Manque de filles en sciences : "sans cette rencontre, je ne me serais jamais intéressée à l'aéronautique"

Les efforts pour attirer davantage de filles dans les filières scientifiques ne manquent pas. Pourtant, il est souvent difficile d'en mesurer l'impact. Parfois, un simple événement ou une rencontre suffit à faire tomber les clichés et à provoquer des vocations. À l'occasion de la journée des femmes et filles de sciences, retour sur des parcours qui se sont joués à un détail près.
Un déclic inattendu pour canelle
Canelle n'était pas destinée à l'aéronautique. Après une première en STMG, une terminale en ES et une première année de licence d'économie marquée par la crise du Covid, rien ne la prédestinait à ce domaine. Pourtant, c'est grâce à des entreprises comme Vinci, Dassault et Air France qu'elle a découvert sa passion.
En 2020, en pleine période de cours à distance, elle rejoint l'association Rev'ELLES, qui accompagne les jeunes femmes dans leur vie personnelle et professionnelle. "Je devais accompagner des collégiennes pour une journée d'immersion organisée par Vinci, raconte l'étudiante de 22 ans. Finalement, elles n'ont pas pu venir, et j'ai hésité à y aller seule. Mais j'ai fini par me lancer, et ça a tout changé."
Lors de cette journée, après une présentation des métiers de l'ingénierie, elle visite un véritable chantier. "Depuis toujours, j'étais mauvaise en sciences, je n'avais aucun intérêt pour les maths. Mais là, j'ai enfin vu leur application concrète, et j'ai eu envie de comprendre comment un avion vole."
Après un stage de deux mois chez Vinci, l'entreprise lui propose une alternance, à condition qu'elle s'inscrive en BTS Assistance technique d'ingénieur. Elle enchaîne ensuite avec une licence en structures aéronautiques et spatiales, avant d'intégrer en septembre dernier l'École nationale supérieure d'Arts et Métiers. "Quand ma mère regarde mes bulletins scolaires du lycée, elle ne comprend toujours pas comment je peux devenir ingénieure, plaisante Canelle. Mais moi, je sais que l'aéronautique, c'est ma passion."
Des dispositifs nombreux mais un impact encore limité
Les initiatives pour encourager les filles à choisir les sciences se multiplient : Elles bougent, Ingénieuses, Program’HER, Femmes & Sciences, Wi-Filles, Hello Tech Girls… Malgré cela, la sous-représentation des femmes dans ces domaines persiste. La réforme du bac de 2019 a même aggravé la situation : en 2019, 18 % des lycéennes avaient moins de trois heures de maths par semaine, contre 67 % en 2023.
Les avancées restent timides. Dans les écoles d'ingénieurs, les étudiantes représentent 32 % des effectifs en moyenne, avec de fortes disparités selon les spécialités : elles sont 60 % en sciences de la vie et agroalimentaire, mais moins de 20 % en électronique, informatique ou transport. Sur Parcoursup, les candidatures féminines aux licences scientifiques (hors sciences de la vie) stagnent. En 2023, seulement 37 % des admis étaient des femmes.
"C’est catastrophique, la réforme du bac nous a fait reculer de 25 ans, déplore Isabelle Vauglin, vice-présidente de l’association Femmes & Sciences. Les initiatives permettaient de progresser, lentement mais sûrement. Aujourd'hui, c'est une rupture brutale."
Face à ce constat, des établissements tentent de nouvelles stratégies. L’EPF a récemment mis en place une voie d’admission réservée exclusivement aux candidates, une expérimentation qui pourrait être étendue à d'autres écoles du concours Avenir.
Lever les freins psychologiques, scolaires et financiers
D'autres initiatives visent à réduire les obstacles financiers et géographiques. L’ESIEA, l’ESIEE-IT et l’université d’Angers ont créé des bourses spécialement dédiées aux étudiantes, permettant de couvrir tout ou partie de leurs frais de scolarité. La Fondation de l’université d’Angers a récemment obtenu un financement de 25 000 euros pour soutenir des étudiantes méritantes. "Nous avons ciblé les filières où il y avait moins de 50 % de filles et pris en compte des critères sociaux larges pour attribuer ces bourses", explique Clémence Guillemont, déléguée à la Fondation. Au total, 25 bourses ont été versées en fin d'année.
"Ce sont des domaines où les femmes ont leur place"
La sensibilisation commence dès le collège et le lycée. Chaque année, l’événement "Sciences, un métier de femmes" attire de nombreuses lycéennes à l’ENS Lyon. "Nous tenons à faire venir des élèves de toute la région, pas seulement de la métropole lyonnaise", souligne l’organisatrice. Au programme : échanges avec des chercheuses et visites de laboratoires de recherche. "Les participantes apprécient ce moment d'échange exclusif, où elles peuvent poser toutes leurs questions."
Abigail, étudiante en cinquième année d’école d’ingénieur à l’ECE, s'investit dans l’association Hello Tech Girls. Elle intervient régulièrement auprès de collégiennes pour leur faire découvrir les sciences. "Beaucoup doutent de leurs capacités. On ne cherche pas à les forcer, mais à leur ouvrir l'esprit et les encourager à saisir les opportunités. Ces domaines leur sont accessibles."
"Il nous a dit de ne pas lâcher et ça m’a marquée"
Ambre, passionnée de physique-chimie depuis l'enfance, a failli abandonner les sciences au lycée. Voyant ses amies choisir la spécialité SES, elle hésite à suivre une voie scientifique. "Je me suis sentie à part et j'ai pensé changer d’orientation", raconte-t-elle.
Elle participe à Program’HER, une initiative de l’Efrei, en accompagnant une amie. "Je n’aimais pas du tout l’informatique, et l’image que j'en avais était clichée : des mecs derrière leur ordi en train de jouer aux jeux vidéo." Pourtant, l’intervention d’entreprises comme Thales lui ouvre les yeux. "J'avais peur d'être la seule fille, mais voir ces femmes diriger des équipes entières d’hommes m’a impressionnée."
Elle assiste à deux sessions de Program’HER et finit par choisir l’informatique. "Un intervenant de Thales nous a dit de ne jamais lâcher, et ça m'a marquée." Aujourd’hui en première année de bachelor ingénierie et cybersécurité à l’Efrei, elle ne regrette pas son choix. "On est 4 filles sur 42 en promo. Certains garçons se comportent comme s'ils n'avaient jamais vu une fille, mais je suis là pour travailler !"
Un engagement qui se perpétue
Dans son entreprise, au sein du groupe ADF, Canelle continue de défendre l'égalité hommes-femmes. Marraine d’Elles Bougent, elle mène des actions pour promouvoir l’aéronautique auprès des jeunes filles. Un cercle vertueux qui, peu à peu, contribue à féminiser ces secteurs encore largement dominés par les hommes.

SOURCE : LE PARISIEN

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