de mission sur la formation continue au ministère de l'éducation nationale. Pourtant, l'évaluation reste souvent déconnectée de l'apprentissage. En moyenne, les enseignants y consacrent "4,7 heures par semaine pour la correction des copies". Mais elle est perçue avant tout comme un outil de classement, générateur de stress pour 59 % des élèves selon un baromètre Ipsos.

Vers une évaluation plus constructive

Depuis 2013, la loi pour la refondation de l'école encourage une évolution des modalités de notation, visant à dépasser une évaluation sanction pour promouvoir une évaluation positive, simple et compréhensible par les familles. La loi pour une école de la confiance de 2019 renforce cette dynamique en affirmant que "l'évaluation sert à mesurer et à valoriser la progression des compétences et des connaissances de chaque élève".

"Un système d'évaluation lisible passe par une approche collective"

Brigitte Hazard insiste sur l'importance de mesurer la progression des élèves, et non seulement leurs acquisitions. "Notre système doit évoluer sur la qualité de sa notation", en tenant compte des difficultés des élèves à besoins particuliers et en améliorant la communication des résultats aux familles.

En effet, au lycée général et technologique, les familles se tournent de plus en plus vers les enseignants et les proviseurs pour comprendre les notes attribuées. Un système d'évaluation clair et homogène passe par une approche collective, souligne-t-elle, plutôt que par des pratiques isolées et subjectives.

Jean-François Chesné, coordinateur exécutif du Cnesco, abonde dans ce sens : "l'approche collective commence à s'installer avec le plan maths-français, notamment dans le premier degré". Ces dispositifs favorisent l'observation entre pairs et le partage des pratiques.

L'auto-évaluation pour renforcer une démarche collective

Pour développer une évaluation collective, plusieurs outils existent. Le projet d'évaluation dans les lycées généraux et technologiques vise à expliciter les critères et les indicateurs communs entre enseignants, afin d'harmoniser les attentes.

Le travail en conseil de classe et sur les bulletins scolaires constitue un second levier. En réunissant les enseignants autour d'une table, il permet une vision d'ensemble sur les acquis des élèves au-delà des disciplines spécifiques.

Enfin, l'autoévaluation des établissements offre une opportunité de remise en question des pratiques. Pourtant, seuls 14 % des lycées abordent cette question dans leurs rapports d'évaluation, et parmi eux, seulement 40 % ont mis en place des actions collectives pour améliorer leurs méthodes.

Les évaluations standardisées, peu exploitées en classe

Les évaluations comme Pisa, Timss ou Pirls influencent les politiques éducatives, mais restent peu utilisées dans les pratiques enseignantes. Jean-François Chesné met en garde contre les effets pervers de ces tests, notamment le "teaching test", où les élèves sont entrainés à réussir des tests sans véritable apprentissage.

De plus, ces évaluations ne remplissent pas leur rôle d'outil de réflexion pour les enseignants. Elles sont perçues comme trop complexes à analyser et chronophages. "Regarder un cahier d'élèves permet une meilleure compréhension de leur progression qu'un fichier Excel", estime-t-il.

Un usage plus pertinent à l'échelle de l'établissement

Plutôt que d'être utilisées individuellement, ces évaluations peuvent apporter des enseignements collectifs. Par exemple, les résultats de Timss en mathématiques montrent que la France est systématiquement en queue de classement européen. En analysant les résultats à l'échelle d'un établissement, on peut identifier les compétences spécifiques à renforcer.

Cette approche permet une analyse fine des difficultés des élèves, en lien avec les programmes et les méthodes pédagogiques employées.

L'évaluation comme levier d'apprentissage

Selon les conclusions de la conférence de consensus du Cnesco sur l'évaluation en classe, un bon feed-back doit remplir plusieurs critères :

• se centrer sur la tâche et non sur l'élève pour éviter une perception figée des capacités,
• insister sur les processus et pas seulement sur le résultat final,
• être adapté au niveau de compréhension de l'élève.

L'évaluation doit aussi favoriser le réinvestissement des acquis : revenir sur les erreurs et permettre aux élèves d'être à nouveau évalués sur les compétences qu'ils ont dû améliorer.

En instaurant une véritable démarche collective, l'évaluation peut ainsi devenir un outil au service de l'apprentissage.

SOURCE : AEF INFO