Le MBA reste attrayant mais fait face à une concurrence croissante", déclare Frank Bournois, vice-président et doyen de CEIBS.

Après avoir dirigé l'ESCP pendant huit ans, Frank Bournois est maintenant à la tête de CEIBS à Shanghai, une école de commerce fondée en 1994 grâce à une initiative de l'Union européenne et de la Chine, où il observe les grandes tendances de l'éducation des cadres. Quel est le bon moment dans une carrière pour entreprendre un MBA ? Frank Bournois - Cela dépend de chaque individu. Historiquement, nous voyions une majorité de jeunes professionnels avec quelques années d'expérience faire une pause pour suivre un MBA à temps plein. Cela peut être le bon moment : vous êtes un jeune avocat ou ingénieur brillant, passionné et ayant l'opportunité de prendre davantage de responsabilités... Pourquoi attendre ? Mais ces dernières années, nous observons un basculement vers des profils plus expérimentés privilégiant des programmes à temps partiel. Comment se positionne l'offre française à l'échelle mondiale ? Elle est très attrayante. Dans le dernier classement des Executive MBA (à temps partiel) du Financial Times, trois établissements français se trouvent dans le Top 10 et cinq dans le Top 20. Le système des grandes écoles françaises a fait ses preuves : c'est un modèle d'organisation et de sélectivité, avec des liens étroits avec les grandes entreprises et d'impressionnants réseaux d'anciens élèves. Depuis l'Asie, je constate combien les écoles françaises et leurs MBA sont appréciés. Leur ancrage européen et leurs valeurs durables sont reconnus à l'international.

Les tensions politiques internationales affectent-elles CEIBS et plus largement les MBA en Asie ? Jusqu'à récemment, nous avons connu une forte croissance. En Chine et en Inde, le marché des candidats est vaste, porté par la croissance économique et des perspectives d'expansion considérables. Il est vrai que le climat géopolitique actuel modifie les flux. Nous avons observé une légère baisse des candidatures internationales, mais cela est compensé par un marché intérieur dynamique. Dans notre Executive MBA en anglais, environ 40 % des participants sur une centaine ne sont pas Chinois. Cependant, notre programme qui compte le plus de diplômés est l'Executive MBA en chinois.

Quelles sont les grandes évolutions en cours dans le paysage des MBA ? Le MBA reste attrayant, mais il est de plus en plus concurrencé par d'autres offres de formation continue. Un professionnel souhaitant acquérir des compétences spécialisées et visant des postes fonctionnels peut le faire à travers d'autres programmes, probablement moins coûteux et plus flexibles. Le MBA est unique : il confronte les étudiants à des questions de gestion transversales, au lieu de se concentrer sur une seule fonction. C'est un programme différent, favorisant la réflexion stratégique à l'échelle de toute l'entreprise.

Qu'en est-il des modèles de financement ? Il y a vingt ou trente ans, de nombreuses entreprises finançaient intégralement le MBA d'un salarié, souvent avec un engagement moral voire juridique que le diplômé resterait plusieurs années dans l'entreprise par la suite. Cette pratique a évolué vers un modèle de partage des coûts : les individus contribuent financièrement, avec le soutien de l'entreprise. Aujourd'hui, nous constatons une majorité d'autofinancements, peut-être plus prononcée en Asie qu'en Europe. Si un salarié a de meilleures opportunités ailleurs, il est plus enclin à les saisir.

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SOURCE : CHALLENGE