Orientation : quels leviers pour favoriser davantage la mixité des métiers ? (Journées régionales en Grand Est)

Comment éviter les biais de genre et élargir les choix d’orientation chez les jeunes filles ? C’était l’un des enjeux discutés lors des "Journées régionales de la mixité professionnelle", organisées pour la première fois par la région Grand Est, les 6 et 7 mars 2025. Plusieurs acteurs de l’Éducation nationale et de la région passent en revue différents leviers (promotion des métiers, formations, partenariat avec le monde économique, etc.), soulignant la nécessité d’aller plus loin. Dans le domaine du numérique, le projet "TechPourToutes" (Inria) mise sur le suivi de parcours et "l’impact".
"Nous souffrons dans un certain nombre de filières d’une absence de femmes - numérique, industrie, etc. - alors que rien ne justifie que demeurent des inégalités en la matière !", pointe le président de la région Grand Est, Franck Leroy, en ouverture le 6 mars 2025 des "Journées régionales de la mixité professionnelle - Femmes, sciences et techniques" à Strasbourg (1).
Écoles d’ingénieurs : "un sujet d’inquiétude" (F. Leroy)
Car, malgré des évolutions en matière de mixité femmes-hommes, "pour [certains] métiers, la situation est encore parfois préoccupante", ce qui représente "un handicap pour notre région", poursuit l’élu. "Les filles sont largement sous-représentées dans les écoles d’ingénieurs : un quart des effectifs seulement, et leur nombre tend même à diminuer. C’est un sujet d’inquiétude, nous devons nous pencher dessus avec l’ensemble des 35 écoles d’ingénieurs de la région".
Franck Leroy plaide pour "déconstruire les stéréotypes de genre encore trop souvent collés à certains métiers", de la coiffure au soin. "Nous avons à promouvoir certains métiers aux yeux des hommes et faire en sorte d’ouvrir les perspectives professionnelles des femmes… Il y a malheureusement 15 % de femmes en métallurgie. 48 % des filles abandonnent les mathématiques en première générale". Ainsi, "il faut que nous puissions relever collectivement ce défi", en particulier "en se penchant sur la question de l’orientation, dès la 4e-3e".
"Une mobilisation collective" (P.-F. Mourier)
"Certaines de nos filières à l’EN restent massivement genrées, enfermant les jeunes dans des choix dictés par des stéréotypes franchement archaïques", le rejoint Pierre-François Mourier, recteur de Nancy-Metz et de la région académique Grand Est. "L’orientation scolaire et professionnelle ne doit plus être influencée par tous ces biais, largement inconscients". D’ailleurs, "toutes les académies se saisissent de cette problématique, sous l’impulsion notamment de la ministre d’État", assure-t-il. "Cela implique une formation de nos enseignants renforcée, une sensibilisation accrue et une mobilisation collective, pour garantir à chaque jeune un véritable choix dans l’orientation". Il se félicite de la montée en puissance du "label égalité filles-garçons", avec notamment "pour l’académie Nancy-Metz, le passage de 13 établissements labellisés il y a trois ans à 28 aujourd’hui".
"Nous devons également travailler main dans la main avec le monde économique", affirme Pierre-François Mourier, soulignant l’importance des partenariats, tels que "RoboTech". Aussi, "nous devons être extrêmement vigilants à l’accueil qui est réservé aux jeunes filles en stage", alors que celles-ci "font face à des critiques discriminantes en matière de codes vestimentaires".
Du diagnostic aux actions
Une table-ronde ("Éducation, orientation : quels leviers pour la mixité ?") s’est penchée sur les actions déjà menées en faveur de la mixité des métiers et de l’élargissement des choix professionnels, avant de réfléchir aux perspectives.
La persistance de disparités fortes dans l’orientation a été illustrée par la sociologue de l’éducation Clotilde Lemarchant, qui s’est intéressée aux formations professionnelles et techniques dans le second degré. "En secrétariat-bureautique, il y avait 98 % de filles en 1984, et donc 2 % de garçons ; en 2002 c’était 95 % de filles, 5 % de garçons, et aujourd’hui nous sommes sur cette proportion". De l’autre côté, les garçons restent sur-représentés sur le champ "électricité-électronique" (98 % en 1984, 97 % en 2002).
Comment l’école s’empare-t-elle des inégalités dans les trajectoires des élèves ? Pour la Draio Grand Est Yoril Baudoin, cela commence par "des indicateurs genrés" et des "diagnostics". "Nous sortons d’une concertation en région académique sur l’orientation (lire sur AEF info). Force est de constater que nos filles vont plus en voie GT que nos garçons, qu’elles demandent davantage à aller en première générale. Mais, si elles sont majoritaires sur les 'mathématiques complémentaires', elles sont sous-représentées sur les 'mathématiques expertes'".
Autre constat : "dans les filières technologiques, elles sont sous-représentées sur les filières industrielles, tandis que les garçons sont sous-représentés sur les filières médico-sociales – identifiées dans le Business Act de la région".
Numérique : "transformer le système" (M. Brunet)
Autre éclairage, le programme "TechPourToutes" d’Inria vise à "soutenir les filles de 15-25 ans qui souhaitent commencer ou poursuivre des études dans le numérique", indique la chargée de mission Muriel Brunet. "Nous allons leur apporter tous les moyens qui leur manquent pour définir leur projet, réussir leur formation et s’intégrer au mieux dans l’emploi", "en ouvrant le champ des possibles : métiers salariés, création d’entreprise, métiers de l’ESR".
L’accompagnement des enseignants
"Dans nos perspectives à présent, il s’agit effectivement de mesurer l’impact", reconnaît Yoril Baudoin (Draio Grand Est). Car malgré les nombreux dispositifs d’information, "il y a un peu de résistance". "Les jeunes filles le disent : 'oui, c’était une belle action, mais moi, c’est autre chose que je veux faire !'".
Pour la sociologue Clotilde Lemarchant, il s’agit de "continuer de former" et "expliquer" les enjeux de perspective de genre. "Il faut notamment former les futurs enseignantes et enseignants dans les Inspé, avec des intervenants connaissant les questions d’inégalités d’éducation filles-garçons, de VSS, de statut, etc.". L’enjeu est aussi "d’éduquer, en remettant à disposition les outils de lutte contre les stéréotypes, comme l’ABCD de l’égalité".

SOURCE : AEFINFO

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