Blog
ÉDUCATION
31
October 2024

L’université de Lille rend obligatoire une formation sur les violences sexistes et sexuelles en L1

L’université de Lille souhaite "sensibiliser une génération entière d’étudiants" au respect du principe de consentement et aux risques liés aux violences sexistes et sexuelles (VSS). Pour cela, elle prévoit d'organiser des séances de deux à trois heures en amphithéâtre pour l'ensemble de ses étudiants de L1, soit environ 17 000 étudiants. Emmanuelle Jourdan-Chartier, vice-présidente chargée de la vie étudiante, souligne : "Nous nous sommes aperçus que la notion de consentement n’était pas du tout claire dans l’esprit de nombreux étudiants, et la définition des VSS l’est encore moins." Elle espère ainsi provoquer une prise de conscience et un changement dans les comportements quotidiens sur les campus, dans l’organisation des fêtes étudiantes, et dans la communication sur des plateformes comme WhatsApp ou Discord. AEF info a suivi une session de sensibilisation à la faculté de Staps à la fin septembre 2024.

Une question percutante

"À votre avis, pourquoi je suis là et pourquoi vous, vous êtes là… en dehors du fait que ce soit obligatoire ?" Cette question directe surprend les 250 étudiants présents dans un amphithéâtre de la faculté des sciences du sport de Ronchin. Une voix s'élève dans les premiers rangs : "Pour anticiper les violences ?" Jean-Baptiste Bonjean du Manoir répond en rappelant que "au cours de ses études, une étudiante sur dix se déclare victime d’agression sexuelle, et une sur vingt se déclare victime de viol." Il précise que ces chiffres ne concernent que celles qui ont osé parler, et qu’on estime qu’une victime sur dix s'exprime. "Derrière chaque victime, il y a au moins un auteur qui bénéficie d’une impunité."

Un focus sur les violences

Le formateur rappelle que "l’université est le lieu où statistiquement il y a le plus de situations de harcèlement sexuel, d’agressions sexuelles et de viols." Pendant deux heures, il enseigne aux étudiants à "repérer les violences, les mécanismes" et à savoir "comment réagir" et "vers qui se tourner," qu'ils soient victimes ou témoins. Il avertit également : "Vu le nombre de personnes dans cette salle, il y a des victimes. Si vous vous sentez mal à l’aise, vous avez le droit de sortir. Enfin, si une personne pleure, vous gardez cela pour vous : ce qui se dit dans cet amphithéâtre reste dans cet amphithéâtre."

Peu de réactions dans l'assistance

L’assistance, principalement composée d’étudiants en LAS, est majoritairement masculine. Une trentaine d'entre eux quitte toutefois la salle au fil de la présentation. Lorsque Jean-Baptiste Bonjean du Manoir aborde la question du consentement, il peine à obtenir une définition précise. "C’est donner son accord," propose une étudiante. "… Son accord libre et éclairé," complète l’intervenant. Il illustre son propos de manière concrète : "Si c’est OK pour un cunnilingus ou une fellation, mais pas pour une pénétration, on ne change pas de pratique sans prévenir… Et on ne retire pas son préservatif en cachette sans prévenir son partenaire… À 20 km d’ici, en Belgique, ils ont tranché : c’est un viol."

Une sensibilisation élargie

Pour la deuxième année consécutive, l’université rend obligatoire cette sensibilisation. "L’objectif est de généraliser cette séance de deux à trois heures pour tous les L1 dans toutes les composantes, représentant au total 17 000 étudiants," explique Emmanuelle Jourdan-Chartier. "Nous avons déjà réussi à toucher près de 8 000 étudiants l’an dernier, avec un impact sur le nombre de saisies de la cellule d’écoute et des signalements. Cette année, nous allons encore monter en charge, grâce à l’implication des composantes."

Une approche pédagogique

Jean-Baptiste Bonjean du Manoir, ancien du Planning familial, assure ces formations à temps plein grâce à un financement d’un appel à projets. "C’est hyper intéressant d’intervenir dans l’espace universitaire, au moment où les étudiants apprennent de nouvelles façons d’exister," explique-t-il, conscient des émotions que ses interventions peuvent susciter. "J’essaie d’alléger l’ambiance tout en restant extrêmement sérieux," ajoute-t-il.

Un public majoritairement masculin

Après deux heures d’intervention, conclues sur le thème de l’emprise et de la sidération psychique, Jean-Baptiste Bonjean du Manoir est timidement applaudi par les étudiants présents. Audrey Becourt, enseignante et chargée de mission pour l’égalité femmes-hommes et la lutte contre les violences, s’attendait à une séance plus mouvementée, mais n’a pas rencontré de provocateurs. "Jean-Baptiste aborde les sujets de manière très pédagogique et posée," apprécie-t-elle.

Une cible prioritaire

L’université cible principalement les L1, car ils vivent souvent loin de leur domicile parental pour la première fois et multiplient les soirées, ce qui les expose davantage aux VSS. "Pour certains, la pression du premier rapport sexuel est un vrai enjeu," note Hermeline Pernoud, cheffe de projets Égalité/diversité. Elle souligne également que le premier job étudiant, souvent synonyme de précarité, peut engendrer des formes de violence et de coercition.

L'importance du contact direct

La décision a été prise de ne pas tenir ces séances à distance. "Pour que des victimes trouvent des solutions, il faut qu’elles aient une personne en face d’elles," estime Hermeline Pernoud, qui assiste aux sessions autant que possible. L'université distribue également des documents d'information consacrés aux VSS et à l'égalité femmes-hommes. "Je vais voir les personnes qui sortent de l’amphi pour leur demander si elles ont besoin d’aide," relate-t-elle. "À chaque séance, il y a au moins une prise de rendez-vous, en interne ou en externe." Lorsque des étudiantes indiquent qu’elles ne se sentent pas prêtes à suivre la formation, un accompagnement individuel leur est proposé. "Nous commençons aussi à avoir des demandes d’écoute de la part d’auteurs, y compris sous pseudo, même si elles restent très peu nombreuses," note Hermeline Pernoud.

Un outil visuel pour sensibiliser

Avant chaque séance, Jean-Baptiste Bonjean du Manoir dispose le "violentomètre," un outil visuel classant les violences sur une échelle de couleurs, du vert au rouge. Il distribue également des plaquettes intitulées "Que faire ? Qui alerter ?" éditées par l’établissement. "Nous sommes passés d’une communication ciblée sur les soirées étudiantes, avec un visuel évoquant la nuit, à un support plus sobre, qui montre que les VSS se produisent partout et qui met l’accent sur le cadre légal," souligne Hermeline Pernoud. Les étudiants repartent avec des préservatifs portant des messages rappelant l’importance du consentement avant un rapport sexuel.

SOURCE : AEF INFO

En savoir plus sur nos solutions pour les établissements scolaires
La plaquette pour animer la communauté de votre établissement
Partager ce contenu

Nos réalisations

Découvrez nos références, nos réalisations et nos travaux pour des établissements.

C'est tout frais de nos experts

"ChatGPT nous oblige à redéfinir notre métier" : un professeur d’histoire-géo spécialisé en intelligence artificielle
ÉDUCATION
5
September 2025

"ChatGPT nous oblige à redéfinir notre métier" : un professeur d’histoire-géo spécialisé en intelligence artificielle

ChatGPT s’invite au lycée : un professeur intègre l’IA dans ses cours pour former ses élèves et repenser la pédagogie de demain.
Nouveau bachelor agro : les modalités détaillées dans des projets de décrets
ÉDUCATION
5
September 2025

Nouveau bachelor agro : les modalités détaillées dans des projets de décrets

Le bachelor agro arrive en 2026 avec six mentions et de nouvelles règles pour l’enseignement agricole. Focus sur son organisation et ses enjeux.
Une entreprise sur six a intégré le mécénat de compétences
ÉDUCATION
5
September 2025

Une entreprise sur six a intégré le mécénat de compétences

16 % des entreprises misent sur le mécénat de compétences. Découvrez ses impacts sur l’engagement, la marque employeur et les carrières.