Pour peser dans la compétition intellectuelle mondiale, intégrons un cursus de relations internationales à l’université

Membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, la France doit impérativement intégrer les relations internationales dans son enseignement universitaire, une discipline essentielle pour maintenir son rôle sur la scène mondiale, souligne Serge Sur, membre titulaire de l’Académie des sciences morales et politiques.
Depuis le début du XXIe siècle, plusieurs initiatives émanant d'universitaires et de chercheurs ont plaidé en faveur de la reconnaissance des relations internationales comme une discipline autonome au sein des parcours académiques. Ces propositions incluent la création de formations dédiées, un doctorat spécifique, et des modes de recrutement des enseignants-chercheurs adaptés à cette discipline, tout comme l’instauration d’une section spécialisée au sein du Conseil national des universités (CNU). En 2000, le rapport Heisbourg a lancé cet appel, suivi par le rapport Andréani-Bozo en 2004, qui proposait même la création de l’École de relations internationales de Paris (Erip). Ces travaux soulignent l’importance de cette approche multidisciplinaire, intégrant le droit, l’économie, la géographie, l’histoire, la stratégie et les études civilisationnelles.
Une discipline indispensable pour la France
Malgré ces initiatives, de nombreux projets se sont heurtés à la résistance de disciplines déjà bien établies, réticentes à l’idée de voir émerger une nouvelle spécialisation. Toutefois, il est crucial de comprendre que personne ne peut revendiquer un monopole sur ce domaine, ni prétendre en dominer toutes les facettes de manière isolée. L'absence de formations en relations internationales qui puissent structurer un vivier d’enseignants et de chercheurs est un véritable handicap pour la France, en particulier au moment où de plus en plus d’étudiants francophones souhaitent se tourner vers ce domaine d’étude. Or, ces derniers se heurtent à la difficulté de trouver des programmes adaptés à leurs aspirations.
En tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et acteur majeur sur la scène internationale, la France ne peut se permettre de se priver de cette expertise cruciale. La création d'un cursus universitaire dédié permettrait à notre pays de disposer d’un vivier d’experts capables d’assumer des rôles de leadership dans la diplomatie, les affaires internationales et la gestion des crises mondiales.
Des avancées notables mais insuffisantes
Malgré des progrès tangibles, le chemin reste encore semé d’embûches. Depuis plusieurs années, plusieurs masters en relations internationales ont été lancés, et il est désormais possible d’ajouter le label « relations internationales » à certaines thèses soutenues dans d’autres disciplines. Depuis 2000, l’Annuaire français de relations internationales (Afri) témoigne de la multidisciplinarité de ce domaine, et en est à sa vingt-cinquième publication. De même, la revue Questions internationales, lancée en 2003, s’est imposée comme une référence dans le domaine des relations internationales.
Néanmoins, ces initiatives restent insuffisantes face aux besoins croissants d’une formation plus structurée et d’une reconnaissance officielle de cette discipline à part entière.
Un enjeu majeur pour l’avenir de la France et de ses entreprises
Le contexte actuel, marqué par une volonté de réforme dans l’enseignement supérieur, est propice à une évolution significative. L’enjeu est de taille : sans une telle réforme, la formation en relations internationales risque d’être laissée à des écoles privées sans véritable reconnaissance académique, souvent motivées par des intérêts mercantiles. Pourtant, pour la France, qui reste un acteur clé dans les relations internationales, il est impératif de disposer d’une génération d'experts compétents, capables de comprendre et de naviguer les enjeux mondiaux.
De plus, pour les entreprises engagées sur la scène internationale, disposer de jeunes docteurs en relations internationales représente un atout indéniable. Ces compétences sont de plus en plus recherchées dans des secteurs où l’impact des décisions politiques et géopolitiques est crucial. Dans ce contexte, les universités ont un rôle fondamental à jouer en formant ces futurs leaders et en soutenant leurs travaux.
Un appel à l’action
Il est donc urgent que le gouvernement prenne la mesure de l’enjeu et décide de donner une impulsion décisive à la création d’un cursus universitaire spécifique aux relations internationales. Ce n’est qu’ainsi que la France pourra maintenir sa place dans la compétition intellectuelle mondiale et répondre aux besoins d’expertise croissants, tant pour ses institutions publiques que pour ses entreprises.
Les décisions prises aujourd’hui auront un impact durable sur la capacité de notre pays à influencer et à gérer les affaires mondiales dans les années à venir. Il est temps d’agir.

SOURCE : LE FIGARO

Nos réalisations
Découvrez nos références, nos réalisations et nos travaux pour des établissements.
C'est tout frais de nos experts

"ChatGPT nous oblige à redéfinir notre métier" : un professeur d’histoire-géo spécialisé en intelligence artificielle

Nouveau bachelor agro : les modalités détaillées dans des projets de décrets
