Réduire les inégalités en maternelle : quel impact des pédagogies alternatives ?

Depuis la rentrée 2019, l'instruction est obligatoire dès 3 ans, au lieu de 6 ans, dans le but de faire de l’école maternelle un véritable tremplin vers la réussite et de promouvoir une société plus équitable. Pourtant, malgré cette obligation, les inégalités en matière de réussite scolaire restent marquées dès la maternelle, avec des écarts sociaux importants.

Les études de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) révèlent qu’à l’entrée au CP, parmi les 10 % des élèves les moins performants, un tiers sont issus de milieux ouvriers ou inactifs. La sociologue Marie Duru-Bellat constate que les écarts de réussite, déjà présents à la maternelle, tendent à se creuser au fil de la scolarité, certains enfants bénéficiant davantage des pédagogies en place.

Des inégalités d'apprentissage dès la maternelle

Les enfants arrivent à l'école maternelle avec des expériences et des préparations très diverses selon leur milieu familial et socio-économique. L’ouvrage Enfances de classe illustre comment des enfants comme Ashan, vivant dans des conditions précaires, et Annabelle, dont les parents privilégient le développement éducatif, abordent l’école avec des niveaux de préparation très différents. Ces différences influencent leur aisance à s’adapter aux exigences scolaires.

Les recherches des années 1970 ont montré que la pédagogie développée en maternelle n'est pas neutre socialement. Selon le sociologue Basil Bernstein, cette pédagogie est souvent « invisible » car elle se base sur des activités et des jeux censés favoriser les apprentissages de manière implicite. En France, Jean-Claude Chamboredon, Jean Prévot et Éric Plaisance ont souligné que cette approche est proche du mode éducatif des classes moyennes et peut aggraver les inégalités pour les enfants de milieux populaires, moins préparés à percevoir ces apprentissages implicites.

Différences d’approche selon l’origine sociale

Des études récentes, comme celles de Muriel Darmon, montrent que la transition entre la famille et l’école maternelle varie selon l’origine sociale des élèves. Pour les enfants de milieux populaires, cette transition peut être plus marquée, tandis qu’elle s’inscrit dans une continuité pour les enfants de milieux moyens. Les perceptions des élèves diffèrent aussi : ceux des classes moyennes et supérieures sont souvent vus comme plus mûrs et compétents, tandis que les comportements des enfants des milieux populaires sont parfois interprétés comme des difficultés personnelles plutôt que sociales.

Pédagogies alternatives et inégalités scolaires

Les pédagogies alternatives, comme la pédagogie Montessori, visent à offrir une plus grande autonomie aux enfants. Cependant, ces approches ne garantissent pas nécessairement une réduction des inégalités. Les activités autonomes, bien que engageantes, peuvent parfois manquer de régulation par l'enseignant, limitant ainsi la rétroaction nécessaire pour certains élèves.

Malgré cela, les activités inspirées de la pédagogie Montessori peuvent susciter un engagement plus fort chez les élèves. Cependant, les distinctions entre pédagogies alternatives et traditionnelles ne suffisent pas à réduire les inégalités scolaires de manière significative. Il est crucial de se concentrer sur les pratiques pédagogiques spécifiques et leur impact sur tous les élèves.

Moments d’ouverture des apprentissages

Il est également important de reconnaître que la pédagogie peut jouer un rôle dans la réduction des inégalités. Des moments d’ouverture aux apprentissages, où les enseignants expliquent les savoirs en jeu ou adaptent leur approche aux difficultés spécifiques des élèves, peuvent aider à surmonter certaines inégalités. Toutefois, ces moments restent souvent ponctuels et nécessitent une attention particulière de la part des enseignants, qui peuvent ne pas toujours avoir le temps ou les ressources nécessaires.

En conclusion, bien que la pédagogie joue un rôle dans la construction des inégalités scolaires, elle peut également contribuer à leur réduction si elle est mise en œuvre de manière réfléchie et adaptée aux besoins de tous les élèves.

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SOURCE : THE CONVERSATION