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ÉDUCATION
24
October 2024

Nos apprentis sont parfois ceux qui sont les moins aisés

Les alternants des grandes écoles dans le viseur de Bercy

Les primes allouées aux employeurs qui embauchent des apprentis en niveau licence ou master pourraient être revues dans le budget 2025.

«J’avais deux solutions, emprunter à nouveau autour de 16.000 euros pour financer mon année, ou passer par l’alternance sans frais de scolarité.» Quand cette question s’est posée, Antoine était étudiant boursier à Grenoble École de Management (GEM). Il n’a pas hésité longtemps. Pour sa deuxième année de master, le jeune homme a choisi l’année en apprentissage, navigant entre ses journées chez Total Énergies à la Défense et ses cours à Grenoble. Antoine a pu, une fois son diplôme en poche, être embauché en CDI comme analyste financier sur les projets d’énergie renouvelable chez Total Énergies, avec un salaire de 50.000 euros brut par an à la clé, sans compter les primes.

S’il avait fait son master à la rentrée 2025, Antoine aurait-il eu le choix ? À l’heure actuelle, un employeur qui embauche un apprenti peut recevoir 6.000 euros d’aide pour la première année de contrat. Ces primes sont désormais dans le viseur du gouvernement, notamment pour les apprentis en niveau licence ou master. Des profils d’étudiants qualifiés, qui, selon les défenseurs de ces coupes, n’ont pas forcément besoin de l’alternance pour trouver un emploi.

L’impact de l’alternance sur l’emploi n’est prouvé que pour les profils les moins qualifiés, soulignent certains économistes comme Pierre Cahuc, professeur à Sciences Po. De fait, Antoine aurait sans doute trouvé un emploi sans passer par l’alternance. La question est plutôt de savoir s’il aurait pu se permettre d’aller jusqu’au bac +5. «J’aurais dû m’endetter pour financer moi-même mon M2», explique-t-il. Du reste, la ministre du Travail ne dit pas autre chose. L’alternance a permis «à un tiers des étudiants d’accéder à ce niveau d’études grâce à l’apprentissage», soulignait-elle récemment.

66.700 euros pour trois ans

Ainsi, même chez les «apprentis haut de gamme» - étudiants de grandes écoles, en apprentissage dans des grandes entreprises -, ces rabotages ne seraient pas dénués d’impact social. «Cela va impacter de plein fouet nos apprentis en bachelor comme en master», abonde Isabelle de Boysson, directrice scientifique de la filière apprentissage à l’ESCP, grande école de commerce parisienne. «Nos apprentis sont parfois ceux qui sont les moins aisés financièrement. Ils doivent assumer des frais de scolarité importants (66.700 euros de frais de scolarité pour les trois années du programme grandes écoles - NDLR).»

À cet égard, l’alternance est aussi un moyen de favoriser une certaine mixité sociale dans les entreprises les plus prestigieuses. «Il est quand même paradoxal d’enjoindre aux étudiants de viser les meilleurs diplômes et de leur ôter les aides qui leur permettent d’y parvenir», résume Isabelle de Boysson. Mais cette prime est-elle défendable dans la mesure où elle favorise les trésoreries de ces grandes entreprises ?

Vous pouvez avoir la meilleure formation académique, tant que vous n'êtes pas confrontés à la réalité de l'entreprise, vous n'êtes pas opérationnel

Franck Cheron, responsable du conseil RH chez Deloitte

Astrid Panosyan-Bouvet expliquait aussi il y a quelques jours que l’apprentissage était utile «à beaucoup d’entreprises, notamment les TPE et les PME», qui grâce à la prime à l’embauche pouvaient «recruter ce type de profils et donc augmenter le niveau de qualité de l’emploi pour tous». Comprendre, les grandes entreprises, elles, n’ont pas nécessairement besoin de ces aides pour recruter les bons profils.

Une période d’acclimatation

«J’entends souvent que l’apprentissage doit d’abord bénéficier aux électriciens, plombiers, etc. C’est oublier que le monde du travail a considérablement évolué», poursuit Isabelle de Boysson. «Aujourd’hui, le secteur des services représente 70% du PIB en 2022.» Une chose est sûre, même les cabinets de conseil ou d’audit les plus prestigieux ont pris le virage de l’alternance et apprécient les avantages du dispositif, qui ne sont pas seulement financiers.

L’alternance, c’est d’abord la possibilité du temps long pour former les futurs employés à la fin de leurs études. «Vous pouvez avoir la meilleure formation académique, tant que vous n’êtes pas confrontés à la réalité de l’entreprise, vous n’êtes pas opérationnel», souligne Franck Cheron, responsable du conseil RH chez Deloitte. «Prenez le cyber par exemple. On peut apprendre à parer une attaque dans la théorie. Mais si vous n’avez jamais été confrontés à un système de rançonnage, vous n’avez pas de savoir-faire concret.»

Grande ou petite entreprise, l’apprentissage réduit aussi les risques d’un mauvais recrutement, qui peut handicaper l’entreprise comme l’employé. «Une période d’essai, c’est trois ou six mois», note Franck Cheron. «Avec l’alternance, c’est une période d’acclimatation qui dure 12, 18 ou 24 mois. On peut juger de la qualité d’un profil de façon beaucoup plus assurée.»

SOURCE : LE FIGARO ÉTUDIANT

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