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ÉDUCATION
19
November 2024

Ncu prélude : comment la catho de lille a greffé l’approche par compétences sur sa licence de droit

Lauréate d’un projet NCU, l’Université Catholique de Lille déploie progressivement l’approche par compétences dans ses facultés. En droit, une discipline souvent perçue comme conservatrice, cette réforme est désormais appliquée aux 4 000 étudiants en licence des sites de Lille et d’Issy-les-Moulineaux. "L’an dernier, c’est la première fois que des étudiants ont été diplômés après un cycle complet en approche par compétences", souligne Nathalie Laugier, maîtresse de conférences en droit privé et ambassadrice du projet au sein de la faculté, lors d’une rencontre avec AEF Info début octobre 2024.

Lancée en 2019 dans le cadre du projet NCU Prélude, la transformation de la licence de droit de la Catho de Lille a nécessité un long travail de conception impliquant enseignants, ingénieurs pédagogiques et responsables administratifs. "Quand nous avons commencé, nous sommes partis d’une feuille blanche. Notre volonté était de créer un référentiel de compétences qui nous ressemble, en nous détachant du référentiel RNCP", explique Nathalie Laugier.

Une conception collaborative

Une fois les grandes lignes du référentiel définies, une équipe pilote, composée d’enseignants et d’une ingénieure pédagogique, s’est mise au travail sous l’égide du doyen. Ce petit groupe a échangé régulièrement avec les différentes facultés et l’équipe porteuse de NCU Prélude. La direction de la scolarité, la direction informatique et le Career Center ont également été associés à la réflexion, tout comme la bibliothèque, qui a participé à l’élaboration du module sur l’utilisation des outils numériques.

Une évolution progressive, pas une révolution

Cependant, ce projet NCU ne s’est pas traduit par un grand chamboulement. "Ce que nous n’avons pas fait, c’est supprimer les évaluations classiques comme les dissertations, les cas pratiques, les commentaires de décision de justice, car ce sont des exercices demandés dans les concours et examens", précise Nathalie Laugier. "Nous continuons donc à évaluer à la fois les connaissances et les compétences."

Cinq blocs de compétences

Aujourd’hui, la licence s’articule autour de cinq blocs de compétences :

  • Développer une démarche scientifique.
  • Exploiter l’information.
  • S’exprimer et communiquer, en anglais et en français.
  • Utiliser les outils et se préparer au monde professionnel, via des portfolios et des exercices pratiques.
  • Développer un agir éthique et responsable (un bloc commun à toutes les facultés).

Le bloc "s’exprimer et communiquer" met un accent particulier sur la maîtrise de la langue française, souvent insuffisante chez les néobacheliers. Lors de dictées en amphi, les correcteurs relèvent parfois jusqu’à 50 fautes sur un texte simple de dix lignes. Les étudiants sont ainsi encouragés à s’inscrire au projet Voltaire pour améliorer leur niveau.

Une pédagogie tournée vers la pratique

Avant même de s’engager dans ce projet NCU, la faculté avait mis en place des TD de clinique du droit, répondant au souhait des étudiants de mettre en pratique leurs connaissances. Assurés par des praticiens, ces enseignements offrent une immersion progressive dans le monde juridique.

Les étudiants s’exercent à plaider un dossier fictif en première année, analysent des contrats signés en L2, comme des baux, et en L3, créent une société fictive, en définissant son objet social, sa forme juridique, son business plan et son nom, tout en consultant le site de l’Inpi pour mieux comprendre les enjeux de propriété intellectuelle.

Ces heures de clinique du droit, qui ressemblent fortement à des SAÉ mais n’ont pas été formalisées comme telles, permettent de voir les étudiants sous un autre jour. "À l’oral, ils nous surprennent souvent par leur aisance, leur posture et leur vocabulaire. Cette approche les pousse aussi à apprendre autrement et à développer leur créativité, une des compétences clés du XXIe siècle", estime Nathalie Laugier.

Une autre manière d’évaluer

Les modalités d’évaluation ont évolué : les notes traditionnelles, qui sanctionnent des connaissances et le respect de la méthodologie, cohabitent désormais avec l’évaluation des compétences. Lorsqu’une compétence est validée, elle donne droit à un ECTS, indispensable pour valider l’ensemble du bloc.

Des grilles de critères ont été établies pour permettre aux enseignants d’évaluer certaines compétences. Mais face au volume important d’étudiants, la faculté a également recours à la correction automatique via Moodle. "C’est une solution particulièrement adaptée en première année… même si elle n’est pas exempte de surprises, comme ce jour où 500 étudiants se sont connectés simultanément sur le site de la Cour de cassation, qui n’a pas tenu le choc", raconte en souriant Nathalie Laugier.

Des résultats encourageants

Le taux de réussite a augmenté de près de 10 % en L1 et L2 depuis la mise en place de l’approche par compétences. Il s’établit désormais à 75 % en L1, à 82 % en L2 et atteint 92 % en L3. Cette progression s’explique, selon Nathalie Laugier, par l’augmentation de la part du contrôle continu au premier semestre et l’accent mis sur la méthodologie. "Nous proposons aussi un accompagnement individualisé, du tutorat et un encadrement fort par les enseignants", ajoute-t-elle.

Peu de résistances car "le fond des matières" n’a pas été touché

Cette réforme est exigeante pour les équipes pédagogiques. "Nous avons l’habitude d’innover, pour marquer notre différence, mais il a fallu faire preuve de beaucoup d’imagination pour transformer chaque objet pédagogique en compétence professionnelle", témoigne un enseignant-chercheur. Les évaluations se révèlent très chronophages : "Les jurys n’ont jamais duré aussi longtemps. Certains collègues se sont épuisés."

"Nous ne nous sommes pas heurtés à des résistances importantes parce que nous n’avons pas touché au fond des matières", estime Nathalie Laugier. "Le choix du contrôle continu pour les matières fondamentales a pu provoquer des critiques, mais comme il y a une volonté politique du doyen, du président-recteur, et un financement à la clé, le changement a été possible."

Une des difficultés persistantes réside dans l’organisation en semestres. "Avec seulement neuf semaines de cours, le calendrier est trop rigide pour un apprentissage progressif", estime Nathalie Laugier. L’enjambement – permettant aux étudiants n’ayant pas validé tous les blocs de passer en année supérieure – a dû être rétabli. Des Spoc (Small private online courses) mêlant des vidéos, des quiz, un forum et un tutorat par les enseignants sont désormais proposés pour rattraper les cours.

Un projet encore en évolution

"Nous sommes encore à mi-parcours du projet NCU. Nous testons, nous améliorons", conclut Nathalie Laugier, qui souhaite consacrer cette année à des réglages fins. La réforme pourrait ensuite s’étendre au niveau master : 24 parcours sont concernés.

SOURCE : AEF INFO

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